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Turandot, ou la défaite d’une civilisation millénaire

Zurich
Opernhaus
04/09/2006 -  et les 12, 19, 21, 25, 28, 30 avril et 3 mai 2006

Giacomo Puccini: Turandot


Paoletta Marrocu (Turandot), Elena Mosuc (Liù), José Cura (Calaf), Pavel Daniluk (Timur), Gabriel Bermudez (Ping), Andreas Winkler (Pang), Boguslaw Bidzinski (Pong), Miroslav Christoff (Altoum), Valeriy Murga (un mandarin)


Chœur de l’Opernhaus de Zurich, chœur complémentaire et chœur d’enfant de l’Opernhaus, Jürg Hämmerli (direction),
Orchestre de l’Opernhaus, Alan Gilbert (direction)
Giancarlo del Monaco (mise en scène), Peter Sykora (décors et costumes), Hans-Rudolf Kunz (lumières)


La montée en puissance de la Chine, la direction engagée par l’Empire du Milieu sur la voie du libéralisme et du capitalisme sont-elles un phénomène positif ou négatif? Annoncent-elles des jours meilleurs pour le peuple chinois, qui n’a pas été épargné par les tragédies et les malheurs tout au long de son histoire? Ces questions, d’une brûlante actualité, Giancarlo del Monaco les pose avec beaucoup d’intelligence et de pertinence à l’occasion de la nouvelle production de Turandot présentée par l’Opernhaus de Zurich. Si le metteur en scène se garde de donner une réponse, laissant aux spectateurs le soin de trancher, il livre en revanche un spectacle fort et cohérent, qui comptera parmi les réussites de la saison actuelle. Devant une paroi représentant le palais impérial, le chœur est composé de formes sombres et grises, le visage à peine visible, le plus souvent prostrées en signe de soumission. Calaf, veste de cuir noire et lunettes sombres, est l'étranger, l’Occidental attiré par les richesses d’une cour millénaire. Imbu de sa supériorité, il allume nonchalamment une cigarette avant le test des énigmes et scrute avec dédain ses interlocuteurs. Plutôt que véritablement amoureux de Turandot, on le sent désireux de tester son attrait sur la princesse. Pour répondre aux questions, il se sert d’un ordinateur portable tendu par Liù. Sans romantisme aucun, il conquiert Turandot par la violence, en la jetant à terre. Et lorsque cette dernière s’ouvre enfin à l’amour, son peuple apparaît sur scène habillé à l’occidentale, en pleine lumière cette fois, une coupe de champagne à la main, devant un écran géant figurant les gratte-ciel de Shanghai, qui ont remplacé le vieux palais impérial. Choc des cultures et des civilisations donc, la fin d’une époque annonçant le début d’une nouvelle ère, pleine d’interrogations, mais seul l’avenir pouvant dire si elle sera meilleure. Quoi qu’il en soit, cela faisait bien longtemps que l’Opéra de Zurich n’avait plus présenté de véritable mise en scène, avec un concept digne de ce nom, appliqué avec systématique de bout en bout du spectacle.


La réussite scénique se double d’une réussite vocale et musicale, quoique moins éclatante. Il convient de citer en premier lieu le chœur de l’Opernhaus, excellent dans tous les registres de voix. Habitué de la scène zurichoise, José Cura fait forte impression en Calaf. En pleine forme, le ténor argentin affiche un timbre sombre et vigoureux et lance des aigus percutants, se permettant même de chanter Nessun dorma couché sur le dos! Contrairement à d’autres apparitions récentes ici même, il se montre impliqué et scrupuleux du style et de la partition. Et il n’a aucune peine à jouer le macho voulu par la mise en scène! Dommage seulement qu'il escamote souvent les voyelles. Elena Mosuc campe une Liù fragile et émouvante, avec des pianissimi aériens et des accents expressifs. Complètement dépassée dans In questa reggia, peut-être sous l’effet du trac, Paoletta Marrocu se ressaisit quelque peu par la suite pour incarner une princesse angoissée et humaine plutôt que brutale et hautaine. Mais elle n’est pas avantagée par la mise en scène, qui la veut le plus souvent à l’arrière du plateau, ce qui fait qu’elle peine à se faire entendre, d’autant que la voix n’est pas des plus puissantes. Dans la fosse, Alan Gilbert mène l’orchestre tambour battant, si on peut dire, au détriment des nuances et du raffinement de la partition de Puccini (dans la version complétée par Alfano), et privilégie le triple fortissimo, ce qui n'est pas du meilleur effet dans un cadre aussi intimiste que celui de l'Opernhaus. Le public n'en a cure et réserve un accueil enthousiaste à tous les artisans du spectacle.




Claudio Poloni

 

 

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