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Dutilleux-là…

Paris
Palais de Tokyo
01/23/2006 -  
Henri Dutilleux : Trois strophes sur le nom de Sacher – Trois préludes (*)
Julien Copeaux : Pour Procuste
Graciane Finzi : Impression tango (#)
Frédéric Durieux : Départ
Bruno Mantovani : Da Roma
Caroline Marçot : Non

Nicolas Ferré (clarinette), Sébastien-Luigi Levy (#) (alto), Sonia Wieder-Atherton (violoncelle), Graciane Finzi (#), Roger Muraro (*) (piano) – Trio Modulations: Odile Auboin (alto), Jérôme Comte (clarinette), Hideki Nagano (piano) – Les Cris de Paris, Geoffroy Jourdain (chef de chœur)


Après Radio France (voir ici), Radio Classique fêtait à son tour les quatre-vingt-dix ans d’Henri Dutilleux. Sérieux, voire rigueur, contre strass et paillettes: on ne pouvait en effet concevoir conflit plus symétrique de styles entre les deux chaînes, chacune paraissant s’être attachée à donner une vision quasi caricaturale de son image: vous avez dit «contrastes»?


Service public ou secteur privé, antenne largement ouverte à la création ou robinet à musique ne perturbant pas la lecture des cours de la bourse, hommage traditionnel gratuit et ouvert à tous ou méga teuf branchée et postmoderne sur invitation, correspondances soignées ou programmation peu cohérente, conversation au coin du feu avec Jean-Pierre Derrien ou «Classy, les nouvelles soirées club», avec DJ François Weyergans, fauteuils de la salle Olivier Messiaen ou déambulation entre buffets à l’étage de la friche industrielle du Palais de Tokyo, spectateurs attentifs et passionnés ou public «bobo» et bigarré échoué là comme par hasard, copieux programme ou amuse-gueule, conditions d’écoute optimales ou sonorisation, brouhaha, bruits et mouvements divers – on aurait ainsi pu tout détailler sur un mode antinomique.


Tant mieux, car rien n’est plus triste que l’uniformité, ce qui n’empêche pas d’admirer la capacité d’adaptation de Dutilleux, actuellement sur tous les fronts, à des univers aussi différents. Mais le seul à ne pas varier, c’est quand même bien le nouveau nonagénaire, installé à côté des platines et réitérant non son amertume, à l’évocation de ceux, parfois plus jeunes que lui auxquels il a survécu, son impression que ces célébrations ont quelque chose de «presque indécent». On ne sait évidemment ce qu’aura pensé une personnalité aussi modeste et dépourvue de faux-semblants de la confrontation entre sa musique – élevée, exigeante et économe, mais tout sauf austère, livrée dans des conditions fort peu propices à la concentration – et le déploiement de la vaine futilité des mondanités parisiennes, mais tout cela n’en laissait pas moins rêveur.


Toujours est-il qu’on ne pourra pas dire que cette soirée n’offrait pas à boire et à manger, au sens propre comme au sens figuré.


«Et la musique dans tout ça?»
«La… quoi…?»
«La musique!»
«Ah, la musique…»


Eh bien, entre talkies-walkies des gardiens et autres tintements de verres et cliquetis de flashs des photographes, la musique était réduite à la portion congrue, en deux brèves parties d’une demi-heure chacune, encadrées par les «sélections» de disques supervisées respectivement par Bruno Mantovani et Caroline Marçot (un gargouillis émis par les haut-parleurs pendant que les invités arrivent), par François Weyergans, le récent prix Goncourt (une navrante compilation d’où ressort au loin le Prélude à «L’Après-midi d’un faune»), et par Olivier Bellamy (nettement plus inspiré).


Avec des musiciens et chanteurs répartis en différents points de ce hangar grunge, le concert proprement dit faisait alterner, en première partie, chacune des Trois strophes sur le nom de Sacher (1975/1982), interprétées de façon plus fougueuse que précise par Sonia Wieder-Atherton, avec trois partitions dont le rapprochement ne s’imposait pas avec évidence. En seconde partie, les Trois préludes (1973-1988), sous les doigts fins et experts de Roger Muraro, font décidément regretter que Dutilleux ne se soit pas davantage consacré au piano.


Quant aux cinq œuvres réparties autour des pages de Dutilleux, toutes de compositeurs français, elles auront semblé d’intérêt inégal. Graciane Finzi, dans Impression tango (2003) pour alto et piano, et Bruno Mantovani, lointain successeur de Dutilleux comme pensionnaire à la Villa Médicis, dans Da Roma (2005) pour alto, clarinette et piano, explorent des impasses diamétralement opposées: un refus postpiazzollien de la modernité, d’une part, un entêtement paraboulézien dans une certaine modernité, d’autre part. Bien que pas vraiment indiqué pour un anniversaire, Départ (In memoriam Dominique Troncin) (1995) pour clarinette solo de Frédéric Durieux convainc en revanche bien davantage, ne serait-ce que par ses affinités avec Dutilleux.


Ouvrant et fermant la marche, Les Cris de Paris, dirigés par Geoffroy Jourdain, reprennent avec bonheur deux des «tubes» de leur récent enregistrement «Capitolo novo» (voir ici), Pour Procuste (2002) de Julien Copeaux et Non (2000) de Caroline Marçot. Et Vincent Manac’h a spécialement adapté pour l’occasion l’une des six pièces pour piano du recueil Au gré des ondes (1946) de Dutilleux, en y insérant in fine, pour les seuls ténors, Happy birthday to you. Dès lors, le gâteau peut arriver, le compositeur adresser ses remerciements aux interprètes puis souffler les bougies et le ministre de la culture se joindre aux vœux.



Simon Corley

 

 

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