About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Cabaret-opéra

Paris
Théâtre Dejazet
01/17/2006 -  et 28 octobre 2005 (Sceaux), 7 (Albi), 13 (Vélizy), 18, 19*, 20, 21 (Paris) et 22 (Montoire) janvier 2006
Kurt Weill : Marie Galante
Norbert Glanzberg : Holocaust Songs – Padam padam – Moi, j’m’en fous – Les Grands boulevards – Mon manège à moi

Susanne Frey (mise en scène, dramaturgie), Madeleine Huemer (décors, costumes), Patrick Proteux (création lumière, direction technique)
Florence Guignolet (soprano), Thierry Cantero, Sébastien Lagrave (ténors), Jean-Jacques David, Mathieu de Laubier (barytons), Léonard Rainis (danseur)
Camerata Nomade: Christian Roca (saxophone, clarinette), Eric Pierre (saxophone, flûte), Emmanuel Goujard (saxophone, clarinette), Stéphane Vaillant, Alain Fontès (trompette), Nicolas Moutier (trombone), Philippe Lombardo (banjo, guitare), Daniel Navia (piano, harmonium), Jean-François Durez (percussions), Bernadette Gardey, Eric Fillière (violon), Emmanuelle Dodon-Barthe (alto), Rémy François (contrebasse), Amaury du Closel (direction musicale)


Sous le titre «Voix d’exil», la compagnie lyrique «Opéra nomade» et le Forum «Voix étouffées» ont mis sur pied un spectacle original qui, créé à Sceaux en octobre dernier, est présenté sur diverses scènes françaises, dont, dans la capitale, la belle salle (un ancien jeu de paume) du Théâtre Dejazet. Directeur musical de la Camerata Nomade, un ensemble de treize musiciens qui accompagne ce «cabaret-opéra», Amaury du Closel se trouve au cœur de cette initiative: en effet, le directeur artistique d’Opéra nomade (qu’il a fondée voici six ans) est aussi l’animateur du Forum «Voix étouffées», qui s’attache depuis 2003 à rendre justice aux compositeurs persécutés par les dictatures, à commencer par ceux que le nazisme, stigmatisant leur «musique dégénérée», a conduits vers la déportation ou contraints à l’exil.


Cette seconde voie passa souvent par Paris, et elle fut ainsi celle de l’un des maîtres d’Amaury du Closel, Max Deutsch, lui-même disciple de Schönberg et qui, comme tant d’autres, vivota un temps en travaillant pour le music-hall, destinant même une valse à Mistinguett. Elle fut également celle des deux noms associés à l’affiche de ces «Voix d’exil», Kurt Weill et Norbert Glanzberg.


Le premier n’y resta que deux ans (mars 1933-septembre 1935), tout en se déplaçant régulièrement en Europe, avant de gagner New York, mais fit donner Salle Pleyel des extraits de Der Silbersee (26 novembre 1933) – occasion qui donna lieu à la tristement fameuse exclamation («Vive Hitler!») de Florent Schmitt – et composa entre autres une musique de scène ainsi que des mélodies pour une pièce de Jacques Deval, Marie Galante (1934). Le second s’y établit à l’âge de vingt-trois ans, jusqu’à sa mort en 2001, restant dans l’ombre des vedettes pour lesquelles il écrivit d’immortels succès – Padam padam (1948) et Mon manège à moi (1958) pour Edith Piaf, Moi, j’m’en fous (1946) et Les Grands boulevards (1951) pour Yves Montand, mais aussi Lucienne Delyle, Georges Guétary ou, plus tard, Mireille Mathieu – et laissant en outre des musiques de film ainsi qu’une série de Holocaust songs (1985) fondée sur un recueil de poèmes (en allemand) inspirés par la shoah.


Metteur en scène, Susanne Frey a en même temps conçu une dramaturgie et des enchaînements qui, écartant l’argument mélodramatique de Deval, ne conservent de Marie Galante que ses dix pages vocales et instrumentales, et les font alterner avec les quatre chansons susnommées de Glanzberg et ses huit Holocaust songs (surtitrées), dans une orchestration d’Amaury du Closel, soit un total de vingt-deux numéros d’une durée d’une heure un quart. Le fil rouge en est un danseur qui, au premier plan, incarne un jeune compositeur fébrile: entre sa chambre et une table de café, au devant d’un mince écran transparent ou servant à projeter des images un peu tremblées (le plus souvent des vues de Paris), il écrit, crée, pense, rêve ou cauchemarde ce que l’on voit au second plan, sur un podium surélevé placé au devant d’un rideau rouge et figurant une scène de cabaret.


Si Marie Galante ne prétend certes pas concurrencer L’Opéra de quat’sous, Weill s’y montre néanmoins égal à lui-même, sa gouaille amère et distanciée, sa manière drue et rythmée étant immédiatement reconnaissables. Glanzberg, dans ses Holocaust songs, constitue une heureuse révélation: dans un style cinglant, tranchant et acide, quand il ne pastiche pas Lehar pour rendre justice à Der gute Ort zu Wien de Werfel, il parvient à faire la synthèse de la Vienne d’avant 1914 (Mahler) et du Berlin des années 1920 (Weill), pour un résultat poignant et efficace, au service de textes le plus souvent issus de la déportation, dont l’humour noir fait moult fois frissonner.


Soutenus par l’ensemble orchestral, presque invisible côté jardin, cinq chanteurs démontrent au moins autant de talent dans la chorégraphie et le mime: une soprano, Florence Guignolet, à laquelle échoient notamment toutes les mélodies de Weill et dont le timbre opulent nuit à la diction et à la précision, ainsi que deux ténors et deux barytons, qui évoluent dans des décors et des costumes de Madeleine Huemer, tout à fait fidèles à l’esprit du cabaret. Même si leur accent allemand et leur précision vocale ne paraissent pas toujours idéaux, ils font vivre une soirée de très grande qualité, à la fois remarquablement pensée et sensible.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com