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Badinguet

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/30/2004 -  
Ludwig van Beethoven : Concertos pour piano n°s 4, opus 58, et 5 «L’Empereur», opus 73

Evgueny Kissin (piano)
Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


Il faut sans doute se résigner à ce que le charisme de certains artistes demeure inexplicable: bouquets portés par des admiratrices, fleurs jetées depuis le premier balcon, Evgueny Kissin, depuis ses débuts précoces sous l’aile protectrice de Karajan, est de ceux qui fascinent le public. Il est vrai qu’il se mesure actuellement à un double défi: offrir les cinq concertos de Beethoven en deux soirées et répéter l’expérience dans un grand nombre de villes (Londres, Montpellier, Lisbonne, Paris, à nouveau Londres, Lucerne, Rome, Madrid, Vienne, Munich, Berlin, Toronto, Chicago) avec différents orchestres et chefs (Layer, C. Davis, Marriner, Latham-Koenig, L. Foster).


Pourquoi pas, car d’autres, même s’ils sont rares, l’ont déjà fait avant lui. Hormis la Fantaisie chorale (avec Claudio Abbado), il n’a cependant enregistré, à ce jour, que les Deuxième et Cinquième avec le Philharmonia orchestra dirigé par James Levine (Sony, 1997). Mais, pour ce second concert de l’intégrale parisienne (1), dans deux œuvres au tempérament pourtant on ne peut plus opposé, c’est l’incompréhension et la consternation qui l’emportent face au fourvoiement d’un tel talent dans les impasses d’une surprenante immaturité artistique.


Le talent, d’abord, car il est criant, même si, somme toute, il ne donne que rarement lieu à une démonstration de virtuosité: précision, clarté, doigts qui ne connaissent aucune faiblesse, le pianiste russe démontre, comme on pouvait s’y attendre, une maîtrise du clavier qui semble pouvoir lui autoriser toutes les couleurs, toutes les variétés de toucher, toutes les dynamiques, avec une exceptionnelle qualité de finition, par exemple dans les trilles.


Le contraste avec l’immaturité de l’interprétation n’en est que plus grand: précautionneux, surarticulé, comme si voulait flécher chaque note, il privilégie de manière erratique et souvent martelée les notes piquées et les sforzandi. Dans un curieux mélange de distance et de subjectivité, de froideur et d’imprévisibilité, la raideur mécanique n’est adoucie que par un usage immodéré du rubato et du ralenti expressif.


Dès lors, malgré un Vivace final capricieux à souhait, le Quatrième concerto (1806) est privé de son caractère intimiste, laissant trop peu de place à la poésie. Dans le Cinquième concerto (1810), plus extérieur et brillant, Kissin accentue le côté percussif, avec un Allegro ma non troppo final transformé en morceau de bravoure, comme un affreux gamin s’acharnant sur son jouet, d’une brutalité n’offrant que quelques concessions indignement salonardes: mais où diable est passé l’Empereur, ou bien est-ce de Badinguet qu’il s’agit? Seuls les mouvements lents, qui offrent moins de prise à ces travers, bénéficient d’une lecture simple et dépouillée.


L’Orchestre national de France, qui a déjà parcouru l’ensemble des symphonies au cours de sa première saison avec Masur (2002-2003), dispense un accompagnement plus honnête qu’imaginatif, quoique non exempt de décalages avec le soliste.


Comme toujours, Kissin sera généreux en bis – avec notamment le Rondo a capriccio «La Colère pour le sou perdu» (vers 1795), défiguré par un tempo effréné qui traduit davantage les trépignements d’un enfant gâté que l’ire du «Grand sourd» – concluant dans le même esprit par les Six écossaises en mi bémol (1806).


(1) En réalité, outre la Fantaise chorale (1808), une «véritable» intégrale inclurait également le Sixième concerto, réalisé par Beethoven lui-même à partir de son Concerto pour violon, mais aussi un ouvrage de jeunesse, le Concerto en mi bémol «n° 0» (1784), et un Rondo en si bémol (1795), première version du final du Deuxième concerto.



Simon Corley

 

 

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