About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Salé-sucré

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
10/11/2005 -  et 12 octobre 2005
Serge Prokofiev : Symphonie N° 1, «Classique», opus 25
Qigang Chen : Wu Xing, The Five Elements
André Jolivet : Concerto pour harpe
Felix Mendelssohn-Bartholdy : Symphonie N° 4, «Italienne», opus 90

Pierre-Michel Vigneau (harpe)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Kirill Karabits (direction)


Parcours habilement composé, pour ce second concert d’abonnement de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Avec toutefois le risque inévitable, pour une programmation aussi large (qui confronte «le salé et le sucré», comme l’affirme savoureusement le programme), de ne pas disposer de suffisamment de temps pour travailler en détail des musiques aussi variées.


Ce soir-là, c’est surtout la Symphonie «Classique» de Prokofiev qui en fait les frais. Le jeune Kirill Karabits, premier chef invité à Strasbourg depuis le départ précipité de Jan Latham-Koenig, stimule son petit monde d’une battue nerveuse mais pas forcément dynamisante. Les volets rapides manquent de relance rythmique, le Larghetto est lourd, et l’exactitude des traits laisse parfois à désirer du côté des premiers violons (pas vraiment ensemble, surtout pas à la fin des phrases dans le Molto vivace final).


La Symphonie «Italienne» de Mendelssohn, œuvre élégante que l’Orchestre philharmonique de Strasbourg a toujours bien réussie, termine le concert dans de meilleures conditions. Les mouvements médians sont joliment fouillés, avec de belles lignes des vents, et le Saltarello final est ébouriffant (la battue toujours très «verticale» de Kirill Karabits y paraît le mieux à son affaire). Cette soirée fait partie d’un cycle d’abonnement particulier intitulé «Parcours», qui propose dans chaque programme une symphonie ou un concerto célèbre, classique ou romantique (œuvres souvent délaissées aujourd’hui dans les concerts, sans doute parce que «trop entendues»). Si c’est pour défendre le grand répertoire à ce niveau de qualité d’exécution, au moins concurrentiel avec les standards de qualité imposés par le disque (aujourd’hui incontournables, du moins pour des œuvres aussi balisées), on est volontiers preneur.


D’origine chinoise mais de formation surtout française (Messiaen, Jolas, Ballif...), Qigang Chen est le nouveau compositeur en résidence de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Sa suite Wu Xing, The Five Elements (1999) témoigne d’une bonne maîtrise des masses sonores symphoniques, avec de subtiles textures qui trahissent tout à la fois l’influence de Messiaen et de certaines musiques spectrales, mais sans imitation servile. Peu de références asiatiques perceptibles (mis à part quelques traitements inattendus de cordes solistes), mais un enracinement dans l’évocation d’une nature omniprésente qui trahit bien les origines du compositeur. Avec de surcroît l’avantage de petites formes courtes, qui évitent à une indiscutable qualité d’inspiration de trop se diluer. Beaucoup de sensibilité et de poésie dans les mouvements les plus impressionnistes (L’eau, Le bois...), quelques développements plus convenus aussi (l’ostinato du dernier volet), mais assurément une belle œuvre, qui présente de surcroît l’avantage d’obliger le public à une certaine concentration d’écoute, certainement favorable à l’audition du concerto qui suit.


Ce Concerto pour harpe d’André Jolivet offre de multiples occasions de briller à Pierre-Michel Vigneau, harpiste de l’orchestre sorti du rang, qui se tire avec les honneurs d’une partition techniquement exigeante. Bien que sa maîtrise technique de l’instrument soit remarquable, son exécution pâtit toutefois d’un accompagnement qui ne parvient pas toujours à se hausser au niveau d’un véritable dialogue avec le soliste. En particulier dans le très beau et émouvant cortège cérémoniel de l’Andante cantabile, on aurait apprécié de la part de l'orchestre davantage de souplesse et d’abandon, mais cela passe sans doute par une familiarité avec le texte que les musiciens, même en formation très réduite (l’équilibre sonore avec le soliste est parfait), n’ont pu acquérir en quelques jours. En tout cas une belle performance, et surtout, à l’occasion du centenaire de la naissance d’André Jolivet, un utile coup de projecteur sur l’un des musiciens français du XXe siècle les plus scandaleusement négligés aujourd’hui. Au moins ses concertos pour trompette, flûte, harpe, violoncelle... devraient faire partie du grand répertoire, et s’ils n’y sont pas encore, c’est moins par la faute du public, qui les recevrait avec enthousiasme, que du fait du manque d’audace des programmateurs de concerts.


Joli bis : Le Rossignol, mélodie du modeste compositeur russe Alabieff, propagée par toutes les grandes divas du milieu du siècle dernier. Toujours attentif aux modes, Franz Liszt en a signé une brillante adaptation pour piano, que l’on retrouve enfin ici transcrite pour la harpe, ultime étape d’un parcours passablement compliqué. Beaucoup d’embûches techniques (le suraigu est constamment sollicité, surchargé d’arpèges et de trilles, ce qui est naturel pour une mélodie initialement vocale, mais moins évident à réaliser pour un harpiste), gageures dont Pierre-Michel Vigneau se tire à nouveau brillamment.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com