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Vol d'une huppe au-dessus de Lyon

Lyon
Opéra de Lyon
06/24/2005 -  et les 26, 28 et 30 juin, le 2 juillet 2005
Hans Werner Henze : L'Upupa
Laura Aikin (Badi’at), Tom Allen (le Démon), Alfred Muff (le Vieil Homme), Nadine Denize (Malik), Dijab (Siegfried Vogel), Lauri Vasar (Al Kasim), Fabrice di Falco (Adschib), Jérôme Varnier (Gharib). Orch. et Chœurs de l’Opéra de Lyon, Gérard Korsten (direction) Jürgen Rose (décors), Dieter Dorn (mise en scène)

L’opéra est à la mode, mais Hans Werner Henze, né en 1926, s’y est intéressé dès les années cinquante, alors que certains proclamaient sa mort à grand renfort de sérialisme tous azimuts. A-t-il dit son dernier mot avec L’Upupa, créé à Salzbourg en 2003, qu’il qualifie lui-même de « comédie allemande d’inspiration arabe » et dont il a écrit le texte ? Un bel hommage en tout cas à cet univers oriental et méditerranéen qui le fascine depuis longtemps et dont l’avant-dernier témoignage est le recueil des Chants de l’Arabe, composés pour le ténor anglais Ian Bostridge – à qui il destinait d’ailleurs le rôle du Démon dans L’Upupa.
Un vieux vizir est fasciné par une huppe merveilleuse qui s’est échappée. Il envoie ses trois fils à sa recherche, mais deux d’entre eux sont trop lâches pour remplir leur mission et seul Al Kasim, grâce à l’aide d’un Démon bienveillant, ira jusqu’au bout d’une quête qui n’est rien d’autre qu’un parcours initiatique. Ainsi rencontre-t-il une princesse juive, qu’il finira par épouser après maintes épreuves, une fois qu’il aura rendu la huppe à son père… qui la libérera définitivement. Il n’en repartira pas moins retrouver le Démon à qui il a promis une pomme d’or de l’Arbre de vie. C’est un conte, avec tous les ingrédients traditionnels du genre, sa boîte magique, ses bons et ses méchants, ses leçons de sagesse. Henze revisite la Flûte enchantée de Mozart, tout en se souvenant, dans la musique, du Wozzeck de Berg, qui n’a décidément fini de peser sur l’histoire de l’opéra, tandis que le recours aux bruitages et le rôle de la percussion portent bien la marque de son époque. Le traitement de la voix tient aussi bien d’une déclamation parfois proche du Sprechgesang que d’une écriture traditionnelle pouvant laisser à la place à ce qu’on aurait appelé jadis des numéros. Si la première partie ennuie faute d’une vraie tension dramatique, la seconde, à la fois plus virtuose et plus lyrique, séduit, tout simplement parce que le compositeur, au-delà d’un métier très sûr, y trouve une indéniable inspiration. Pour le reste, la postérité décidera de la place à accorder au bruissement des ailes de la huppe.
La première française de L’Upupa à Lyon a heureusement eu plus de chance que celle des Bassarides au Châtelet. La production est celle de la création salzbourgeoise, qui procure toujours le même plaisir. La dimension orientalisante est au cœur de la mise en scène de Dieter Dorn, mais épurée de tout pittoresque facile, avec des décors stylisés aux couleurs vives, pour mieux nous plonger dans l’univers naïf, féerique et symbolique du conte. Ainsi se trouve confirmé tout ce qui relie la comédie allemande de Henze à l’ultime Singspiel de Mozart. La distribution est homogène, même si certains ne font pas oublier les interprètes salzbourgeois, à commencer par les deux méchants frères : l’Adschib de Fabrice di Falco n’est qu’une caricature de contre-ténor à la voix de crécelle et Jérôme Varnier semble vocalement très débraillé en Gharib. Nadine Denize ne peut plus guère dissimuler son délabrement vocal, mais c’est une authentique artiste et Malik est « un vieillard d’âge canonique », qu’elle campe avec esprit et sans outrance. Pur produit des écoles américaine et anglaise, avec son chant impeccablement lissé, Tom Allen fait surtout vivre le Démon par son jeu à la fois léger et émouvant. Aucune réserve en revanche sur l’Al Kasim de Lauri Vasar, à la voix bien timbrée et bien conduite, dont la présence ne cesse de s’affirmer à chaque étape de son initiation. Laura Aikin et Alfred Muff renouvellent leur performance salzbourgeoise, elle donnant chair et vie à une princesse qu’elle ne transforme pas en poupée colorature, lui s’identifiant au vieux vizir envoûté par sa huppe. Ce n’est pas seulement Gérard Korsten qu’il faut féliciter pour la fermeté et la précision de sa baguette, mais aussi l’Orchestre lyonnais, décidément soumis à rude épreuve après les trois Janacek du mois dernier, et toujours prêt à s’engager sur de nouveaux chemins.



Didier van Moere

 

 

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