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Pluton et Proserpine sous le charme de Jean-Claude Malgoire!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/22/2006 -  
Jean-Baptiste Lully : Alceste, LWV 50
Nicolas Rivenq (Alcide), Simon Edwards (Admète), Judith Gauthier (La Gloire, Céphise, Première ombre), James Oxley (Lychas, Alecton, Apollon, Premier triton), Renaud Delaigue (Straton), Bernard Delétré (Lycomède, Caron), Alain Buet (Pluton, Eole, Homme désolé, Cléante), Jean Delescluse (Phérès, Second triton), Hjördis Thébault (Proserpine, Nymphe de la Marne, Nymphe des Tuileries, Troisième ombre), Stéphanie d’Oustrac (Femme affligée, Nymphe de la Seine, Nymphe de la Mer, Diane, Thétis, Deuxième ombre)
Chœur de chambre de Namur, Jean Tubéry (direction), La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Jean-Claude Malgoire (direction)


Cette saison, le théâtre des Champs-Elysées rend hommage à l’un des plus fervents représentants de la musique baroque, Jean-Claude Malgoire. A travers quatre concerts, le chef français, découvreurs de talents et d’œuvres, revient sur des partitions qui lui tiennent particulièrement à cœur: après un Haendel et un Monteverdi et avant un Rameau, il retrouve, le temps d’une soirée parisienne, Alceste de Lully. L’histoire d’amour entre Alceste et Jean-Claude Malgoire est déjà longue: après un enregistrement en 1975, une première scénique en 1992 au Théâtre des Champs-Elysées - déjà -, le chef reprend cette œuvre qui est vraiment l’une des plus belles de Lully. C’est avec une musicalité et un engagement qui ne faiblissent à aucun moment que chanteurs et musiciens insufflent une vie à cette tragédie.


Dès les premières notes, Jean-Baptiste Lully et Jean-Claude Malgoire nous transportent à la cour de Louis XIV. Le prologue est annoncé avec des couleurs très spécifiques rendues par les trompettes et autre tambour. L’opéra est très dense et il n’existe aucun temps mort: chaque note a vraiment sa raison d’être et quelques passages sont d’une sensibilité extrême (le duo entre Admète et Alceste à l’acte II est le sommet de l’opéra).


Jean-Claude Malgoire s’est entouré d’une équipe réunissant de fidèles chanteurs de longue date. En premier lieu, Véronique Gens refait une incursion dans le baroque pour le plus grand bonheur de ses admirateurs. A entendre cette voix si pure, si rouée à tous les styles du baroque, capable de créer un monde d’une inflexion, d’un accent ou d’une nuance, on ne peut que regretter encore plus son absence des scènes baroques. Depuis ses débuts dans ce répertoire, la voix a gagné en gravité, en profondeur et en rondeur et elle peut incarner une Alceste, certes jeune, mais aussi très expérimentée. Elle impose son personnage avec une élégance et une grâce vocales.


Nicolas Rivenq revient aussi au baroque mais il commence le concert assez timidement. La voix est toujours aussi belle mais il met du temps à se chauffer et surtout à trouver l’énergie nécessaire pour donner la plénitude de sa voix. Mais une fois investi dans l’opéra et dans son personnage il campe un Alcide plein de noblesse, de souveraineté autant vocale que scénique.


Simon Edwards a la lourde tâche de remplacer Kobie van Rensburg et il s’en sort avec brio. Sa prestation est assez inattendue parce qu’il a davantage prouvé ses qualités dans le répertoire rossinien que dans les pages baroques. Qu’à cela ne tienne il offre une prestation de très haute qualité et fait montre d’une grande maturité vocale et ne paraît absolument pas pâle à côté de l’imposante Véronique Gens. Le fameux duo “Vous pleurez Alceste, vous mourrez Admète” est un morceau de douceur auquel il prête des accents charmants et de plus en plus douloureux et sensibles! Il est également très musical dans sa plainte “Alceste est morte” car il change constamment de nuance dans les différentes reprises, sur un descrescendo évident.


Judith Gauthier, disciple du couple Bacquier-Command, n’est pas forcément dans son élément dans la musique baroque. Elle cherche ses marques pendant la première partie du concert puis parvient à doser le volume nécessaire pour renforcer l’émission de sa voix et donc la moduler. Elle ne manque toutefois pas de verve scénique et tente de transmettre des émotions notamment lors des scènes de pleurs pour la mort d’Alceste. Elle est également touchante à la fin de l’opéra où elle interprète un petit air avec seulement deux guitares: ce passage ressemble à de la dentelle tellement Jean-Claude Malgoire et son interprète tentent de parvenir à la plus grande simplicité.


Stéphanie d’Oustrac tient la scène pendant tout le prologue avec un aplomb exemplaire. Cette jeune mezzo ne cesse de progresser autant au niveau de la beauté vocale que de l’interprétation. Elle nuance sa voix pour être au service du texte et de l’intrigue: les différents “ah” de douleur sont expressifs mais malheureusement sa diction laisse parfois à désirer. Elle fait une entrée très remarquée en Thétis puisqu’elle arrive avec une voix tonnante, grossie et totalement effrayante.


James Oxley est une très bonne découverte. Il possède un beau phrasé baroque avec une projection parfaite et sonore. Il faut également souligner sa diction excellente pour un étranger. Ses interventions divines sont exécutées avec force et solennité.


Renaud Delaigue est toujours aussi impressionnant et c’est un vrai plaisir de l’entendre en soliste (et non entouré de ses merveilleux collègues de l’Ensemble Clément Janequin). Il fait preuve d’une voix solide, avec des réserves, et d’une intonation reconnaissable. Il ne se montre pas avare de nuances quand il tente de séduire Céphise: il chante l’amour avec douceur et sensibilité. Un bel avenir s’ouvre devant ce chanteur car on ne peut pas ne pas entendre dans sa gorge se profiler des rôles plus lyriques comme les quatre méchants des Contes d’Hoffmann.


Les rôles plus secondaires sont tous tenus à la perfection. Alain Buet prête sa belle voix de baryton aux rôles de Pluton et d’Eole: il donne beaucoup de relief à ses personnages. Bernard Delétré, comme toujours, s’empare de ses rôles et les exploite au maximum. Il les fait vivre surtout lorsqu’il incarne Caron. Ce passage est très drôle car les trois femmes viennent lui demander de les prendre dans sa barque et lui refuse en imitant leur voix, etc… “il faut passer dans ma barque” ne cesse-t-il d’asséner! Jean Delescluse possède également un timbre intéressant et est tout à fait crédible en Phérès. Hjördis Thébault ne démérite pas non plus dans la distribution, surtout quand elle chante avec toute sa voix.


L’orchestre de La Grande Ecurie et de la Chambre du Roy sonne très bien et tous les pupitres seraient à louer. Ils ne ménagent pas leurs efforts pour défendre cette partition à commencer par le percussionniste qui joue sur ses instruments avec un véritable engagement! Jean-Claude Malgoire dirige d’une main de fer mais avec une sensibilité indiscutable. Sa battue, très stricte et très précise, lui permet de donner un élan général à l’ensemble de ses musiciens (quand les flots se déchaînent) mais également de séduire les Enfers par des accents doux et pleins de retenue. Le Chœur de chambre de Namur, dirigé par Jean Tubéry, est vraiment excellent. Il est à croire que les meilleurs choristes se trouvent dans les formations baroques et non dans les chœurs d’opéras! Ils sont attentifs au texte et à la musique, et l’un par rapport à l’autre. Dans le chœur des Enfers, par exemple, ils insistent sur les “r” de certains mots-clés “souffrir”, “mourir”, “bords”, etc... Les “hélas” lors de la mort d’Alceste sont également très éloquents.


Jean-Claude Malgoire ne pouvait mieux se rendre hommage. Il prouve, une fois de plus, qu’il est un des maîtres incontestés et incontournables du paysage baroque et même si sa carrière et son travail n’ont pas été autant médiatisés que ceux d’autres, son mérite n’en est pas moins grand. Secondé par une troupe de chanteurs excellents et remplis de personnalité, il rend toutes ses lettres de noblesse à Jean-Baptiste Lully et offre un concert mémorable!


A noter:
- Le “jubilé” Jean-Claude Malgoire se poursuit le 10 mai 2006 avec Les Indes galantes de Rameau au Théâtre des Champs-Elysées (concert également donné à Tourcoing les 5 et 7 mai 2006).
- Véronique Gens donnera un récital consacré aux tragédiennes baroques le 17 mai au Théâtre des Champs-Elysées en compagnie de Christophe Rousset (conjointement à la sortie du disque).



Manon Ardouin

 

 

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