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Ave Gérard Lesne! Paris Salle Gaveau 01/18/2005 - Airs et duos tirés d’opéras de Georg Friedrich Haendel: Giulio Cesare, Ottone, Tolomeo…
Anne-Lise Sollied (soprano) - Gérard Lesne (alto et direction)
Il Seminario Musicale Gérard Lesne, grand fidèle des Concerts Parisiens, revient cette saison avec un joli programme d’airs et de duos tirés de livrets d’opéras de Haendel. Le fil conducteur de ce concert est le personnage de Jules César que le compositeur a abondamment traité, et pas seulement dans le fameux Giulio Cesare in Egitto.
Le voyage haendelien débute par un duo entre Seleuce et Tolomeo de l’opéra Tolomeo “Se il cor ti perde”. Les deux chanteurs font preuve de beaucoup de tendresse et d’expressivité dans cet extrait notamment en variant les couleurs de la voix sur des mots comme “cosi amaro”. Le premier air solo vient de l’opéra Ottone “Io son tradito” que Gérard Lesne interprète avec une colère sourde et retenue notamment en donnant toute la puissance de sa voix sur certains passages. L’utilisation à des fins dramatiques des crescendo et des decrescendo contribue à densifier son chant notamment sur les “respirar”. Anne-Lise Sollied le rejoint pour terminer l’opéra avec le duo “A teneri affetti” dans lequel les deux chanteurs laissent éclater leur bonheur dans un partition pleine d’allégresse, sur un tempo vif et enjoué. La soprano dévoile ici une voix beaucoup plus ronde surtout dans le medium qui est de toute beauté. Pour conclure cette première partie, ils se retrouvent pour le duo entre Almira et Sosarme de l’opéra Sosarme “Per le porte del tormento” qui est particulièrement beau car les deux voix se rencontrent, se lient à la suite de sons tenus à la perfection par Gérard Lesne. Anne-Lise Sollied use de son habileté à filer les notes et apporte une touche d’élégance à l’ensemble.
La seconde partie du concert est, pour l’essentiel, consacrée au Giulio Cesare avec les plus beaux airs de la partition. Elle s’ouvre sur l’air si émouvant “Se pieta ben mio” qu’Anne-Lise Sollied interprète avec beaucoup d’idées mais malheureusement son chant n’est pas toujours vierge de certaines impuretés dans la voix, comme des aigus trop courts ou des notes qui ne parviennent pas à maturation et qui restent dans la gorge. Elle place également quelques effets d’assez mauvais goût (les faux pleurs sur le dernier “moriro”) alors que la pureté de sa voix et son joli timbre suffisent à créer une émotion. Dommage…
Gérard Lesne et Anne-Lise Sollied choisissent d’interpréter le duo entre Cornelia et Sesto à la fin du premier acte “son nata a lagrimar”. Dans ce passage l’alto déploie toute sa capacité à nuancer notamment dans les “ah” qui ponctuent de nombreuses phrases (dont les “sempre piangero”), qui deviennent de véritables cris de désespoir, mais des cris doux. Des moments de grâce comme on entend assez peu! Les deux voix s’entrecroisent sur “se il fato” tout en restant distinctes pour différencier davantage les deux personnages et surtout leur deux douleurs, celle d’une épouse qui n’a plus de goût à vivre et celle d’un fils qui doit encore venger son père. Pour achever ce superbe concert, ils chantent le duo final de l’opéra “caro, bella” qui laisse percevoir à quel point Gérard Lesne, s’il acceptait de remonter sur scène, pourrait camper un Jules César sensible et subtil.
L’Ensemble propose une petite incursion dans le monde de Vivaldi et si l’on ne retrouve pas la même fougue que chez un Jean-Christophe Spinosi, les sons tirés des instruments sont magnifiques, comme la montée des violons dans le début de l’air “Mentre dormi”. Une petite introduction musicale précède l’entrée en scène de Gérard Lesne qui va chanter le plus émouvant passage de tout le concert avec deux airs de L’Olimpiade, “Mentre dormi” tout d’abord qui fait appel à ses mezza-voce hypnotisants et à ses demi-teintes si caractéristiques. Il ne fait que suggérer les notes, laissant aux instrumentistes le soin de les achever, mais tout cela dans une harmonie musicale parfaite. Le second air “Gemo in un punto e fremo” est tout aussi beau mais convient moins au chanteur qui doit parfois un peu enfler sa voix pour lui donner de la puissance.
La voix de Gérard Lesne évolue beaucoup et pour ne pas l’avoir entendu depuis près de deux ans, on remarque encore davantage la beauté de ses graves qui ne cessent de s’affermir mais également la luminosité exceptionnelle de ses aigus comme dans l’air de Radamisto “Vile! semi dai vita!” qui demande un registre assez élevé. Son interprétation est remarquable surtout dans les récitatifs où il attribue un sens aux mots, une colère, une douceur ou une douleur. Un magnifique travail pour rendre vivants les personnages à interpréter: les multiples “o” qui concluent le récitatif de l’air d’Ottone “Tanti affanni” sont criants de vérité et ils sont très différenciés par une couleur.
On ne peut également que louer les instrumentistes d’Il Seminario Musicale qui sont toujours aussi impeccables et musiciens. Ils se montrent particulièrement expressifs dans l’accompagnement de l’air de Cléopâtre où les instruments se croisent pour apporter encore plus de profondeur à la mélodie ainsi que de douleur. L’énergie de Blandine Rannou au clavecin fait toujours autant merveille, surtout dans la Passacaille de la Sonate n°4, opus 5 et le pupitre des violons conduit par le chef des Folies Françaises, Patrick Cohen-Akenine, est remarquable pour son son mais aussi pour sa détermination dans le coup d’archet.
Un magnifique concert qui permet de redécouvrir Gérard Lesne dans un répertoire haendelien qu’il a peu chanté ces dernières années. Cela lui convient parfaitement surtout les passages qui demandent de la lenteur et donc une plus forte émotion. Anne-Lise Sollied confirme une jolie voix et une habileté à vocaliser et à rentrer dans l’esthétique de Haendel mais elle gagnerait beaucoup à simplifier son chant. Le public de la salle Gaveau fait un triomphe aux musiciens et puisse Il Seminario Musicale continuer à explorer ce compositeur! Manon Ardouin
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