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Fabuleuse régression

Paris
Bussy-Saint-Georges (Eglise Notre-Dame du Val)
01/14/2006 -  et 17 janvier 2006* (Clichy-sous-Bois, Espace 93)
Alexandros Markeas : La Fontaine des malchanceux (Le renard, le loup et le cheval – Le petit poisson et le pêcheur)
Lucian Cristofor Tugui : Le coq et le renard – Le lièvre et la tortue
Igor Stravinsky : Concerto en mi bémol «Dumbarton oaks»
Jean-François Alexandre : Les animaux malades de la peste – L’avare qui a perdu son trésor
Suzanne Giraud : Fables

François Castang (récitant)
Elèves de CM1/CM2 de l’Institut Saint-Thomas de Villeneuve (Bry-sur-Marne), de CE2/CM1 des Ecoles Paul Bert (Saint-Mandé) et de CE2/CM1/CM2 de l’Ecole Condorcet (Maisons-Alfort)/Enfants des classes primaires de Clichy-sous-Bois*, Orchestre national d’Ile-de-France, Philippe Cambreling (direction)


Parmi les actions pédagogiques qu’il développe tout au long de sa saison, l’Orchestre national d’Ile-de-France a mis en place, avec le soutien du Fonds d’action SACEM et de l’ADIAM 94, une importante opération «Chantons avec l’orchestre» autour des Fables de La Fontaine: dans le Val-de-Marne puis en Seine-Saint-Denis, ce sont au total quatre cents élèves de CE2, CM1 et CM2 qui ont ainsi eu la chance de participer à la création des œuvres commandées pour l’occasion à quatre compositeurs.


Présenté sous le titre «La Fontaine de l’île» et dans le cadre sobrement contemporain de l’Eglise Notre-Dame du Val de Bussy-Saint-Georges, le travail accompli depuis l’automne par les élèves issus des classes du Val-de-Marne impressionne: entourés de leurs professeurs de musique et vêtus de hauts de couleur formant une toile bariolée, les enfants, près de cinquante minutes durant, montrent non seulement qu’ils ont accompli un effort considérable de mémorisation mais surtout qu’ils s’amusent et s’épanouissent dans ces partitions.


La Fontaine a déjà été mis en musique à de nombreuses reprises, d’Offenbach à Caplet en passant par Gounod ou Saint-Saëns, mais au-delà du texte, la contrainte était ici celle de l’effectif (récitant, chœur d’enfants et orchestre de chambre), inspirant des partitions très différentes quant à leur durée (de huit à quinze minutes) et, surtout, quant à leur style. Les trois premières sont cependant agencées de la même manière: choix de deux fables et partage du texte entre le récitant et la chorale, non sans soucis de balance, au demeurant, et ce malgré la présence d’une sonorisation, de telle sorte que François Castang est parfois contraint à s’escrimer, parfois en vain, pour se faire comprendre.


Intitulée La Fontaine des malchanceux, la contribution d’Alexandros Markeas trahit à peine son auteur, qui a en effet radicalement adapté son langage pour s’en tenir à un univers ravélien, à l’image de cette délicate valse qui sous-tend Le renard, le loup et le cheval. Lucian Cristofor Tugui a opté de son côté pour le pastiche, voire la citation (Carmen, Rêve d’amour, Auld lang syne), dans un esprit souvent jazzy qui rappelle La Revue de cuisine de Martinu: collant à la narration, ces plaisants fragments font se succéder rapidement, un peu comme dans un dessin animé, des climats très contrastés.


Quelque peu relâchée dans le concerto Dumbarton oaks (1938) de Stravinsky donné en guise d’intermède et mené de façon mécanique et astringente par Philippe Cambreling, l’attention du public se ressaisit ensuite: plus ambitieux, le propos de Jean-François Alexandre est à l’unisson du caractère nettement plus sérieux des deux fables qu’il a choisies, avec un orchestre à la fois sombre et puissant.


Dans ses Fables, Suzanne Giraud a adopté un parti pris plus original, écrivant elle-même le texte d’une saynète au comique délibérément absurde: le récitant, sorte de maître d’école amnésique qui s’emmêle dans les titres des fables, se fait d’abord chahuter par les enfants, mais l’inversion des rôles lui permet de retrouver la mémoire, lorsqu’il répond brillamment aux questions du quiz que lui soumet le chœur. Avec ce retour en enfance qui prend même la forme d’une réjouissante régression, dans la lignée de ses Envoûtements VI, Suzanne Giraud a su se mettre à la portée de tous, parvenant à concilier divertissement ingénieusement interactif et participatif (gestes à l’appui) pour les jeunes et regard distancié sur les souvenirs et la mémoire pour les adultes, qui respirent un parfum idéalisé et suranné de bancs d’école, d’encriers et de plumes sergent-major. Musicalement, le résultat est également très abouti, avec une chorale et un récitant dont les paroles ressortent enfin clairement, notamment grâce à un orchestre agile et transparent, qui sait s’effacer lorsqu’il le faut tout en s’imposant avec un grand raffinement dans des enchaînements très travaillés.



Simon Corley

 

 

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