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Domingo for ever!

Washington
Kennedy Center for the Performing Arts
09/24/2005 -  et les 27, 30 septembre et les 2, 6* et 9 octobre 2005.
Umberto Giordano : Fedora
Giuseppe Verdi : Otello
Franz Lehar : The Merry Widow

Placido Domingo (Loris), Sylvie Valayre (Fedora), John Marcus Bindel (Gretch), Lee Poulis (De Siriex), Amanda Squitieri (Olga), Corey Evan Rotz (Rouvel), Benjamin von Atrops (Borov), James Lesniak (Lazinski)
Placido Domingo (Otello), Barbara Frittoli (Desdémone), John Marcus Bindel (Iago), Corey Evan Rotz (Cassio), Erin Elizabeth Smith (Emilia), Benjamin von Atrops (Lodovico)
Placido Domingo (Danilo), Steven Condy (Zeta), Christiane Noll (Valencienne), Corey Evan Rotz (Njegus), Leslie Mutchler (Hanna)
John Coyne (décors), Luisa Spinatelli pour Fedora (costumes), Zack Brown pour Otello (costumes), Joan Sullivan-Genthe (lumières), Vladimir Anbgelov (chorégraphie),
Micha Hendel (mise en scène)
Choeur et Orchestre du Washington National Opera
Eugene Kohn (direction pour Fedora et The Merry Widow)
Heinz Fricke (direction pour Otello)

Pour fêter le cinquantième anniversaire de l’opéra de Washington, Placido Domingo, son directeur, a concocté une saison particulièrement riche. Il la commence avec une oeuvre quelque peu originale qu’il intitule “Trilogie”: ce spectacle se compose du second acte de Fedora de Giordano, du dernier acte d’Otello de Verdi et de celui de The Merry Widow de Léhar. Le temps d’une soirée, il nous permet de retrouver le chanteur dans toute sa gloire, dans ses plus grands rôles et l’émotion est à son comble quand, à la fin d’Otello, la salle lui offre une standing ovation!



Que dire des mises en scène, si ce n’est qu’elles servent l’oeuvre et que, dégagé de toute crainte, le spectateur peut se laisser aller à savourer la musique? Cela devient assez rare pour être souligné! Pour Fedora, Micha Hendel choisit de montrer un grand salon parisien du XIXème siècle avec un superbe trompe l’oeil en fond qui donne une perspective sur un jardin avec des arbres, etc… L’effet est tout à fait réussi et le déplacement scénique des personnages, très classique, distingue bien l’univers des invités, totalement insouciants, et celui de Fedora et de Loris qui jouent leurs vies. Les décors d’Otello sont également très sobres mais l’arrivée d’Otello sur le côté, en descendant les marches, est très impressionnante dramatiquement: le poids du personnage et la tournure des événements à venir se ressentent dans chaque marche descendue. Au fond de la scène, un grand drap rouge - couleur de sang - pend de haut en bas et un lit est placé au milieu du plateau: il est entouré de voiles blancs de chaque côté ainsi que de bougies qui servent de décor à Desdémone au moment de sa prière. La soirée se conclut sur une note beaucoup plus festive avec The Merry Widow et les décors sont très colorés, avec des lumières partout. Des tables de bistrot typiquement parisiennes sont disposées sur la scène et des serveurs sont aux petits soins pour les personnages. Les clichés sont tous réunis, du serveur avec sa serviette blanche au french cancan en passant par les grisettes. Les costumes se résument à des smokings pour l’opérette de Léhar alors qu’un grand effort est porté sur les toilettes de Fedora: les robes des invitées sont particulièrement somptueuses et riches.


Placido Domingo est en excellente forme, c’est le moins que l’on puisse dire. On semble revenu des années en arrière, à l’heure de gloire de ce ténor, tant la facilité vocale est toujours au rendez-vous, tant son timbre charmeur, autant qu’intelligent, est aussi là. La soirée débute par le second acte de Fedora et il campe un Loris faible devant la femme qu’il aime mais également amoureux à l’extrême. Son “amor ti vieta” est chanté avec un aplomb ahurissant mais aussi avec une grâce infinie. Ce rôle ne lui pose aucun problème sur le plan vocal et il peut donc en faire ressortir tous les aspects: la tourmente, la déception, l’enthousiasme, l’amour… Il suffit d’entendre le début de l’air “mia madre, la mia vecchia madre” qu’il chante à Fedora pour saisir toute l’évolution du personnage. Et quelles notes douces, quelle musicalité quand sa voix se confond avec l’orchestre dans les grandes envolées! Placido Domingo peut aussi être émouvant quand il chante “Vedi, io piango” et son chant se transforme alors en pleurs! Malheureusement Fedora paraît bien faible à côté d’un tel géant de la scène. Sylvie Valayre a remplacé Mirella Freni et malgré soi, on ne peut que regretter cette immense chanteuse qui pouvait, d’un coup d’oeil, d’une inflexion vocale créer un personnage. La soprano française assume, en partie, la partition de Giordano mais elle passe complètement à côté du personnage qui n’a ni relief ni envergure. Dommage… La voix n’est pas non plus à la hauteur des espérances car elle accuse un sérieux vibrato qui casse la ligne de chant. En revanche Lee Poulis en De Siriex et Amanda Squitieri en Olga sont excellents. Lee Poulis, lauréat d’Operalia et membre du Domingo-Cafritz Young Artist, est un nom à retenir car il apporte vie à son personnage notamment quand De Siriex peint les charmes des femmes russes. Amanda Squitieri est également une jeune chanteuse très prometteuse (aussi membre du Domingo-Cafritz Young Artist) car elle présente une voix claire, puissante et agile, comme l’exige le rôle. Elle est également très à son aise sur scène et vole rapidement la vedette à Sylvie Valayre.


Après une première partie qui aurait tiré des larmes à des pierres, Placido Domingo permet de retrouver l’immense Otello qu’il fut. On ne peut qu’espérer - en vain - qu’un jour il reprenne ce rôle en son entier, même en le transposant, tellement il arrive à atteindre une puissance dramatique, un engagement scénique, etc…hors du commun! Il fait croire à son personnage et son entrée, sabre à la main, glace la salle. Il est tellement pris dans ce rôle que parfois son chant se transforme en cris, non par une défaillance vocale ou technique, mais parce qu’il est entièrement sous le contrôle du personnage. Il joue aussi avec la partition, allongeant les notes à l’extrême, pour davantage accentuer la folie d’Otello et le rendre inhumain. Enfin le “Nium mi tena” est chanté avec une facilité confondante et Placido Domingo est complètement habité par la musique et par le personnage. Et quel bonheur, pour une fois, de voir Desdémone étouffée avec un oreiller et non pas tuée par un autre accessoire! Barbara Frittoli connaît bien le rôle de Desdémone. Si la voix accuse quelques faiblesses dans les graves et si son chant se résume de plus en plus à du parlando, son interprétation est de plus en plus prenante et de plus en plus forte. Le fameux air du Saule est chanté avec un désespoir évident que quelques gouttes de lumière vocale viennent ensoleiller à la fin des phrases. Le couple fonctionne parfaitement et il est parfaitement secondé par un Iago puissant, en l’occurrence John Marcus Bindel, et par une Emilia en la personne de Erin Elizabeth Smith, également membre du Domingo-Cafritz Young Artist, qui dévoile une voix corsée, ronde et bien sombre.


Pour conclure cette soirée riche en émotions, le dernier acte de The Merry Widow apporte un peu de fraîcheur. Pendant plusieurs semaines, Placido Domingo avait laissé planer le doute sur la dernière oeuvre choisie, voulant créer la surprise. Effectivement cette dernière partie est très réjouissante car Desdémone et Fedora reviennent, annoncées par le thème principal. Placido Domingo plaisante beaucoup et, par exemple, s’étonne de voir Desdémone en si bonne forme par rapport à la dernière fois où il l’a vu. Les deux chanteuses se retrouvent au milieu d’hommes et interprètent le “prendero quel brunettino” de Cosi fan tutte avec beaucoup d’humour. Le rôle de Valencienne est tenu par Christiane Noll, chanteuse célèbre aux États-Unis dans les comédies musicales. Elle est excellente dans ce personnage car elle dépasse les limites de la bonne bourgeoise, épouse de diplomate, en se lançant dans un grand air où elle dit préférer J. Strauss à R. Strauss, notamment, tandis que l’orchestre se lance dans des réminiscences de Die Fledermaus ou de Der Rosenkavalier. Hanna, Leslie Mutchler, est plus en retrait mais elle se joint à Placido Domingo pour un suave “Lippen schweigen”. Le ténor est tout à fait dans son élément pour jouer les charmeurs et ce court extrait donne furieusement envie de l’entendre dans l’opérette entière.


Eugène Kohn est un chef parfait pour tirer des pleurs à ses violons dans les passages tendres de Fedora mais il sait aussi mettre de l’ambiance et apporter l’entrain nécessaire à l’opérette de Léhar. Heinz Fricke est aussi très bon pour créer de la terreur dans Otello et l’introduction de l’acte est interprétée avec intelligence et musicalité.



Placido Domingo n’aura cessé d’entraîner ses admirateurs, ses spectateurs de surprises en surprises car à 64 ans il est encore capable, vocalement, d’assumer des rôles lourds. Il est très difficile de rendre compte d’une telle soirée car l’émotion ressentie dépasse le pouvoir des mots. Que tous se rassurent, si Placido Domingo persiste à montrer une santé vocale aussi éclatante, il continuera encore longtemps à nous enchanter…





A noter:
- On peut retrouver le couple Domingo-Freni dans Fedora en DVD dans une production du Met en 1997 (chez DG) et le couple Domingo-Frittoli dans le dernier Otello de Domingo à la Scala en 2001, en compagnie de Leo Nucci et de Riccardo Muti (chez TDK).
- Placido Domingo sera à Paris le temps de deux représentations de Die Walküre au Châtelet les 1er et 10 avril 2006.



Manon Ardouin

 

 

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