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Pari gagné pour Galilée Geneva Grand Théâtre 01/25/2006 - et les 27, 29, 31 janvier, 2 et 4 février 2006
Michael Jarrell: Galilée
Claudio Otelli (Galilée), Peter Bording (Andrea Sarti), Hanna Schaer (Madame Sarti), Elzbieta Szmytka (Virginia), Ulfried Haselsteiner (Ludovico), Peter Kennel (L'Inquisiteur), Adrian Thompson (Le Mathématicien/Le Cardinal Bellarmin), Nicholas Garrett (Sagredo/Ferderzoni), Hans-Jürg Rickenbacher (le Petit Moine), Claude Derbellay (le Curateur/Monsieur Gaffone), Otto Katzameier (le Cardinal Barberini/le Pape), Alexander Anisimov (le Très Vieux Cardinal)
Choeur du Grand Théâtre (direction Ching-Lien Wu), Orchestre de la Suisse Romande, direction musicale: Pascal Rophé. Mise en scène: Nicolas Brieger, décors: Hermann Feuchter, costumes: Jorge Jara, lumières: Wolfgang Göbbel
Ircam - Centre Pompidou. Réalisation informatique musicale Ircam: Gilbert Nouno
Fidèle à sa politique de création annuelle, la direction du Grand Théâtre a passé cette saison une commande à Michael Jarrell. Le compositeur genevois n’en est pas à son coup d’essai à l'opéra puisqu’il a déjà à son actif deux ouvrages lyriques, dont Cassandre, qui avait vu le jour en 1994 au Châtelet, avec Marthe Keller. S’inspirant cette fois de La Vie de Galilée, il a resserré le célèbre texte de Brecht pour en faire un opéra composé de 12 scènes s’enchaînant sans interruptions. La trame politique est reléguée au second plan; le livret se concentre sur les personnages, au premier rang desquels Galilée, savant pétri de contradictions, prêt à tout pour mener à bien ses expériences scientifiques. Mais, lorsqu’il sera menacé de torture par l’Inquisition, l’astronome acceptera finalement de se rétracter, ne voulant pas non plus sacrifier son penchant pour la bonne chère et le bon vin. A la dernière scène cependant, la surprise est de taille: le vieil homme, aveugle ou presque mais plus rusé qu’il n’y paraît, remet discrètement ses cahiers à un élève en partance pour les Pays-Bas.
La musique de Michael Jarrell s’attache à illustrer jusque dans les moindres détails l’évolution des personnages, en faisant souvent recours aux percussions et à l’électronique. S’agissant du traitement de la voix, toute la palette d'expression est utilisée, du parlé au chant, du murmure au cri. Une des caractéristiques de l'œuvre est la superposition des répliques, voire de certaines scènes, sans que cela nuise à la parfaite compréhension du texte. Sans jamais tomber dans la complaisance, Michael Jarrell a signé une composition accessible au grand public, chose rare aujourd'hui pour une création. La réussite de la représentation doit beaucoup aussi à la mise en scène de Nicolas Brieger et aux décors d’Hermann Feuchter. Au centre du plateau, des parois mobiles cylindriques servent de support à des fresques de la Chapelle Sixtine et à des affiches de spectacles, figurant une sorte de choc des cultures, où deux conceptions antagonistes de la société s'affrontent.
Dans le rôle de Galilée, Claudio Otelli porte le spectacle de bout en bout, livrant une prestation proprement époustouflante. Sur scène pratiquement deux heures durant, il maîtrise parfaitement son texte, tant parlé que chanté. De plus, il parvient à rendre terriblement poignante la destinée de son personnage, qui passe de l'homme dans la force de l'âge et fier de ses découvertes, au vieillard voûté et exilé. Le public ne s'y est pas trompé, qui l'a bruyamment ovationné à la fin de la représentation. Un public, soit dit en passant, qui n'a pas quitté la salle en masse en cours de soirée, comme c’est malheureusement souvent le cas lorsqu’il s’agit de musique moderne, et qui a applaudi chaleureusement toute l’équipe du spectacle, metteur en scène compris, phénomène plutôt rare aujourd'hui, sans parler de l’accueil enthousiaste réservé au compositeur. Pari gagné sur toute la ligne!
Claudio Poloni
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