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Profond et parfois sévère

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/25/2005 -  
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Roméo et Juliette – Concerto pour piano n° 3, opus 75 – Symphonie n° 6 «Pathétique», opus 74

Katia Skanavi (piano)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


A chacun sa Tétralogie: si l’Orchestre de Paris s’est lancé dans le Ring de Wagner, l’Orchestre national de France, quant à lui, consacre quatre concerts exclusivement à l’un de ceux qui assista, en tant que critique musical, au premier Festival de Bayreuth, Tchaïkovski. Même si l’on sait gré au National d’avoir entamé par ailleurs un cycle Chostakovitch étalé sur trois saisons, fallait-il rendre hommage à un nom qui apparaît aussi fréquemment à l’affiche et, pour l’essentiel, à ses oeuvres les plus fameuses? La question se doit d’être posée, non au regard d’une hiérarchie de valeurs qui, à la suite d’Adorno, relèguerait l’auteur de Casse-Noisette parmi les représentants du kitsch, mais simplement parce que la plupart des grands symphonistes du siècle passé (Sibelius, Nielsen, Martinu, Vaughan Williams, Tubin, Holmboe, Pettersson…) attendent encore leur heure à Paris. Cela étant, au vu du dernier concert, auquel assistait notamment Gidon Kremer, le succès public – sans doute le principal objectif, nullement illégitime, de l’entreprise – fut non seulement au rendez-vous mais entièrement mérité.


Aboutissement du cycle, ce dernier programme était fort logiquement dédié en grande partie à la toute fin de la vie du compositeur, mais débutait cependant par sa première réussite symphonique, l’ouverture-fantaisie Roméo et Juliette (1869). Masur dit avoir écouté attentivement Mravinski, Sanderling et Arvid Jansons dans Tchaïkovski, qui l’ont «convaincu que cette musique est profonde et parfois sévère»: on le croit sans peine, car si l’orchestre tarde quelque peu à trouver ses marques, le chef allemand, quitte à négliger le descriptif ou le narratif, évite les écueils (alanguissement, trivialité) qui menacent toujours dans ce répertoire.


Près d’un quart de siècle plus tard, Tchaïkovski reprend des thèmes de son ouverture pour en faire un duo d’opéra qu’il n’aura pas le temps d’achever. Au même moment, il abandonne un projet de symphonie, connue ensuite en tant que Septième, pour en utiliser le matériau dans un Troisième concerto pour piano (1893) dont il ne pourra terminer que le premier mouvement. Sans doute faut-il trouver dans cette origine purement orchestrale un résultat peu satisfaisant en termes de dialogue concertant, le soliste étant au demeurant assez peu mis en valeur, à l’exception d’une longue cadence. Comme l’inspiration peut au mieux en être qualifiée d’inégale, il est aisé de comprendre que ce concerto, pas plus que la Fantaisie de 1884, ne soit pas parvenu à s’imposer aux côtés de l’increvable Premier ou même du Deuxième. Et, entre temps, Rachmaninov avait déjà écrit son Premier concerto...


Chacun des précédents volets du cycle avait permis d’entendre des solistes prestigieux (Nikolaï Lugansky, Alexander Kniazev, Sarah Chang). Si elle ne jouit pas de la même notoriété, Katia Skanavi s’emploie, à la fois par son raffinement et par son engagement, à sauver ce qui peut l’être dans ce concerto. Très appréciée des musiciens comme des spectateurs, la pianiste russe annonce, qu’après «la dernière oeuvre de Tchaïkovski», et peut-être parce que l’une de ses ultimes pièces pour piano s’intitule Un poco di Chopin, qu’elle va offrir «la dernière oeuvre de Chopin»: petite inexactitude, car si sa publication fut effectivement posthume, ce Nocturne eu ut dièse mineur, dans une réalisation admirablement fragile et diaphane, remonte en réalité à 1830.


Masur, qui a déjà donné voici deux ans une remarquable Cinquième symphonie (voir ici) et qui l'a enregistrée depuis chez Naïve, récidive dans la Sixième (1893), sans forcer les effets de cette Pathétique, à la puissance soigneusement dosée, plus allante, svelte et digne que sulfureuse ou morbide, comme dans cet Allegro molto vivace cinglant et péremptoire davantage que fantastique, enchaîné directement, pour tenter de couper cours aux rituels applaudissements, avec un Adagio lamentoso final d’une haute tenue, superbement conduit.


L’orchestre salue longuement son directeur musical avant de conclure par un bis en état de grâce, la Valse de la Sérénade pour cordes (1880).



Simon Corley

 

 

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