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"Ah! Parais! Parais!"

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/01/2006 -  
Airs d’opéra: Mozart, Verdi, Donizetti,…
Rolando Villazon (ténor)
Orchestre National de France
Marco Armiliato (direction)

Après un concert triomphal l’année dernière au Théâtre des Champs-Elysées, Rolando Villazon revient enchanter son public, conquis d’avance qui lui offre plusieurs minutes d’applaudissement avant même sa première note. Nouveau triomphe largement mérité car le ténor mexicain offre une nouvelle palette de son répertoire avec des personnages nouvellement abordés (Don José, Werther…) mais également avec des personnages en projet comme le Riccardo du Ballo in maschera.



Comme son collègue Juan Diego Florez le mois dernier, Rolando Villazon ouvre le concert avec deux airs de Mozart, répertoire qu’il n’aborde pas généralement. Et c’est bien dommage… Il interprète “Dies Bildnis” de Die Zauberflöte avec une douceur et une sensibilité remarquables. Sa voix est purement luxueuse pour distiller les différents “ich fühl es” et “liebe sein”. Il interprète ensuite le fameux “Il mio tesoro” de Don Giovanni avec un aplomb saisissant. Ici Don Ottavio n’est ni mièvre ni naïf mais bien combatif et nerveux, il se révolte contre son sort: le Don Ottavio villazonien possède une véritable carrure ainsi qu’une existence dramatique. Les vocalises ne sont pas susurrées comme d’habitude, elles ont une âme! Cela n’empêche pas pour autant une certaine recherche de nuances dans les différentes membranes de la vocalise. Cette force expressive est également dû à un tempo plutôt rapide de la part de l’orchestre. Par la grâce qu’il apporte à la musique de Mozart, Rolando Villazon se place dans une lignée de grands chanteurs mozartiens et il est difficile de ne pas penser à Fritz Wunderlich en l’entendant dans Die Zauberflöte. Même si le ténor mexicain est merveilleux dans le répertoire lyrique, il est à souhaiter que sa récente expérience monteverdienne très enthousiasmante et ces airs de Mozart essayés en concert lui donneront envie de poursuivre dans cette voie. Depuis quand n’avons-nous pas entendu un “héros” mozartien chanter avec toutes ses entrailles? Les puristes n’adhéreront peut-être pas entièrement à cette esthétique plus lyrique mais quoi qu’il en soit, Rolando Villazon apporte sa lecture et son interprétation et elles sont très loin d’être inintéressantes.
Passée cette mise en bouche (ou en voix), Rolando Villazon aborde le répertoire pour lequel il est fêté à travers le monde entier. Donnant un avant-goût de son passage à Orange aux prochaines Chorégies, il chante l’air final d’Edgardo de Lucia di Lammermoor. Quel feu et quelle vie dans son interprétation! Il est tellement pris par le personnage et dans la musique qu’il allonge les notes, chante avec une puissance non prouvée - et pour cause - dans les airs précédents. Il semble complètement possédé par la musique! Il se montre très expressif dans le récitatif en ajoutant des pleurs dramatiques, des crescendos de colère dans les mots, des retards. Il sait aussi être poignant dans la dernière phrase “Tu delle gioie…” en tenant à l’excès toutes les notes. Son chant est très imagé et sans texte, il est aisé de comprendre ce qui se passe. Il chante ensuite “Ah! Parais” du Mage de Massenet. L’enregistrement de l’année dernière avec Evelino Pido était déjà une merveille mais l’entendre en vrai est encore plus émouvant! Il convoque ici ses graves notamment sur “cachant ton front gracieux”, des graves veloutés et somptueux.
Verdi ouvre la seconde partie du concert avec l’air de Riccardo “Forse la soglia”. Ici aussi le souverain possède une grande énergie mêlée à de la tristesse et du désespoir. Rolando Villazon a bien compris la douleur du personnage notamment quand il chante d’abord avec puissance, puis laisse mourir la phrase, dans “Ah, l’ho segnato…” à la fin du récitatif. Riccardo fait un immense effort sur lui-même et le ténor rend au mieux ce sentiment par des ports de voix, des phrases longues sans respirations apparentes. Il ne reste plus qu’à attendre qu’il porte sur scène ce personnage, il risque d’être très fort. Vient ensuite le célèbrissime “Kuda, kuda” d’Eugène Onéguine que le chanteur incarne en ce moment sur la scène du Covent Garden. Comment rendre compte de l’émotion qui transparaît dans chaque note, chaque inflexion?…Cet air permet à Rolando Villazon de dévoiler sa sensibilité dans la seconde partie avec des couleurs lumineuses dans la voix. Mais dès les premières notes le personnage est posé et c’est un jeune homme amoureux, triste et nostalgique, plein de fraîcheur qui se rend compte au fur et à mesure de l’air qu’il va mourir bientôt.
L’année dernière, Rolando Villazon avait chanté toute la scène de “E lucevan le stelle” de Tosca et cela avait été une révélation. Ce soir il poursuit avec “Recondita armonia”. Cette partition semble lui aller comme un gant et il ne ménage pas son enthousiasme musical pour la dernière phrase “Tosca, sei tu” qu’il allonge au maximum! Quelle force dans son interprétation, quelle chaleur dans son amour pour Tosca! Il achève le concert avec le redoutable “Mamma, mamma, quel vino è generoso” de Cavalleria rusticana. On ne peut que rester suspendu à ses notes tant l’intensité dramatique est impressionnante: les deux premiers “mamma” font froid dans le dos tant le désespoir augmente au cours de l’air. Rolando Villazon chante cet air comme s’il était fou, un peu comme à la fin des Contes d’Hoffmann quand il renvoie tous ses amis. Son chant est toujours très bien maîtrisé mais il donne le change en interprétant ce passage comme s’il allait mourir de folie à chaque note! C’est, en même temps, un dernier appel au secours à sa mère avec les “bacio” presque hurlés de désespoir!
Rolando Villazon, n’est pas avare de bis puisqu’il en donne quatre. Tout d’abord il chante un charmant extrait de I Lombardi “La mia letizia”. Sa voix respire la joie, le bonheur et la légèreté. Ensuite il offre sa première fleur de Carmen au public parisien. Là aussi il est impressionnant car il est tour à tour charmeur, désespérément amoureux et tout simplement désespéré. Il allonge le dernier “Carmen” et le “je t’aime” pour tenter de séduire Carmen au maximum. Il raconte ensuite le fameux lied d’Ossian “Pourquoi me réveiller” de Werther, rôle qu’il vient d’aborder à Nice. Sa voix en dit beaucoup plus que le texte et dramatiquement il est excellent tellement il essaie de faire passer d’autres messages à Charlotte. Ses “ô souffle du printemps” sont toujours aussi délicats et séduisants. Il termine le concert avec l’incontournable “No Puede ser” qui évolue au cours des concerts. Il le chante avec de plus en plus de douceur dans la seconde partie, moins en force et avec plus de nuances. Toutefois ses dernières notes n’en finissent pas avec “porque no sé” et il offre au public ce qu’il lui reste d’énergie! Magnifique!
On a beaucoup dit à propos de la prononciation de Rolando Villazon. Certes elle n’est pas toujours parfaite mais il a fait des progrès notables pour ce concert. Évidemment il n’est pas question de juger pour le russe mais l’italien et le français sont parfaitement intelligibles et l’allemand est très bien rendu: il joue d’ailleurs sur les couleurs de l’allemand pour rendre son chant encore plus expressif.


Une importante part du succès de ce concert revient aussi à Marco Armiliato. Ce jeune chef est rempli d’idées musicales et de sensibilité. Son ouverture des Nozze di Figaro est très belle avec un élégant phrasé et une structure bien rythmée. Celle de La Forza del destino prouve sa musicalité notamment dans la conduite du thème principal: le tempo très vif aux timbales souligne la rapidité et l’atrocité du destin et donc de l’intrigue. Il se montre un excellent soutien pour Rolando Villazon et une complicité évidente les unit, pour le plus grand bien de la musique. L’introduction orchestrale de l’air de Lucia est particulièrement bien réussie car il parvient à faire monter peu à peu le drame. La fin de l’air de Carmen est très douce et mélancolique.



Le Théâtre des Champs-Elysées, plein à craquer, applaudit beaucoup ce jeune ténor qui ne cesse d’enchaîner succès sur succès. Et comment résister à un tel engagement vocal et scénique (même si c’est un concert, par quelques gestes subtils et surtout par sa voix, il crée un monde), comment ne pas succomber au charme d’un chanteur qui pendant deux heures se prend au jeu et donne tout à son public? La générosité de Rolando Villazon n’a d’égal que son talent!




A noter:
- Rolando Villazon reviendra au Théâtre des Champs-Elysées le 30 avril prochain en compagnie de Natalie Dessay: au programme Massenet, Donizetti, Verdi… avant une série de représentations des Contes d’Hoffmann en janvier-février 2007 à la Bastille.
- Rolando Villazon vient de sortir son troisième récital avec Michel Plasson à la baguette: Offenbach, Bizet, Verdi… chez Virgin. (version de luxe avec un DVD de 40mn)


Manon Ardouin

 

 

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