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L’œil dans l’oreille

Paris
Théâtre du Châtelet
03/13/2006 -  
Franz Liszt : Années de pèlerinage (extraits) (#)
Enrique Granados : Goyescas (extraits) (+)
Claude Debussy : Epigraphes antiques – Préludes (extraits) (#) – Images, Seconde série (extrait) (#) – Nocturnes (transcription Ravel)

Alain Planès (#), Jean-François Heisser (+) (piano)


Dans le cadre de ses «Moments musicaux», le Châtelet a donné carte blanche à Alain Planès pour trois concerts sur le thème «Passion secrète: conversation avec les peintres». Parallèlement à l’exposition au foyer Nijinski d’une installation vidéo de la plasticienne Kyoko Sato, le pianiste français, qui a eu la chance de connaître Joan Miro, a conçu, dans un louable souci de renouvellement des schémas traditionnels, un triptyque aux volets très différenciés, comprenant une soirée centrale en forme d’hommage au peintre catalan et un récital méridien plus traditionnel, autour de Chabrier et Debussy.


Deux rendez-vous extrêmement prometteurs si l’on en juge par l’ouverture de ce cycle, qui prenait quant à elle la forme d’une conférence de Jean-Michel Nectoux, solide et documentée, diapositives à l’appui, mais à la spontanéité quelque peu entravée par la lecture, présentant les œuvres au programme à la lumière des relations entretenues par leurs auteurs avec la peinture. Des relations tellement étroites que le commentaire de ce concert tend spontanément à filer la métaphore picturale, tant le vocabulaire de la musique – qui, pour reprendre l’heureuse formule de Rameau cité par Nectoux, semble mettre «l’œil dans l’oreille» – emprunte ou partage à celui des arts plastiques.


Planès interprète d’abord trois pièces des Années de pèlerinage de Liszt, s’inscrivant parfaitement dans cette thématique: le paysage, avec Au bord d’une source, extrait de la Première année (1854), puis, dans deux extraits de la Deuxième année (1849), l’inspiration directe d’un tableau (Sposalizio) mais aussi d’une sculpture (Il Penseroso). Un Liszt droit, sans fioritures, rendant aussi bien justice au sens de la construction de Raphaël qu’au caractère sévère et altier de la statue de Michel Ange.


Jean-François Heisser donnait ensuite trois pièces – Le Fandango de Candil, Complainte et L’Amour et la Mort – tirées des Goyescas (1911) de Granados: nulle tentation, chez celui qui s’est illustré de longue date comme l’un des défenseurs les plus constants de la musique espagnole, de céder aux facilités de la couleur locale. Il préfère conjuguer clarté du trait et souplesse de la ligne, dessinant à la pointe sèche les contours de ces tableaux.


La seconde partie était intégralement consacrée à une copieuse sélection de pages de Debussy. Même si ce recueil entretient un lien assez ténu avec les beaux-arts, on se plaindra pas d’avoir pu entendre les trop peu fréquentées Epigraphes antiques (1914), magnifiées ici par Heisser et Planès: sans cultiver le flou ou l’impressionnisme, ils obtiennent de somptueux clairs obscurs et une pâte sonore d’une merveilleuse densité.


Planès revenait ensuite en solo pour quatre morceaux soigneusement choisis: trois Préludes évoquant tour à tour la sculpture grecque – Danseuses de Delphes, extrait du Premier livre (1910) – une urne funéraire égyptienne ou une gravure d’Arthur Rackham pour une édition de Peter PanCanope et Les Fées sont d’exquises danseuses, extraits du Second livre (1912) – mais aussi la dernière des Images de la Seconde série (1907), ces Poissons d’or représentés sur le panneau d’un paravent japonais. Pas de pittoresque ici, mais une large palette de timbres, depuis les tons sombres jusqu’aux éclats de lumière, un piano à la touche subtile, chatoyant, transparent et brillant de mille feux.


Les deux artistes concluent par l’admirable transcription pour deux pianos que Ravel réalisa en 1909 des Nocturnes (1899): expressive et haute en couleur mais jamais décorative ou absorbée par le détail, leur vision n’a rien d’une fade aquarelle, mais s’épanouit de façon éblouissante dans des teintes chaudes.



Simon Corley

 

 

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