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Une honte

Paris
Palais Garnier
03/11/2006 -  et 14, 18*, 20, 24, 27, 30 mars, 2, 4 avril 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Le Nozze di Figaro
Peter Mattei (Il Conte), Christiane Oelze (La Contessa), Heidi Grant Murphy (Susanna), Lorenzo Regazzo (Figaro), Christine Schäfer (Cherubino), Helene Schneiderman (Marcellina), Roland Bracht (Bartolo), Burkhard Ulrich (Don Basilio), Eberhard Francesco Lorenz (Don Curzio), Cassandre Berthon (Barbarina), Frédéric Caton (Antonio)
Orchestre de l’Opéra National de Paris, Sylvain Cambreling (direction)
Christoph Marthaler (mise en scène)




Une honte. Ces Noces de Figaro sont une honte, un bras d’honneur à Mozart, au public, à l’Opéra de Paris. Des metteurs en scène qui passent à côté de leur sujet on en connaît, qui contraignent le livret à quelques unes de leurs lubies aussi, mais qui trahissent sciemment l’œuvre, c’est plus rare ! Dans La Flûte enchantée de l’année dernière à Bastille, la Fura dels Baus avait remplacé les récitatifs par les textes stupides d’un obscur poète catalan, mais au moins leur travail scénique comportait-il des idées intéressantes (lire ici). Rien de tel ici où, au contraire, le metteur en scène Christoph Marthaler, dans un décor de HLM des années cinquante, détruit les logiques narratives du livret : par exemple le passage comique de Chérubin se cachant derrière le fauteuil pour échapper au Comte (acte I) est complètement désagrégé (ici Cherubin traverse la pièce au vu de tous et le Comte le trouve, sachant pertinemment ce qu’il fait), tout tombe à plat ! Idem pour l’acte II dans lequel Suzanne, finalement, ne se cache plus dans l’antichambre, tout tombe à l’eau. Et ne parlons même pas du quatrième acte. L’influx théâtral de Beaumarchais et de Da Ponte se délite et l’ennuie imprègne sournoisement mais sûrement le spectacle. Tout cela pour quoi ? Pour permettre à Monsieur Marthaler d’inclure des gags de sa composition, en l’espèce un SDF affublé d’un synthétiseur qui sort des ouin-ouin, des borborygmes, des morceaux de rap, et parfois, vaguement, un truc qui ressemble à du pianoforte. Comble de l’exaspération, il pousse la chansonnette en plein milieu du quatrième acte ! Quelques spectateurs incultes rient grassement, le public proteste, il a bien raison. Ce metteur en scène minable se croit certainement plus intelligent que Beaumarchais et Da Ponte, il faudrait plutôt le comparer à Castil-Blaze (1784-1857), le crétin qui «adaptait» les opéras étrangers en français (c’est lui qui transforma Der Freischütz de Weber en Robin des bois !). Rarement l’imbécillité crasse aura atteint un tel niveau à l’opéra.


Dans la rotonde des abonnés à 19 heures, le patron de la maison, Gérard Mortier, faisait une conférence de présentation du spectacle : il y affirme que «les récitatifs des Noces de Figaro sont un peu longs et qu’on s’y ennuie parfois», première nouvelle ! Quand ils sont mal joués, comme ce soir, on veut bien le croire. Voulant expliquer qu’il ne remettait pas en cause les hiérarchies sociales, Mortier nous apprend que «Mozart n’était pas marxiste», ouf on respire. Avec de tels jugements à l’emporte pièce, il ne faut pas s’étonner de se retrouver avec Marthaler.


Evidemment, le moindre chef qui possède une once de sens mozartien dans les veines aurait posé la baguette dès le début des répétitions pour claquer la porte ; pas de risque ici avec Sylvain Cambreling, déjà mauvais dans le récent Don Giovanni (lire ici), il confirme, si l’on peut dire, avec ces Noces : raideur, platitude, banalité du geste, absence du sens du tempo, jamais aucun frisson ne parcourra le spectateur. Rassurons-nous, il passe du bon temps, «En somme, on s’amuse exactement comme Mozart s’est amusé» déclare-t-il dans le programme. Charmant garçon.


Dans cette ambiance scénique et orchestrale complètement plombée, la voix apporte par moment un timide réconfort, il est vrai que la distribution est plutôt de bon niveau, les hommes notamment, mais les chanteurs assurent le service minimum : jamais transcendés, ils passent sans marquer les esprits.


Après le plantage de Don Giovanni, ces Noces de Figaro tombent encore plus bas. L’année Mozart à l’Opéra de Paris tourne au jeu de massacre !





Philippe Herlin

 

 

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