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Paris, le mercredi 16 février 1848

Paris
Conservatoire national supérieur d’art dramatique
12/21/2004 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Trio avec piano n° 5, K. 542
Frédéric Chopin : Nocturne, opus 48 n° 1 – Barcarolle, opus 60 – Etudes, opus 10 n° 12 et opus 25 n° 1 – Berceuse, opus 57 – Sonate pour violoncelle et piano, opus 65 (extraits) – Préludes, opus 28 n° 3 et 18 – Mazurkas, opus 17 n° 4 et opus 24 n° 2 – Valses, opus 64 n° 1 et 2
Vincenzo Bellini : Ariette da camera (trois extraits)
Gaetano Donizetti : Le Crépuscule – Ah! Rammenta, o bella Irene
Giacomo Meyerbeer : De ma première amie – La Fille de l’air – Ballade de Raimbaut, extraite de «Robert le Diable»

Olga Pasichnyk (soprano), Tomasz Kuk (ténor), Olivier Charlier (violon), Henri Demarquette (violoncelle), Maciej Pikulski (piano)


La Société Chopin, qui organise par ailleurs chaque année au début de l’été un festival à l’Orangerie du parc de Bagatelle, proposait une initiative originale: la commémoration du dernier concert donné par Chopin, le 16 février 1848, un an et demi avant sa mort. Commémoration plutôt que reconstitution, dans la mesure où si la structure du programme a été conservée, il a fallu transiger avec son imprécision quant aux informations fournies: impossible de savoir ainsi le détail exact des compositions interprétées à cette occasion. En outre, les salons Pleyel, autrefois sis rue Rochechouart, ayant disparu depuis, c’est la superbe salle «pompéienne» (1794) de l’ancien conservatoire (actuellement Conservatoire national supérieur d’art dramatique) – où fut créée la Symphonie fantastique (5 décembre 1830) et où Chopin se présenta pour son premier concert parisien (14 décembre 1834) – qui accueillait cette manifestation, laquelle s’inscrivait en même temps dans le cadre des derniers feux de «Nowa Polska – Une saison polonaise en France». Et, près de cent cinquante-sept ans plus tard, le succès fut également au rendez-vous, puisque c’est à guichets fermés qu’elle se déroula.


A la différence de Liszt, par exemple, Chopin n’était pas très friand de ces apparitions publiques – la précédente remontait d’ailleurs à plus de six ans (1842) – mais la rareté d’un bien contribuant indéniablement à son prix, et malgré l’absence de publicité, ce concert du 16 février fut considéré comme un événement considérable, il est vrai sans doute plus mondain ou amical («Je serai presque comme chez moi et mes yeux rencontreront surtout des visages amis») que véritablement public: il fallait en effet bénéficier de hautes protections pour espérer acquérir l’un des trois cents billets mis à la vente, dont trente furent réservés par Louis-Philippe et sa famille. Une seconde représentation fut donc envisagée pour le 10 mars: bien que la liste des souscripteurs fût deux fois plus longue, Chopin envisageait cette perspective avec réticence, mais la révolution ayant éclaté le 22 février (dans une lettre datée du 17 février, il avait déjà noté: «Paris est malade»), ce projet fut abandonné.


Chopin rapporte que Pleyel avait «[fait] garnir l’escalier de fleurs» pour «[l’]encourager à jouer»: c’est sur la rampe qu’on les retrouvait cette fois-ci, de telle sorte que le premier rang a sans doute assez peu profité de la vision des artistes. De façon tout aussi anecdotique, on supposera que ce n’est pas par souci d’une reconstitution fidèle que le spectacle, annoncé pour 20 heures, ne commença en réalité qu’à 20 heures 30, heure à laquelle débuta celui du 16 février 1848... En revanche, c’est un Polonais de Paris, Maciej Pikulski, qui a tenu la partie de piano – un Pleyel (1836), bien sûr – durant toute la soirée, alors que Chopin avait, pour l’accompagnement des chanteurs, laissé la place, si l’on déchiffre correctement le programme de l’époque, à «MM. Alary et Garaude».


La Gazette musicale du 20 février avait jugé le Trio avec piano en mi majeur (1788) de Mozart «exécuté de manière qu’on désespère de l’entendre jamais aussi bien»: Chopin livrait ici sa seule interprétation en public d’une œuvre de son cher Mozart, avec le violoniste Delphin Alard et le violoncelliste Auguste Franchomme. Associé à Olivier Charlier et Henri Demarquette, Pikulski livre un jeu trop souvent raide et martelé, mais les trois musiciens n’en parviennent pas moins à mettre en valeur le caractère préschubertien de la partition.


Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les organisateurs ont pallié le manque d’éléments sur les sections chantées du concert de 1848 en offrant un panorama, en matière d’opéra et de mélodie, des goûts de Chopin et de son temps. L’air dévolu à Antonia Melina di Mendi, une nièce de Pauline Viardot, était ainsi remplacé par trois des six Ariette da camera (1829) de Bellini. La soprano y déploie de beaux phrasés malgré un médium quelque peu plantureux.


Pikulski enchaîne avec le premier des deux Nocturnes de l’opus 48 (1841), sans forcer sur le pathos, puis avec la Barcarolle (1846), dont on ne peut s’empêcher de se demander si Chopin la jouait avec une main gauche si mécanique et une absence totale de rubato.


Retour d’Olga Pasichnyk, avec une romance (Le Crépuscule, 1836) et une brillante cavatine (Ah! Rammenta, o bella Irene, 1831) de Donizetti, suivies par deux contributions plus substantielles mais tout aussi contrastées de Meyerbeer: De ma première amie (1837) et La Fille de l’air (1837).


Sur la première des Etudes de l’opus 25 (1836) telle que restituée par le compositeur, Schumann a laissé ce célèbre commentaire: «On se tromperait en pensant que Chopin faisait entendre nettement chaque petite note qu’on y voit. C’est plutôt une ondulation de l’accord de la bémol majeur, transportée par la pédale jusque dans le registre supérieur. A travers les harmonies, on percevait, en larges notes, la mélodie merveilleuse.» Pikulski la fait suivre de la dernière des Etudes de l’opus 10 (1831), plus précis que passionné dans cette Révolutionnaire: les spectateurs de l’époque y entendirent-ils la réaction de Chopin à l’annonce de la chute de Varsovie ou l’annonce d’événements qui, au demeurant, allaient le laisser bien plus sceptique. Pikulski conclut cette longue première partie par une remarquable Berceuse (1843/1845), mettant un toucher subtil au service de la sonorité du Pleyel, qui privilégie l’articulation sur le flou.


Quitte à se démarquer du programme original, la Sonate pour violoncelle et piano (1847), dont seuls les trois derniers mouvements furent effectivement créés au cours du concert de 1848, aurait pu retrouver son Allegro moderato initial. Cela étant, Henri Demarquette, sans jamais s’imposer en puissance, n’en fait pas moins preuve d’autorité et se montre généreux en effusions et portamenti.


Gustave Roger avait ensuite chanté un «air nouveau» de Robert le Diable (1831) de Meyerbeer, ce «grand opéra» que Chopin, à peine arrivé à Paris, avait pu admirer à la salle Le Peletier, et qui allait inspirer, dès l’année suivante, son Grand duo concertant pour violoncelle et piano, écrit en collaboration avec Franchomme: s’agissait-il de «Où me cacher?», inséré au début du deuxième acte pour la reprise parisienne de 1838? Toujours est-il que le ténor Tomasz Kuk se voit confier la ballade de Raimbaut «Jadis régnait en Normandie», extraite du premier acte, où, malgré un accent assez prononcé, il démontre la vaillance requise par ce morceau de bravoure.


C’est un triple bouquet de courtes pièces, par couples de tempéraments opposés, qui conclut cette commémoration: deux des Préludes (1839), en fa mineur et sol majeur, deux Mazurkas – opus 17 n° 4 (1833) et opus 24 n° 2 (1835) – et enfin les deux premières des trois Valses de l’opus 64 (1847) – en fait les ultimes pages que Chopin consacra au genre – dont une ut dièse mineur aux tempi par trop élastiques.


Le site de la Société Chopin



Simon Corley

 

 

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