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Confort domestique

Paris
Théâtre du Châtelet
05/20/2000 -  
Antonín Dvorák : Ouverture « Carnaval », opus 92
Béla Bartók : Concerto pour piano n° 3, sz. 119
Richard Strauss : Sinfonia domestica, opus 53

Yefim Bronfman (piano)
The Philadelphia Orchestra, Wolfgang Sawallisch (direction)

Rien de tel, pour un orchestre en tournée, que les valeurs sûres : ouverture, concerto, symphonie, le triptyque a encore frappé.

Dans le rôle de l’ouverture de concert, Carnaval figure, à juste titre, parmi les plus prisées. Elle permet d’emblée d’apprécier la perfection instrumentale des musiciens américains, perfection qui n’est pas ici synonyme de froideur ou de manque de musicalité. Au contraire, la plénitude sonore des cordes, qui en vient même à couvrir les bois, et la direction de Sawallisch, alerte, précis et refusant la facilité, suscitent l’admiration.


Adoptant un jeu souvent brutal et martelé, parfois acéré et mordant, d’une technique assurément infaillible, Yefim Bronfman prend le Troisième concerto de Bartók pour celui de Prokofiev. Confusion d’époque et de style : le compositeur hongrois avait destiné cette ultime partition à sa femme, renonçant au style percussif des deux premiers concertos pour privilégier un lyrisme tour à tour serein et méditatif. Rien de tout cela dans cette interprétation dépourvue de toute conception digne de ce nom. Que vient faire, par exemple, cette capricieuse suspension entre les deux dernières notes de l’Allegretto initial ? Ouvrant des abîmes de violence insoupçonnée, le Steinway tremble sous les coups de boutoir. Parvenant même parfois à couvrir l’orchestre, pourtant doté d’un solide effectif, le pianiste israélien contraste radicalement avec l’accompagnement de Sawallisch, tout de délicatesse. Dans l’Etude révolutionnaire de Chopin donnée en bis, il se livre à une démonstration imprécise de virtuosité tapageuse et de boxe pianistique, qui soulève l’enthousiasme du public.


Paradoxalement, serait-on tenté de dire, c’est avec Strauss que le bon goût reprend ses droits. Le chef allemand éclaircit les lignes de cette Sinfonia domestica pour le moins opulente, de telle sorte qu’une somptueuse polyphonie semble se dérouler visuellement devant nous. Avec une apparente facilité, sans jamais forcer sur les effets, il lui suffit de laisser parler cette partition efficace, qui met en valeur la superbe homogénéité de son orchestre. La vigueur maîtrisée de Sawallisch, un des grands spécialistes actuels de cette musique, alliée au confort légendaire de l’orchestre de Stokowski, Ormandy et Muti, conviennent à merveille à cette idylle familiale (composée juste avant... Salomé). Béatitude douillette si parfaitement évocatrice que revient en mémoire la fameuse (et contemporaine) exclamation de Gide : « Familles, je vous hais! Foyers clos ; portes refermées ; possessions jalouses du bonheur ».


Comme sans doute les enfants sages, même s’ils fêtent cette année leur centenaire, se couchent tôt, les musiciens quittent la scène sans avoir offert de bis.



Simon Corley

 

 

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