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Fleur de neige

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/04/2005 -  et 28 (Bruxelles), 29 (Rotterdam) septembre, 5 octobre (Londres) 2005
Gabriel Fauré: Pelléas et Mélisande (suite), opus 80
Hector Berlioz: Les Nuits d’été, opus 7
Ludwig van Beethoven: Symphonie n° 4, opus 60

Anne Sofie von Otter (mezzo)
Orchestre de l’Age des Lumières, Marc Minkowski (direction)


Comme chaque saison, le Théâtre des Champs-Elysées accueille «Les Grandes voix», série de concerts qui présentera successivement Natalie Dessay, Renée Fleming, Juan Diego Florez, Angelika Kirchschlager, Waltraud Meier, Sandrine Piau et Rolando Villazon, mais aussi des «grands solistes» (Hilary Hahn, Yundi Li) ainsi que la reprise, pour trois représentations, de la déjà légendaire production du Bourgeois gentilhomme associant Vincent Dumestre, Benjamin Lazar et Cécile Roussat (voir ici). C’est dans ce cadre que l’Orchestre de l’Age des Lumières, sous la direction de Marc Minkowski, faisait étape à Paris, au cours d’une brève tournée européenne (Bruxelles, Rotterdam) qu’il devait conclure le lendemain à Londres, son port d’attache. L’Orchestra of the Age of Enlightenment (OAE), dont les «principaux chefs invités» demeurent Frans Brüggen et Simon Rattle, aborde sa vingtième année et il était donc tentant à cette occasion de faire le point sur cette formation qui s’est rapidement hissée parmi l’élite de celles qui ont adopté les «instruments d’époque».


Comme dans la plupart des ensembles comparables, l’ambiance paraît plus enjouée que dans bon nombre d’institutions et les musiciens, comprenant une majorité de femmes, sont visiblement ravis de se retrouver pour faire de la musique. En raison des mouvements sociaux qui ont notamment affecté les transports publics dans la capitale, un délai de grâce a été accordé aux spectateurs et les bois, arrivés très tôt sur le plateau, doivent patienter: qu’à cela ne tienne, le clarinettiste Anthony Pay, sans doute inspiré par ce lieu qui vit la création du Sacre du printemps, entame le solo introductif… du basson.


Confirmant que l’OAE a étendu son champ d’investigation pour couvrir désormais tout le XIXe siècle, le programme conduisait d’abord à Londres. La musique de scène qu’écrivit Fauré pour Pelléas et Mélisande (1898) était en effet destinée à une version anglaise de la pièce de Maeterlinck, avant d’être adaptée, deux ans plus tard, sous forme de suite symphonique. La présence d’Anne Sofie von Otter permet, une fois n’est pas coutume, d’y joindre Mélisande’s song (en anglais dans le texte), placée ici entre La Fileuse et la célèbre Sicilienne. Si la voix claire, presque blanche, de la mezzo suédoise retient déjà l’attention, la verdeur des vents (avec des hautbois particulièrement nasillards), leurs attaques parfois incertaines et, globalement, une homogénéité insuffisante nuisent à une partition dans laquelle timbres et textures sont essentiels, d’autant que Minkowski a tendance à exagérer les effets.


Dans L’Ile inconnue, dernier des six poèmes de La Comédie de la mort choisis par Berlioz pour ses Nuits d’été (1841/1856), Théophile Gautier interroge la «jeune belle»: «Où voulez-vous aller? […] Est-ce en Norvège, cueillir la fleur de neige?». Mais c’est de Suède que la fleur est venue, von Otter s’imposant dans ce cycle grâce à un éventail impressionnant de qualités: diction admirable compensant un léger accent et mettant intelligemment le texte en valeur, justesse, aisance sur l’ensemble de la tessiture malgré un aigu parfois légèrement voilé. Cette perfection, certes plus contrôlée et dépouillée qu’exubérante, ne se cantonne cependant pas à une stricte et froide littéralité, chaque mélodie étant au contraire soigneusement caractérisée, habitée et narrative. L’effectif restreint de l’accompagnement (trente-deux cordes) lui autorise certes un ton intimiste ainsi que des nuances plus subtiles, lui évitant également de forcer le ton, mais la place en même temps d’autant plus en avant: toutefois, ce travail sans filet ne l’intimide guère et elle parvient même à relever sans peine le défi de la quasi-immobilité qu’elle confère à certains passages. Minkowski, de son côté, se déploie avec plus d’aisance dans les couleurs, voire la truculence, de Berlioz.


Auditeur passionné des symphonies de Beethoven, qui connaissaient alors leur première parisienne avec Habeneck et son Orchestre du Conservatoire, Berlioz, opportunément cité dans les notes de programme, estimait, à propos de la Quatrième (1806), que son Adagio «surpasse tout ce que l’imagination la plus brûlante pourra jamais rêver de tendresse et de pure volupté». Dire qu’on s’est trouvé loin du compte ne sera pas faire injure au chef français, qui a manifestement privilégié de manière délibérée une lecture à la hussarde, menée au canon voire à la hache. Allante et pleine d’élan, vitaminée comme savent généralement le faire ces phalanges constituées d’instruments d’époque (différents, pour certains pupitres, de ceux utilisés dans Fauré et Berlioz), avec des cordes jouant sans vibrato, cette interprétation pâtit de tempi fluctuants et, surtout, d’une réalisation pas toujours impeccable. Les difficultés d’articulation, mais aussi d’intonation des bois et même des violons, ne laissent pas de surprendre, alors que, dans la même catégorie, l’Orchestre révolutionnaire et romantique ou l’Orchestre des Champs-Elysées parviennent à une mise en place de bien meilleure qualité.


Le site de l’Orchestre de l’Age des Lumières



Simon Corley

 

 

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