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Un Don José étincelant!

New York
Met
09/21/2004 -  et les 24, 28 septembre, les 1, 6, 9*, 13*, 16, 19, 23, 27, 30 octobre et les 4, 9, 12 novembre
Georgres Bizet : Carmen
Olga Borodina/Marina Domashenko* (Carmen), Neil Shicoff (Don José), Ildar Abdrazakov (Escamillo), Hei-Kyung Hong (Micaëla), Sebastian Catana/Brian Davis* (Morales), Stephen West/James Courtney* (Zuniga), Alyson Cambridge/Jennifer Welch-Babidge* (Frasquita), Edyta Kulczak/Sandra Piques Eddy*(Mercédès), Jeff Mattsey (Le dancaïre), Tony Stevenson/Eduardo Valdes* (Le remendado)
Choeur et Orchestre du Metropolitan Opera
James Levine
Placido Domingo*
*13 octobre

Assister au Met à une représentation de Carmen est un véritable régal car tous les éléments purs du plaisir, scénique et vocal, sont présents: du cheval qui permet au ténor de faire une entrée spectaculaire au premier acte, jusqu’au duo final emporté par un engagement démesuré des deux rôles principaux. Certes tout n’est pas parfait mais l’ensemble permet de passer une merveilleuse soirée où il serait malvenu de bouder son bonheur!



La mise en scène de Franco Zeffirelli est d’un grand classicisme, certes, mais surtout elle est respectueuse de l’oeuvre et c’est ce que l’on pourrait appeler le miracle du Met. Pas d’accessoires hors de propos, pas de gestes déplacés, non, tout ici est finement amené et en accord avec l’oeuvre, ce qui devient presque impossible de trouver en Europe. Le fameux rideau doré de l’opéra laisse place à un rideau rouge magnifique, tout en dentelle, qui se lève sur un premier acte éblouissant, représentant la scène de la place de Séville. Les choristes mais aussi les figurants remplissent facilement le grand espace scénique et véritablement “chacun passe…chacun vient”. Le deuxième acte se déroule dans la taverne de Lillas Pastia et Franco Zeffirelli a véritablement reconstruit une sorte de caverne cachée avec des tables sur lesquelles peuvent facilement danser Carmen et ses amies et l’entrée d’Escamillo est également bien amenée car il arrive par le fond, de manière inattendue. Le troisième acte représente parfaitement les montagnes et les détails sont très précis car il ne faudrait pas oublier la petite neige qui tombe au fond du plateau. Enfin le dernier acte permet de renouer avec la place de Séville mais le coup de génie du metteur en scène est de laisser les deux personnages seuls sur scène pour leur explication finale, tandis qu’au loin on entend les éclats de voix pour la victoire d’Escamillo. En revanche le “c’est moi qui l’ai tuée, vous pouvez m’arrêter” sonne un peu faux car il n’y a personne, mais justement le drame en devient alors encore plus poignant puisqu’on sent peu à peu tomber Don José dans la folie. Et finalement à qui dit-il cette phrase si ce n’est à lui-même… Les costumes sont dans la plus pure tradition puisque Carmen porte, entre autres, une superbe robe rouge et des habits typiquement espagnols. Quant à Don José il est revêtu d’un costume de militaire bleu et jaune tandis qu’Escamillo rivalise de brillance avec ses habits noirs et surtout ses parures de toréador. Beaucoup de recherche dans les décors, les costumes pour approcher au plus prêt de la réalité.


La distribution est plus que convaincante à commencer par Neil Shicoff. Le chanteur connaît très bien le rôle de Don José et il lui apporte une douleur incroyable ainsi qu’un désespoir qui lui permet de si bien interpréter le dernier acte et le grand air de la fleur. S’il assure correctement la soirée du 9 octobre, avec de jolies couleurs, une belle prestance vocale, c’est vraiment à la soirée du 13 octobre, pourtant annoncé souffrant, qu’il incarne avec force, conviction et feu le personnage. Dès le début Don José souffre (ou plutôt le ténor souffre) et il utilise toutes les petites défaillances de son instrument pour les magnifier et les rendre encore plus dramatiques. Il distille l’air de la fleur avec une tendresse et une douleur incomparables et si ses aigus sont toujours aussi brillants et clairs, ils sont ici emprunts d’une petite faiblesse qui rend son air si émouvant. Bref, vive les chanteurs dits malades!
Olga Borodina chante la représentation du 9 octobre avec luxe et habileté. Mais ce n’est pas forcément une grande Carmen et son côté un peu statique enlève du charme à son interprétation. Toutefois sa voix grave et profonde confère de très jolies couleurs aux différents “la mort” du troisième acte et elle blanchit sa voix à l’extrême lorsqu’elle répond à Don José après son grand air “non, tu ne m’aimes pas” et peu à peu elle augmente le volume de sa voix, mais avec toujours autant de distance méprisante à l’encontre du héros. Marina Domashenko assure, quant à elle, la nouvelle série de représentations à partir du 13 octobre et se montre une Carmen beaucoup plus franche et plus engagée qu’Olga Borodina. La voix est peut-être moins somptueuse, encore que, mais elle a beaucoup réfléchi son personnage et elle le sent en elle sans en faire pour autant une Carmen vulgaire et aguicheuse à l’excès. Elle avance par petites touches et son “Près des remparts de Séville” est d’une grande douceur, une véritable scène de séduction. Cette chanteuse commence à promener sa Carmen un peu partout et elle sera, avant peu, une importante titulaire du rôle.
Ildar Abdrazakov campe un Escamillo classique avec une belle voix puissante et agile. Mais une grande personnalité ne transparaît pas vraiment au travers de sa voix même s’il tient plus que correctement sa partie. Il apporte de jolies nuances notamment dans son grand air quand il reprend avec beaucoup d’élégance le “ah, toréador…”.
Micaela est chantée par Hei-Kyung Hong qui ne ménage pas ses efforts dans son grand air au troisième acte. Elle le vit complètement et la musique et elle ne font plus qu’un surtout le soir du 13, comme si elle était transportée par la direction essentiellement musicale de Placido Domingo.
Les rôles plus secondaires sont parfaitement tenus à commencer par les deux contrebandiers de Jeff Mattsey et Eduardo Valdes (le 9) et de Tony Stevenson (le 13) et le quatuor du deuxième acte est un véritable feu d’artifice vocal avec une grande énergie de la part des chanteurs.
Le choeur d’enfants pose davantage de problèmes. Ayant assisté à deux représentations, on peut se dire que l’effet était voulu mais les voix criardes de ces tous jeunes enfants choquent quelque peu nos habitudes. Ils ont une excellente prononciation (en comparaison de certains chanteurs incompréhensibles) mais leurs voix, presque suraiguës, finissent par devenir un peu horripilantes. Mais il convient de souligner l’élégance du choeur du Met qui sait ce que legato veut dire notamment au début de l’opéra “propos d’amour”.


La direction de Placido Domingo est absolument surprenante. elle est élégante, douce, inspirée et surtout elle laisse une totale liberté aux chanteurs et ne cherche pas à s’imposer. On retrouve dans sa manière de diriger son style si legato, si humain et dès les premières notes on sait que le chef connaît la fin et qu’il va peu à peu amener tout son petit monde à une fin tragique. Quand Placido Domingo laissera sa voix dans les loges pour prendre la baguette, on pourra se consoler en retrouvant sa si belle esthétique dans sa direction. L’intermède avant le troisième acte est de toute beauté et s’inclut parfaitement dans l’oeuvre. James Levine fait également de la très belle musique, mais paradoxalement car il a dû le diriger plus que Placido Domingo, il laisse moins la musique se développer elle-même. En revanche dès les premières notes il privilégie l’aspect tragique et l’ouverture tourne à un mélodramatique très virulent. Il sait aussi faire monter le pression comme dans le début du deuxième acte et au cours de la représentation une certaine esthétique se met en place et contribue à rendre la soirée inoubliable tant elle dense de rebondissements, non pas dramatiques mais musicaux.



Une bien belle soirée comme on en rêverait tant en Europe puisqu’aucune aberration scénique ne vient troubler la musique de Bizet qui, si elle n’est pas forcément défendue par les meilleurs chanteurs actuels de l’oeuvre (Neil Shicoff excepté), retrouve toutes ses lettres de noblesse et surtout elle a le droit d’exister en soi. Luxe qui devient rare de nos jours…




A noter:
- Marina Domashenko réendossera la costume de Carmen pour une nouvelle production au Staatsoper de Berlin du 4 au 26 décembre 2004 et les 20, 23 mars 2005 où elle sera en compagnie de Rolando Villazon (prise de rôle) et de Daniel Barenboïm.
- Neil Shicoff sera à la Bastille à Paris pour Il Trovatore du 3 au 21 décembre 2004 sauf le 10.


Manon Ardouin

 

 

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