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Poison et antidote Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/22/2005 - et 22* janvier 2005 Arthur Honegger : Symphonie n° 2, H. 153
Carl Orff : Carmina Burana
Marc Bauer (trompette), Désirée Rancatore (soprano), Hans-Werner Bunz (ténor), Dietrich Henschel/Anthony Michaels-Moore (baryton)
Chœur de Radio France, Bruno Casoni (chef de chœur invité), Maîtrise de Radio France, Toni Ramon (directeur musical), Orchestre national de France, Riccardo Muti (direction)
Pour sa visite annuelle à l’Orchestre national de France, Riccardo Muti – qui reviendra à Paris le 4 mai avec la Philharmonie de Vienne dans un programme Haydn et Scriabine – avait choisi de rapprocher deux œuvres qui n’ont peut-être en commun que leur époque de composition et leur relative rareté à l’affiche, car au-delà de leurs divergences esthétiques manifestes, la première exprime la foi en la fin d’une oppression à laquelle la seconde est inévitablement associée.
De quand date la dernière apparition dans la capitale d’une symphonie d’Arthur Honegger? La réponse à cette question – probablement trois ou quatre saisons – n’est pas vraiment à l’honneur des organisateurs de concerts, et il faut apparemment une personnalité de la stature de Muti pour que l’Orchestre national – ses cinquante-six cordes et son trompettiste, Marc Bauer – puisse enfin retrouver, avec la Deuxième symphonie (1941), cette musique pourtant inscrite depuis toujours dans ses gènes. On s’en réjouira d’autant plus que comme si souvent, dès que cette formation est en de bonnes mains, elle parvient à se surpasser. Le chef italien, quant à lui, privilégie une vision plus objective, précise et tranchante qu’uniment sombre, conciliant, sans forcer le trait, expression et tension.
Après l’antidote, le poison, avec les Carmina burana (1936) de Carl Orff, que Muti connaît bien pour en avoir réalisé un enregistrement chez EMI voici exactement un quart de siècle. Sans excès ni alanguissements, il impose ici une vision à la fois rigoureuse et colorée, rendant parfaitement justice à cette partition qui ne ressemble décidément à aucune autre, pas même du compositeur. Celui-ci n’aurait peut-être pas cautionné certains tours romantisants ou expressifs, mais si Muti s’attache effectivement à mettre en valeur la finesse (Veris leta facies, Floret silva), le grotesque (Olim lacus colueram) ou même l’humour (In taberna quando sumus), le caractère cinglant du propos (Estuans interius) et l’énergie rythmique (Veni, veni, venias, Tempus est iocundum) ne sont pas en reste.
Si le Chœur de Radio France – excellemment préparé par Bruno Casoni, qui, en tant que chef du Chœur du Théâtre de la Scala de Milan, collabore régulièrement à ce titre avec Muti – tient la vedette, les brèves interventions de la Maîtrise de Radio France ne sont pas moins remarquables. Côté solistes, Désirée Rancatore peine quelque peu et se réfugie dans un vibrato permanent, tandis que Hans-Werner Bunz, dans l’unique air qui lui est dévolu, adopte une apparence de contre-ténor. Remplaçant in extremis Dietrich Henschel pour le second de ces deux concerts, Anthony Michaels-Moore relève globalement le défi, avec un timbre chaleureux et une puissance appréciable, négociant habilement ses redoutables phrases dans l’aigu.
Simon Corley
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