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Le gang des tousseurs a encore frappé

Paris
Auditorium du Louvre
10/13/2004 -  
Ludwig van Beethoven : Quatuors n°s 7, opus 59 n° 1, et 11 «Serioso», opus 95
Igor Stravinski : Concertino – Double canon (Raoul Dufy in memoriam) – Trois pièces

Quatuor Ysaÿe: Guillaume Sutre, Luc-Marie Aguera (violon), Miguel da Silva (alto), François Salque (violoncelle)


Dans la série de concerts qu’il consacre tout au long de sa saison au quatuor, l’Auditorium du Louvre accueillait les Ysaÿe dans un programme confrontant de façon assez inattendue Beethoven et Stravinski: car autant le premier a illustré le genre en qualité et en quantité, au point d’en marquer l’évolution jusqu’à nos jours, autant le second, dans une production de musique de chambre assez restreinte et quelque peu restée dans l’ombre, s’est fort peu intéressé à une formation qu’il considérait peut-être comme trop emblématique du romantisme et du XIXe siècle.


Les Ysaÿe font du Onzième quatuor «Serioso» (1810) un antécédent direct des œuvres de la période ultime, qu’il précède pourtant de quinze ans. Leur lecture abrupte, sensible dès une première phrase «coup de poing», sauvage et poli(cé)e, allante et transparente, accusant les contrastes, magnifie les aspects combatifs du discours beethovénien et combine paradoxalement une importante prise de risque (coda du dernier mouvement) avec une tenue de tous les instants. Seul l’Allegretto ma non troppo réserve un répit, où l’émotion naît d’une intense concentration.


L’intermède stravinskien – présentant en fait l’intégrale de son catalogue pour quatuor, soit un quart d’heure! – sera cinglant: un irrésistible Concertino (1920), rugueux à souhait, servi par une mise en place d’une sûreté époustouflante, dans un esprit réjouissant et provocateur; au centre, le bref Double canon (Raoul Dufy in memoriam) (1959), à la fois didactique et expressif; enfin, les Trois pièces (1914), dans la même veine, caustique et laconique, que le Concertino, entre Satie et Webern, mais avec cet ultime Cantique traversé de réminiscences du Dies irae, dont les musiciens traduisent parfaitement la glaciation progressive.


Fait suffisamment rare pour devoir être signalé, le déluge de toux aura été tel durant les Trois pièces de Stravinski qu’une annonce est diffusée en début de seconde partie afin de tenter de ramener à la raison les quelques spectateurs qui avaient gâché ce moment, un comportement que Miguel da Silva ne pourra s’empêcher, dans ses remerciements au public en fin de soirée, d’épingler avec humour.


Retour à Beethoven et son Septième quatuor (1806), avec ce même mélange de rigueur et d’inventivité qu’en première partie: vifs sans être précipités, les tempi refusent le caractère parfois intimidant de cette gigantesque partition, qui est au quatuor ce que l’Héroïque est à la symphonie. Cette approche dynamique, aux accents bien marqués, privilégie les surprises et la dimension ludique du texte, très travaillé et maîtrisé, mais sans le moindre soupçon de froideur ou de distance. Plus particulièrement dans l’Adagio molto e mesto, d’une grande pureté, presque dépouillé, le refus du négligé, de l’effet facile et de l’esbroufe prend valeur de manifeste. Nulle ascèse pour autant, car si la sonorité n’est jamais une fin en soi, la qualité instrumentale, conjuguant perfection individuelle, clarté de la polyphonie et cohésion d’ensemble, est telle qu’il serait injuste de tenter d’établir une distinction entre les voix de l’avant (Guillaume Sutre au premier violon et François Salque au violoncelle) et la charnière centrale (Luc-Marie Aguera au second violon et Miguel da Silva à l’alto).


Et les Ysaÿe concluent par le même bis que pour leurs vingt ans au Théâtre de la Ville en mars dernier (voir ici), l’Adagio molto du Troisième quatuor (1842) de Schumann – un compositeur dont ils ont enregistré l’intégrale (voir ici) – démontrant ici qu’ils savent également laisser le cœur s’épancher librement.



Simon Corley

 

 

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