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Récit de guerre!

Saint-Cere
Château de Castelnau
07/28/2005 -  et les 4*, 8, 10 et 13 août 2005.
Robert Kurka : Le Brave Soldat Schweik
Christophe Lacassagne (Schweik), Eric Vignau (l’aumônier, Bretschneider, Sergent Vanek, 1er psy, 1er docteur), Jean-Claude Sarragosse (Palivec, Lukash), Adrian Arcaro (le narrateur, Colonel Von Zillergut, M. Kanonyi, 2ème psy, 2ème docteur), Frédéric Foggieri (le sergent, le chauve, Voditchka, 3ème psy, 1er prisonnier), Jean-Christophe Sandmeïer (M. Wendler, 4ème prisonnier), Anne Barbier (Mme Müller, la baronne, Kati, Mme Kakonyi), Gaëlle Pinheiro (la serveuse, le chien)
Patrice Gouron (décors, costumes et lumières), Pascale Fau (maquillage), Olivier Desbordes (mise en scène)
Orchestre du Festival
Dominique Trottein (direction)

Le festival de Saint-Céré aime prendre des risques et monter des oeuvres peu connues pour les faire découvrir à un public mêlé de connaisseurs, de passionnés, de touristes, etc… Le Brave Soldat Schweik, d’après le roman de Jaroslav Hasek, est une très bonne découverte: cette oeuvre associe théâtre et musique et demande donc aux artistes une habileté à jongler entre le texte et le chant, ce qu’ils font avec virtuosité.



Créé en 1958 au New York City Center, cet opéra de Robert Kurka n’est que très peu joué, et c’est bien dommage car il recèle de très intéressants passages musicaux: la musique est variée, parfois mélodique, et s’appuie essentiellement sur des cors, des trompettes, des percussions, etc… Il s’agit d’un soldat, Schweik, qui est enrôlé de force dans l’armée parce qu’il n’a pas été considéré comme débile mental par les autorités. Il va alors connaître de multiples aventures mais qui ne parviennent jamais à leur terme: ainsi quand il est blessé, il n’est en réalité que perclus de rhumatismes, il n’est que soldat et n’accède pas à la gloire. Il regarde et vit les événements avec une naïveté qui frise la simplicité enfantine. Son chemin est traversé par plein de personnages plus caricaturaux les uns que les autres: l’aumônier, la Baronne, la maîtresse… La mise en scène d’Olivier Desbordes est, comme toujours, remplie d’idées et intelligente. Il accentue le trait que Schweik voit tout avec des yeux d’enfant en grossissant les objets: ainsi un choeur de bavaroises arrive avec des chopes démesurées, les seringues du médecin sont immenses, les pots de chambre des bagnards sont énormes etc… L’ensemble est bien drôle et surtout permet de lire et de comprendre l’histoire. Les costumes également sont bien travaillés: la Baronne entre en scène avec une très grande robe à panier rose fluo qu’elle enlève progressivement à la fin de la représentation. Mais l’une des scènes les plus réussies est peut-être celle avec l’aumônier: le chanteur a un costume tout noir, des chaussures avec de très gros talons (ce qui le rehausse) et surtout son maquillage est effrayant dans la mesure où il lui rend le visage blafard, une mauvaise mine digne d’un mort. Il a aussi des ongles longs noirs dont il joue pour se donner l’apparence d’un vampire prêt à se jeter sur sa proie, en ombre chinoise sur les murs du château. L’effet est saisissant!


La mise en scène est soutenue par une troupe de chanteurs-acteurs en cohérence avec les intentions d’Olivier Desbordes. Le rôle-titre est tenu par Christophe Lacassagne qui soutient l’ensemble avec une énergie et un dynamisme confondants et inébranlables. La partition est difficile et lourde mais il parvient à la défendre jusqu’au bout avec une voix fraîche. Il utilise tour à tour la voix pleine, la voix de fausset et possède une palette de couleurs assez large. Scéniquement il porte aussi le personnage et il parvient à faire croire à son innocence mais aussi à sa détermination à partir à la guerre. Il adopte des gestes lents pour marquer sa fausse douceur, des gestes beaucoup trop enthousiastes quand il est au service des officiers. Une très belle performance!
Du reste de la distribution on retiendra Eric Vignau qui possède l’aisance scénique et la qualité vocale. Son visage est très expressif et il joue avec une certaine distance. La projection de sa voix est précise, nette et sonore et il teinte ses notes avec des nuances différentes suivant ses personnages. Jean-Claude Sarragosse impose toujours sa voix profonde et ses facilités scéniques pour camper, entre autres, un amant Lukash particulièrement désespéré et peu courageux devant le mari trompé. Adrian Arcaro est beaucoup plus convaincant vocalement dans cette oeuvre que dans Figaro. Il a de l’assurance dans son rôle de narrateur au début de l’opéra quand il présente le héros et surtout il est criant de vérité dans le rôle de M. Kanonyi. La voix est ferme, certes pas très puissante, mais bien projetée et non avare de nuances. Frédéric Foggieri et Jean-Christophe Sandmeïer défendent également bien leurs personnages mais qui sont plus mineurs dans l’intrigue.
Du côté des chanteuses, Anne Barbier tient plusieurs rôles déterminants dans l’opéra. Comme cela avait déjà été remarqué dans Falstaff, elle possède un vibrato très important qui malheureusement gâche une partie de son chant. Autant cela passe quand elle interprète Mme Müller, autant c’est plus handicapant pour la Baronne. Ceci dit, elle compense ce défaut par un entrain sans retenue et on “croit” à ses personnages. Gaëlle Pinheiro, que l’on retrouve aussi en Barberine dans Les Petites Noces de Figaro est absolument irrésistible en chien. Elle est habillée comme un caniche avec des vêtements pour chien et ne cesse de sauter partout pour suivre et son maître et celui qui l’a volé.


La direction de Dominique Trottein est excellente et fait bien ressortir les divers instruments. Elle ne manque pas de dynamisme et sert à merveille les tonalités un peu ambiguës et étranges de la partition.



Une découverte qui ne laisse pas insensible le public en cette soirée au Château de Castelnau! Il faut aussi dire que le metteur en scène utilise habilement le lieu, avec ses qualités et ses défauts, pour rendre cette histoire encore plus facile d’accès. Bravo à de telles initiatives!


Manon Ardouin

 

 

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