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Conlon donne le la

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/02/2006 -  
Edgar Varèse : Tuning-up (édition Chou Wen-Chung, création française) – Amériques (version originale)
Claude Debussy/Hanns Eisler : Prélude à l’Après-midi d’un faune
Igor Stravinsky : Scherzo fantastique, opus 3 – Concerto pour violon

Leonidas Kavakos (violon)
Orchestre national de France, James Conlon (direction)


Dans une démarche aussi inhabituelle que bienvenue, James Conlon s’exprime avec humour et spontanéité pour présenter à un public hélas bien trop clairsemé l’étonnant programme offert pour son retour à la tête de l’Orchestre national de France, qu’il n’avait pas dirigé depuis 1993: une construction en arche, allant, en termes d’effectif, de l’infiniment grand à l’infiniment petit pour retourner à l’infiniment grand, et dans laquelle deux œuvres de Varèse entourent deux œuvres de Stravinsky, encadrant elles-mêmes une version de chambre du Prélude à l’Après-midi d’un faune, avec recommandation aux spectateurs de n’applaudir qu’en fin de première partie, «s’ils le souhaitent».


La soirée commence par une plaisanterie musicale, le chef américain prétendant qu’après sa longue introduction, les musiciens ont besoin de se réaccorder: en fait, ils entament Tuning-up (1947) de Varèse, brève page éditée à titre posthume (1998) par son élève Chou Wen-Chung – mais que ne ferait-on pas pour augmenter de quatre minutes une production si rare? Le compositeur, comme Dutilleux le fit bien des années plus tard (quoique dans une intention plus poétique que ludique) dans son Concerto pour violon «L’Arbre des songes», s’amuse ici à imiter le joyeux chacun pour soi qui suit le la donné ici, sous la baguette de celui qui fut chef principal de l’Opéra national de Paris, par le premier hautbois solo, en l’espèce Nora Cismondi, qui, par coïncidence, vient de quitter l’Opéra pour rejoindre le National.


Conformément aux vœux de Conlon, le Scherzo fantastique (1908) de Stravinsky s’enchaîne sans interruption, petite merveille déjà si proche de L’Oiseau de feu, où l’on se plaît, grâce à la finesse du travail accompli, à entendre également Dukas ou Debussy.


C’est ce dernier qui conclut la première partie, dans une démarche assez surprenante, consistant à tenter de regrouper sur le devant de la scène les onze musiciens requis par l’adaptation du Prélude à l’Après-midi d’un faune (1892) réalisée pour la «Société d’exécutions musicales privées» fondée par Schönberg au lendemain de la Première Guerre mondiale: dans son propos liminaire, Conlon avait bien pris soin de parler non pas d’arrangement de Schönberg mais «sous la responsabilité de Schönberg». De fait, cette adaptation serait due à Eisler, ce qui n’en amoindrit évidemment pas les qualités et n’en démontre pas moins l’intérêt de la seconde Ecole de Vienne pour le maître français. Mais un sentiment de frustration prévaut face à cet orchestre au grand complet et réduit au silence, qui aurait pu interpréter la version originale... d’autant que l’approche rapide, délibérément dégraissée et non symphonique de Conlon aurait pu être servie par une réalisation instrumentale de meilleure qualité.


Retour à Stravinsky puis à Varèse en seconde partie, avec d’abord le Concerto pour violon (1931), qui sied idéalement à la finesse et à l’objectivité du jeu de Leonidas Kavakos, en accord avec l’accompagnement astringent proposé par Conlon, «néobaroque» plus que «néoclassique», ainsi qu’il l’avait fort justement qualifié lui-même au début du concert. Bach, incontournable bis des violonistes, se justifiait d’autant plus dans ce contexte, avec l’Andante de la Deuxième sonate, sans artifice, pas même celui du moindre vibrato.


Après un tel dépouillement expressif et instrumental, pouvait-on concevoir contraste plus saisissant que la version originale d’Amériques (1921) de Varèse? Occasion véritablement exceptionnelle pour laquelle plus de cent quarante musiciens sont réunis (vingt-sept bois, dont la rare clarinette contrebasse, trente-deux cuivres, dont pas moins de trois tubas, vingt percussionnistes)! Mais Conlon ne s’intéresse visiblement pas au Livre des records et, bien loin de surjouer et de faire donner à plein ces forces littéralement inouïes, fait ressortir toute la subtilité debussyste qui imprègne encore l’écriture, privilégiant ainsi l’équilibre et le raffinement sur une vision plus uniment électrisante ou brutale. Dans ce Théâtre des Champs-Elysées qui était sans doute le lieu le plus indiqué à Paris pour un tel déferlement sonore, les cordes – minoritaires, une fois n’est pas coutume, par rapport aux autres pupitres – peinent à s’imposer: un souci que les metteurs en ondes chargés de la diffusion en direct, qui ont dû passer l’une de leurs plus difficiles soirées de la saison, auront sans nul doute estompé pour les auditeurs de France Musique.



Simon Corley

 

 

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