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“Quels chants doux et touchants, quels accords ravissants!”

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/03/2006 -  
Christoph Willibald Glück : Orfeo ed Euridice
Marie-Nicole Lemieux (Orphée), Veronica Cangemi (Euridice), Cora Burggraaf (Amour)
Ensemble Vocal Melisme (s)
Ensemble Matheus
Jean-Christophe Spinosi (direction)

L’Ensemble Matheus et Jean-Christophe Spinosi délaissent un temps Vivaldi pour explorer le répertoire de Glück. Entouré d’une distribution composée de fidèles chanteurs, le chef tente de charmer tous les dieux des Enfers et il y parvient assez bien en usant de phrasés élégants, d’impulsions vigoureuses… Ensemble ils parviennent à jouer l’histoire, à la raconter et à la faire vivre!



La version retenue est celle de 1762, donc italienne. Le choix est un peu frustrant car il manque quelques airs dont le charmant “Si les doux accords de ta lyre” de l’Amour et le terrible air d’Orphée “L’espoir renaît dans mon âme”. Quelques passages orchestraux sont également absents dont un qui demande un solo de flûte (thème que Jean Cocteau reprendra pour son film Orphée) et la déception est encore plus grande quand on connaît la qualité des instrumentistes de l’Ensemble!
Le rôle-titre est tenu par une contralto et la représentation repose donc sur les épaules solides de Marie-Nicole Lemieux qui campe un Orphée attendrissant, vigoureux et déterminé. La voix de la chanteuse québécoise a beaucoup gagné dans les aigus mais a un peu perdu dans les graves. Certains passages sont presque inaudibles et la partition la met parfois en difficultés. Ceci dit, elle n’est avare ni de nuances, ni de suaves couleurs et elle propose une teinte vocale pour chaque air ou pour chaque sentiment. Dès ses premières interventions elle explore toute la douleur d’un époux désespéré avec des “Euridice” différents, véritables appels sans réponse: la chanteuse arrive à contrôler son vibrato pour qu’à chaque nouveau “Euridice”, la voix - et donc le personnage - en dise un peu plus. La chanteuse joue de tout son charme vocal pour séduire les divinités infernales avec toutefois une certaine autorité qui ne laisse pas place à la discussion: elle insiste sur ses pleurs, ses larmes, etc… et les harpes, très expressives, contribuent à créer une ambiance émouvante. Le fameux “Che faro sanza Euridice” est interprété avec grâce et humilité: la salle retient son souffle et succombe à la douleur du personnage. L’oeuvre de Glück est composée de nombreux récitatifs ce qui convient parfaitement à la musicalité et à l’imagination de Marie-Nicole Lemieux: ses “dove sei” sont poignants, etc…
Veronica Cangemi interprète avec sensibilité le personnage d’Euridice. Elle exprime sa douleur avec des notes presque susurrées, à peine audibles tellement elles sont douces et mélancoliques. Elle parvient à crier sa colère dans son air “Fortune ennemie” (en italien). La partie d’Euridice est également très récitative mais la chanteuse tient le pari de faire vivre chaque note et de les rendre parfaitement lisibles et riches de sens. Ainsi quand elle décrit son état, ses frissons, ses tremblements, elle est touchante par la grande vérité qu’elle exprime. L’orchestre est aussi très précis et souligne la désarroi et la peur qui l’entourent avec un pupitre de contrebasses très inspirées. Elle forme un couple très harmonieux avec Marie-Nicole Lemieux et leurs deux voix se mêlent mélodieusement dans les duos pour ne plus former qu’une seule voix riche de couleurs aiguës et graves.
Cora Burggraaf chante un charmant Amour. Sa voix fluide et sonore se prête bien à la divinité, et elle arrive à garder une certaine naÏveté d’enfant. Son seul air “Soumis au silence” (en italien) est tout mignon et elle joue sur les nuances: la première partie de l’air est donnée en pleine voix tandis que la reprise est exécutée en mezza-voce. On ne peut que fondre devant un tel ange…


Le tout jeune ensemble vocal Melisme(s) dirigé par Gildas Pungier ne reçoit que des éloges. Quelle précision dans le texte, dans les mots puisqu’ils sont tous porteurs de sens: les choristes mettent en relief les “s” de “sospiri”, ils glissent sur les “Euridice”, etc… Le choeur se montre particulièrement vigoureux et féroce dans les passages où il incarne les Furies au deuxième acte: les “no” sont très autoritaires! Mais quelle douceur, en revanche, quand il représente les Ombres Heureuses!
Jean-Christophe Spinosi donne une lecture intéressante de cette oeuvre. Dès le début du concert, des couleurs mozartiennes se font entendre et une certaine solennité (proche d’une composition religieuse) s’installe. Il porte une attention extrême aux contrastes crescendo-decrescendo notamment dans l’ouverture dans laquelle il laisse peu à peu monter le drame pour le faire exploser dans les premières notes du choeur. La direction d’orchestre donne la place à une certaine magie et les silences en deviennent plus éloquents comme, par exemple, entre les accords qui ouvrent le deuxième acte. L’Ensemble Matheus plante, avec réalité, le décor d’un Enfer terrifiant avec quelques notes piquées des cordes.



Une fois de plus Orphée a réussi à charmer les Enfers mais aussi le public du Théâtre des Champs-Elysées. Ce dernier, à en juger l’ovation finale, sera prêt à lui permettre d’aller rechercher, autant de fois qu’il le faut, son épouse… Une équipe robuste pour un concert très agréable permettant d’entendre un peu de Glück, compositeur majeur qui se fait assez rare dans la capitale.




A noter:
- Marie-Nicole Lemieux a fait paraître son premier récital chez NaÏve consacré à des mélodies de Debussy, Chausson… “l’Heure exquise”.
- Marie-Nicole Lemieux sera en concert le 27 novembre 2006 pour Les Nuits d’Eté de Berlioz et des Lieder de Schubert, en compagnie de John Nelson.
- Jean-Christophe Spinosi et l’Ensemble Matheus seront souvent à l’affiche du Théâtre des Champs-Elysées la saison prochaine: le 9 novembre pour des airs de Vivaldi, le 5 décembre pour le Requiem de Mozart (concert dans lequel Marie-Nicole Lemieux tiendra la partie de mezzo), etc…


Manon Ardouin

 

 

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