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Neuburger toujours au sommet Paris Auditorium du Louvre 01/06/2005 - Louise Farrenc : Air russe varié, opus 17 – Etudes, opus 26 n° 17, 18 et 27 – Mélodie
Robert Schumann : Arabesque, opus 18 – Kreisleriana, opus 16
Jean-Frédéric Neuburger (piano)
Tout juste auréolé de son troisième grand prix au Concours Long-Thibaud (voir ici), Jean-Frédéric Neuburger apportait sa contribution, ce midi, au cycle Farrenc/Schumann qui vient de débuter à l’Auditorium du Louvre: plus encore que la veille (voir ici), Louise Farrenc, lorsqu’elle est servie par un musicien d’exception, pourtant seulement âgé de dix-huit ans, mérite décidément considération.
Pianiste, compositeur puis musicologue, Farrenc fut aussi pédagogue, ce dont témoignent notamment de nombreux recueils d’études. Parmi ses Trente grandes études dans tous les tons (1839), Neuburger en a choisi trois, qui vont bien au-delà d’exercices scolaires et se révèlent très exigeantes pour l’interprète: si la Dix-septième (mi bémol mineur) et la Vingt-septième (sol mineur) se caractérisent par une brillante agitation, la Dix-huitième (ré bémol majeur) cultive un registre plus lyrique et fluide, non sans ressemblances avec l’Arabesque de Schumann, exactement contemporaine. Suit une Mélodie en la bémol (1846), où l’on constate que, pas plus que Chopin ou Liszt, Farrenc n’a pas résisté à l’influence du bel canto. Salué par Schumann, l’Air russe varié (1836) s’ouvre par une introduction tumultueuse, qui n’est pas sans évoquer la première pièce des Kreisleriana, l’exposition du thème – qui présente, en mineur, une parenté avec l’air de Papageno au second acte de La Flûte enchantée – étant suivie de huit variations et d’une coda. Si l’on est ici sans doute plus proche des Variations sérieuses de Mendelssohn que des Etudes symphoniques de Schumann, la maîtrise de l’écriture et la qualité du contrepoint, notamment dans l’ultime variation en forme de fugue à quatre voix, forcent l’admiration.
Schumann, justement: après une Arabesque (1839) d’allure plutôt vive, libre et inattendue, Neuburger enchaîne, toujours par cœur, sur les Kreisleriana (1838). Il y souligne le contraste entre la virtuosité passionnée et diabolique racontée par Hoffmann – que sa technique, fondée notamment sur une articulation toujours remarquablement claire, lui permet de dominer sans peine – et les répits ménagés par la partition, où, interrogeant inlassablement le texte, il fait valoir une concentration et une variété de toucher qui l’apparentent à Benedetti-Michelangeli ou, de nos jours, à Angelich. La lumière étrange, blafarde comme un rayon de lune, qu’il parvient à créer dans la dernière des huit pièces en constitue un exemple éloquent.
Choisissant judicieusement son bis dans une veine toujours fantastique, Neuburger transfigure la troisième des Quatre études sur le «Freischütz» de Stephen Heller (1813-1888), un Hongrois contemporain de Farrenc, émigré à Paris et également grand pourvoyeur d’études d’une grande difficulté: le compositeur brode ici, dans l’esprit des paraphrases lisztiennes, sur deux des thèmes de l’opéra de Weber (scène de la Gorge aux loups et prière de Max).
Simon Corley
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