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Véhémente protestation

Paris
Cité de la musique
11/19/2004 -  
Alban Berg : Sieben frühe Lieder
Hanns Eisler : Deutsche Sinfonie, opus 50

Sophie Koch (mezzo), Carolin Masur (alto), Eike Wilm Schulte (baryton), Kurt Rydl (basse), Jean-Louis Depoil, Francis Rodière (récitants)
Chœur de Radio France, Norbert Balatsch (chef de chœur invité), Orchestre philharmonique de Radio France, Eliahu Inbal (direction)


La suite du cycle «Richard Strauss. L’Ecole de Vienne» que propose actuellement la Cité de la musique était principalement consacrée à… Hanns Eisler. Soit, puisque Schönberg fut l’un de ses maîtres, et que d’autres élèves de la «trinité viennoise», aussi bien de Schönberg (Krenek, Gerhard, Ullmann) que de Webern (Hartmann, Wolpe) ou de Berg (Apostel), ont trouvé leur place dans la programmation menée en parallèle à l’exposition «Le Troisième Reich et la musique».


De toute façon, pas question de faire la fine bouche, puisque les occasions d’entendre la musique d’Eisler ne sont pas si fréquentes, et c’est un euphémisme, particulièrement lorsqu’il s’agit de son imposante Deutsche Sinfonie: travail de toute une vie, elle fut conçue en 1935 comme «Symphonie des camps de concentration», entièrement esquissée en 1938, orchestrée en 1947, mais elle reprend un mouvement d’une œuvre datant de 1930 et s’achève par un très bref épilogue écrit en 1957 en vue de la première, qui eut finalement lieu en 1959.


Communiste convaincu, fuyant le nazisme puis chassé des Etats-Unis par le maccarthysme, Eisler a trouvé refuge en République démocratique allemande, dont il composa l’hymne national. Il n’est donc pas surprenant que l’essentiel des textes de cette symphonie, confiés à un chœur mixte, à quatre solistes et, plus marginalement, à deux récitants (en l’espèce issus du chœur), soit dû à Brecht. Ses onze mouvements, qui dépassent tout juste l’heure, l’apparenteraient pleinement à une cantate ou à un oratorio – les deux morceaux chantés les plus développés s’intitulent d’ailleurs Cantate du paysan et Cantate du travailleur – si trois importantes Etudes pour orchestre ne venaient s’insérer dans son déroulement, notamment, en avant-dernière position, un Allegro très développé, dont l’écriture rappelle parfois le Schönberg des années 1930.


L’effectif, plus riche en cuivres (quatre cors, trois trompettes, quatre trombones et tuba) qu’en bois (par deux, à l’exception de trois bassons), sert cette véhémente protestation, dont l’unité stylistique a été préservée, malgré une gestation très longue et même si, au-delà de quelques citations (dont L’Internationale), quelques références s’imposent: la déclamation et l’objectivité cinglante de Weill, le contrepoint mat de Hindemith, les rythmes de marche et l’ironie de Mahler, le lyrisme poignant de Hartmann. Du point de vue expressif, malgré un propos brechtien dont la rhétorique marxiste et les présupposés historiques paraissent quelque peu datés, le libre usage du dodécaphonisme évoque aussi bien Dallapiccola que la Quatorzième symphonie de Chostakovitch, ainsi que le fait fort justement remarquer Harry Halbreich.


Sophie Koch et Eike Wilm Schulte se détachent du quatuor vocal, mais l’engagement de Carolin Masur et Kurt Rydl n’est pas moindre. Remarquablement préparé par Norbert Balatsch, le Chœur de Radio France porte également une grande part de ce succès, soutenu par un Orchestre philharmonique de Radio France toujours aussi à l’aise dans ce répertoire, sous la baguette éclairée d’Eliahu Inbal.


En première partie, dans les Sieben frühe Lieder de Berg – dont la conception fut également étalée sur de nombreuses années, le compositeur ayant révisé et orchestré en 1928 des mélodies de jeunesse (1905-1908) – Sophie Koch s’était vu offrir plus longuement la possibilité de confirmer un talent désormais bien établi, conjuguant puissance maîtrisée, intelligence du texte et confort du timbre, mis en valeur par un orchestre à la fois capiteux et transparent.



Simon Corley

 

 

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