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Un Werther de rêve!

Vienna
Staatsoper
02/19/2005 -  et 22, 25, 28* février et 3, 6 mars 2005.
Jules Massenet : Werther
Marcelo Alvarez (Werther), Elina Garanca (Charlotte), Adrian Eröd (Albert), Ileana Tonca (Sophie), Peter Jelosits (Schmidt), Marcus Pelz (Johann), Alfred Sramek (Bailli)
André Serban (mise en scène), Peter Pabst (scénographie), Petra Reinhardt (costumes)
Ballet, Chor und Orchester der Wiener Staatsoper, Philippe Jordan (direction)


Le Staatsoper de Vienne propose une nouvelle production de Werther, opéra qui n’avait pas été monté depuis de nombreuses années sur cette prestigieuse scène. Pour rendre un bel hommage à ce répertoire, ils ont convoqué le plus subtil des Werther actuels, Marcelo Alvarez, la jeune mezzo montante, Elina Garanca, et un metteur en scène aux idées multiples mais à peu près respectueuses de l’oeuvre, Andrei Serban.



La mise en scène reste assez sobre et ce sont les décors qui vont offrir de bien belles images. Un grand arbre, placé au milieu, ne quitte jamais la scène et change de couleur suivant les saisons. Au début de l’opéra c’est l’été, les “enfants” de Charlotte (dont le nombre a doublé…) sont habillés avec des vêtements de plage et jouent bruyamment. Les feuilles de l’arbre sont alors bien vertes mais comme le dit Albert, “trois mois se sont écoulés” au deuxième acte et c’est donc l’automne avec de belles couleurs dorées et orangées données par les feuilles mortes. Werther est censé revenir à “la Noël” et il y a alors chez Charlotte un sapin tout décoré et l’arbre est complètement dénudé. Cet arbre sert également d’escalier avec une passerelle où les personnages se promènent ou bien épient les autres. L’idée est excellente dramaturgiquement mais également esthétiquement car cet objet donne une élégance à la scène. Andrei Serban a décidé de transposer l’action dans les années 50 mais à part la télévision et les habits un peu marqués, cela reste assez discret. Il fait de cet opéra une banale histoire d’un triangle amoureux, le mari, la femme et l’amant et malheureusement le côté romantique, désespéré et unique de Werther est un peu gommé. Un travail important a été mené sur les lumières qui créent une ambiance spéciale et apportent une lecture bien plus efficace que les déplacements scéniques ou bien les décors. Pendant l’ouverture qui explique tout le drame, on ne voit que des petits points de lumière qui finalement laissent apparaître le fameux arbre: tout se dévoile peu à peu et la scène du drame et le drame en lui-même, puisqu’à ce moment Philippe Jordan fait preuve d’une grande intuition musicale en laissant, par exemple, pleurer les contrebasses, apparaissent.


Marcelo Alvarez est toujours un Werther idéal, désespérément amoureux et fier de l’être. Il est d’une douceur incroyable quand il s’extasie sur la maison du Bailli “O nature…”, d’un désespoir poignant dans “un autre est son époux” ou mourant à l’extrême dans “Oui, Charlotte… je meurs”. Scéniquement le chanteur est toujours aussi peu à l’aise et donc il s’occupe avec les “enfants” de Charlotte au premier acte ou bien alors il reste statique. Mais de plus en plus il “se lâche” et donne tous ses moyens surtout dans le duo du troisième acte avec Charlotte où il tente par tous les moyens de la convaincre de l’aimer. Il remporte un triomphe avec le fameux “pourquoi me réveiller” qu’il chante avec feu et engagement. Un bien beau Werther!
Elina Garanca est présentée comme la nouvelle mezzo du moment et certes ses moyens vocaux sont à la hauteur de sa réputation. La voix est franche, puissante mais elle manque un peu de personnalité et de nuances. La chanteuse est une excellente comédienne et elle parvient à faire passer ses émotions par des gestes parfaitement étudiés d’autant plus que la direction d’acteur est très précise. Charlotte devient une petite bourgeoise qui s’ennuie et qui donc tombe dans les bras de Werther, tout en cherchant à noyer son chagrin d’amour dans le cognac. Une fréquentation plus importante de ce rôle lui permettra de découvrir les richesses de ce personnage car elle saisit parfaitement son désarroi dans l’air des lettres qu’elle interprète parfaitement.
Albert, en la personne de Adrian Eröd, a beaucoup de classe, c’est indéniable, mais il ne parvient pas à la même intensité dramatique que Ludovic Tézier au Covent Garden en septembre dernier. Le chanteur possède une voix très intéressante, belle à écouter mais qui n’apporte pas non plus un grand éclairage sur le personnage ni une forte caractérisation. Pour lui aussi l’émotion est surtout dégagée par la gestuelle, surtout lorsqu’il revient chez lui à la fin de l’acte III et qu’il découvre que Werther est venu chez lui et que sa femme est bouleversée. A ce moment, chanteur et acteur se rejoignent pour laisser éclater la douleur du personnage. Mais il sait apporter des accents de renard au deuxième acte quand il écoute Werther pleurer son amour perdu. Il convient de souligner également l’excellence de son français: il est le rare chanteur de cette production à être parfaitement compréhensible.
Ileana Tonca est une charmante Sophie, pleine de vie et d’amour pour Werther. Le timbre de la chanteuse est frais, agréable mais ses aigus sont un peu tirés, même si elle se sort très bien de la note tenue à la fin de “tout le monde est joyeux”. Elle joue avec simplicité le rôle de la petite soeur, insouciante, vite consolée.
Les rôles plus secondaires sont très correctement tenus à commencer par le duo pittoresque entre Schmidt et Johann campés par Peter Jelosits et Marcus Pelz, dont la belle voix profonde est à souligner. Le Bailli Alfred Sramek est excellent et ne manque pas de verve comique, surtout lorsqu’il tente de diriger le choeur de ses enfants au début de l’opéra.


La direction de Phillipe Jordan déçoit un peu. C’est très bien mais il manque le petit élan et la petite élégance qui permettent de passer du très bien à l’excellent. Les passages instrumentaux, en revanche, sont magnifiques et dégagent une émotion certaine où tout le drame de Werther se met en place.



Un Werther qui laisse un peu sur sa faim car si le rôle-titre est excellent, les autres personnages sont correctement chantés mais pas forcément interprétés. Laissons alors à ces jeunes chanteurs le temps de se familiariser avec cette oeuvre…




A noter:
- reprise de ce spectacle les 21, 25 et 29 juin 2005.
- la présence de multiples caméras laisse supposer une diffusion vidéographique et peut-être une commercialisation en DVD.
- Marcelo Alvarez vient de sortir un nouveau récital, The Tenor’s passion, où il présente des airs de son répertoire à venir, de Calaf à Don José en passant par Rodolfo. Chez Sony.


Manon Ardouin

 

 

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