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Chaos organisé

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/26/2005 -  
Karl Amadeus Hartmann : Symphonie n° 6
Olivier Messiaen : Turangalîla-Symphonie

Cédric Tiberghien (piano), Valérie Hartmann-Claverie (ondes Martenot)
Orchestre national de France, Ingo Metzmacher (direction)


Probablement en grande partie en raison des vacances scolaires, ce copieux programme, à la fois fastueux et écrasant, tant par sa durée (cent minutes de musique) que par son ambition, aura peiné à remplir le Théâtre des Champs-Elysées. Il est vrai que d’ordinaire, Turangalîla-Symphonie (1948) de Messiaen se présente seule. La faire précéder de la Sixième symphonie (1953) de Karl Amadeus Hartmann surprend d’autant plus qu’au premier abord, elles ne semblent posséder de commun que des éléments contingents et peu signifiants: une naissance à peu près simultanée (autour de 1950), l’appartenance, assez théorique, des deux compositeurs à une même génération (celle du début du siècle passé) mais aussi un large effectif, comprenant un piano ainsi qu’une importante section de percussions et autorisant ainsi des paroxysmes d’intensité.


Au-delà, elles partagent cependant, malgré des univers qu’il serait commode d’opposer de façon binaire par autant de clichés (rigueur contre exubérance, Allemagne contre France, ...), au moins une préoccupation essentielle: le même soin apporté à d’organiser un chaos apparent, l’une par la fugue, l’autre par les modes et les rythmes.


Si l’on excepte son Concerto funèbre (pour violon) ou sa Quatrième symphonie, qui nécessitent seulement un orchestre à cordes, l’œuvre symphonique de Hartmann ne s’est fait, au cours du dernier quart de siècle, une (petite) place à l’affiche parisienne que grâce à des chefs (allemands) qui le défendent activement: après Ferdinand Leitner, lorsqu’il venait diriger celui qui s’appelait encore le Nouvel Orchestre philharmonique de Radio France; il y a tout lieu de se réjouir que ce soit maintenant Ingo Metzmacher, auteur d’une superbe intégrale des symphonies chez EMI, qui prenne la relève à la tête de l’Orchestre national de France, avec lequel il a déjà donné en mars 2004 Miserae, en ouverture d’un concert mémorable (voir ici).


Même s’il a été – tardivement – l’élève de Webern, Hartmann se rattache davantage à Berg par son lyrisme et à Hindemith par son penchant néobaroque, ce que traduisent successivement les deux mouvements de sa Sixième symphonie: un Adagio postmahlérien typique de sa manière expressionniste, puis une Toccata variata consistant en une vigoureuse succession de fugues. Bien loin d’accentuer le caractère massif du propos, Metzmacher met en valeur le raffinement et la transparence de l’écriture, servis par un orchestre en grande forme, par exemple dans ces splendides interventions des premiers violons dans l’aigu. Le second mouvement privilégie une énergie jubilatoire, dansante, presque ludique, avec une légèreté inattendue qui tranche sur le tour inéluctable qui est habituellement conféré à cette progression frénétique.


L’approche de Metzmacher dans Turangalîla-Symphonie n’est pas fondamentalement différente: alléger le discours et clarifier les textures par des tempi relativement vifs (soixante-quatorze minutes), allant toujours de l’avant, jusque dans son refus de faire durer outre mesure les points d’orgue et silences. Dégraissant le romantisme alangui dont ce torrent de notes a souvent fait l’objet au fil du temps, il en restitue l’objectivité, le mordant, la nervosité électrique, l’éclat, la jeunesse et l’élan, sans pour autant verser dans la raideur ou la précipitation, à l’image d’un Jardin du sommeil d’amour étonnamment délicat (où flûte et clarinette solo jouent d’ailleurs debout).


Il est sans doute des visions plus théâtrales, plus maléfiques, plus porteuses de sens, mais Cédric Tiberghien, partition sous les yeux, avec l’esprit d’un musicien plus que d’un soliste, s’accommode aisément des options du chef, qui valorisent les qualités de couleur et de toucher plus que la puissance ou les effets percussifs. La sonorisation place un peu trop en avant les ondes Martenot, confiées à Valérie Hartmann-Claverie, dans cette partie concertante qu’elle connaît parfaitement.



Simon Corley

 

 

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