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Tout feu, tout Jean-Efflam

Paris
Orangerie de Bagatelle
07/13/2005 -  
Franz Liszt : Invocation (extrait des Harmonies poétiques et religieuses) – Hymne de la nuit et Hymne du matin (extraits de la première version des Harmonies poétiques et religieuses) – Wiegenlied – Schlaflos! Frage und Antwort – La Notte (extrait des Trois odes funèbres)– En rêve – Paraphrase de concert sur «Rigoletto»
Maurice Ohana : Main gauche seule (extrait du Premier livre des Douze études d’interprétation)
Olivier Messiaen : Ile de feu 1 (extrait des Quatre études de rythme)
Béla Bartok : Etude, opus 18 (sz. 72) n° 2
Frédéric Chopin : Tarentelle, opus 43 – Berceuse, opus 57 – Etudes, opus 10 n° 10 et opus 25 n° 2 – Ballade n° 2, opus 38

Jean-Efflam Bavouzet (piano)


C’est à la mémoire d’Alexeï Sultanov, médaille d’or au Concours Van Cliburn en 1989, disparu le 30 juin dernier à l’âge de trente-cinq ans, que Jean-Efflam Bavouzet, lui-même prix de musique de chambre «Steven de Groote» lors de cette même compétition, a dédié le programme riche et varié qu’il donnait dans le cadre du Festival Chopin.


Pour ce beau début de soirée d’été à l’orangerie, le pianiste français a choisi «sept pièces autour du thème de la nuit» écrites par Liszt. Comme tout romantique qui se respecte, le Hongrois y a en effet trouvé une inspiration sans cesse renouvelée, qui apparaît de façon d’autant plus éclatante que sont ici soigneusement écartés les trop fameux Nocturnes (également connus sous le nom de Liebesträume (Rêves d’amour) au profit d’une sélection beaucoup plus originale, couvrant près de cinquante ans de vie créative et suggérant l’agitation plus que le repos, l’inquiétude plus que la paix: Invocation liminaire des Harmonies poétiques et religieuses (1852), Hymne de la nuit et Hymne du matin extraits de la première version de ces Harmonies (1834). Et à trois brefs morceaux typiques de la période tardive (les deux derniers étant d’ailleurs chacun sous-titré «nocturne») – le dépouillement du Chant du berceau (1880), la quête toute beethovénienne de Schlaflos! Frage und Antwort (1883) et l’atmosphère déjà scriabinienne de En rêve (1885) – s’ajoute La Notte, d’après Michel-Ange (1864/1866): cet étonnant cauchemar constitue en réalité un arrangement de la deuxième des Trois odes funèbres pour orchestre, elle-même fondée en grande partie sur Il Penseroso, issu de la Deuxième (L’Italie) des Années de pèlerinage.


De cet ensemble de plus d’une demi-heure qu’il joue sans interruption, Bavouzet fait une vaste fresque qui lui permet de déployer une large palette de qualités: un piano coloré, symphonique, d’un grand relief et d’une belle amplitude dynamique, une expression jamais affectée, qui sait s’accommoder de l’opulence du texte comme de la plus grande économie de moyens, mais aussi une manière échevelée et flamboyante qui rend parfaitement justice, avant l’entracte, à la Paraphrase de concert sur «Rigoletto» (1859), pour laquelle il a préféré tomber la veste: même si c’est au prix de quelques petites embardées, ce panache tient d’un véritable feu d’artifice, tout à fait de mise en cette veille de Quatorze-Juillet.


Pour se plier aux figures imposées de cette édition du Festival Chopin, à savoir les études, il a résolument opté pour le XXe siècle. Main gauche seule, quatrième du Premier livre (1983) des Etudes d’interprétation d’Ohana, est dédiée à la mémoire de Ravel: Bavouzet est en terrain connu, puisqu’il possède à son actif non seulement une intégrale de ces Etudes d’Ohana pour Harmonic records, mais aussi l’œuvre de piano de Ravel pour Musikproduktion Dabringhaus und Grimm (MDG). Il invoque ici la vélocité de Scarbo et, bien entendu, la véhémence du Concerto pour la main gauche. Même si c’est surtout la deuxième (Mode de valeurs et d’intensités) des Quatre études de rythme (1950) de Messiaen qui est entrée dans l’histoire, la première, Ile de feu 1, avec ses grands accords et ses chants d’oiseaux, n’est pas moins caractéristique du compositeur. Quant à Bartok, avec la deuxième de ses trois Etudes de l’opus 18 (1918), qui tient de son Allegro barbaro, il n’a pas grand-chose à envier à ses deux prédécesseurs.


Bavouzet conclut bien sûr avec Chopin, proposant une série de pièces aux tonalités voisines (autour de la bémol et fa): la rare Tarentelle (1841), cinglante et précipitée, délibérément virtuose, en remontrerait presque à Rossini; la Berceuse (1844), plus naïve que souple, évite tout alanguissement; deux EtudesDixième (1829) de l’opus 10 et la Deuxième (1836) de l’opus 25 – très allantes, ne s’embarrassent pas de précautions, la seconde évoquant même, par sa rapidité, la Valse dite «du petit chien»; enfin, la Deuxième ballade (1838) conjugue concentration et contrastes spectaculaires.


Bavouzet, capable de donner en bis un Klavierstück de Stockhausen après la Sonate «Hammerklavier» de Beethoven (voir ici), offre pas moins de trois extraits des deux livres d’Etudes (1915) de Debussy – Pour les arpèges composés, Pour les cinq doigts, d’après Monsieur Czerny et Pour les degrés chromatiques – donnant l’impression de repousser à chaque fois les limites du délire et de l’ironie.



Simon Corley

 

 

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