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Une vie de héros

Paris
Opéra Bastille
09/24/2004 -  
Richard Wagner : Tannhäuser (Ouverture et Bacchanale) – Wesendonck-Lieder (orchestration Mottl et Wagner)
Richard Strauss : Ein Heldenleben, opus 40

Dagmar Peckova (mezzo)
Chœur de l’Opéra national de Paris, Peter Burian (chef des chœurs)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Georges Prêtre (direction)


Parmi les concerts qui marquent, tout au long de l’année, les quatre-vingts ans de Georges Prêtre, celui qu’il donnait à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris revêtait une signification particulière, tant il n’a cessé d’entretenir une relation aussi privilégiée que tumultueuse avec cette prestigieuse maison où il apparut pour la première fois en 1960, dont il fut le «directeur de la musique» (1966-1971), pour laquelle il assura l’inauguration de Bastille (13 juillet 1989) et où il vint également se produire à l’occasion de ses soixante-dix ans (25 novembre 1994).


C’est d’ailleurs l’opéra qui était en filigrane du programme à la fois copieux et cohérent qu’il avait choisi pour sa venue dans la capitale: une ouverture (celle de Tannhäuser) dans sa version destinée précisément à l’Opéra de Paris, un cycle de mélodies (les Wesendonck-Lieder) dont deux constituent une première esquisse de Tristan et un poème symphonique (Une Vie de héros) dont le caractère descriptif et dramatique tend vers le théâtre, en même temps qu’il cite des thèmes d’ouvrages lyriques de R. Strauss, mais aussi, plus furtivement, de Wagner.


Le chef français, malgré une gestuelle et des mimiques théâtrales qui entraînent parfois de légers décalages et des attaques imprécises, traduit sobrement l’ouverture de Tannhäuser de Wagner, accompagnée de sa Bacchanale, et ce, contre toute attente, après une prestation beaucoup plus contestable, voici à peine plus d’un mois, à Salzbourg avec la Philharmonie de Vienne. La coda, où il fait intervenir un chœur de femmes derrière la scène, s’étire avec sensualité, comme si la musique ne voulait pas s’éteindre.


Autre aperçu de la passion avec les Wesendonck-Lieder (1858), dont le caractère intimiste se perd quelque peu dans l’immensité de la salle. Dagmar Peckova, entre deux représentations de Pelléas et Mélisande (voir ici), semble, partition en main, rejouer son personnage de Geneviève, lorsque celle-ci lit la lettre de Golaud. Introduisant une certaine distance, la mezzo tchèque, un peu contrainte dans le grave, reste sur son quant-à-soi. Il est vrai que Prêtre, qui a abandonné sa baguette, ne lui facilite pas la tâche en adoptant des tempi globalement retenus, même s’il délivre un accompagnement finement ouvragé.


En début de seconde partie, Gérard Mortier, faisant référence à leur appartenance commune aux «gens du Nord» et soulignant la «sincérité» de celui qui naquit un 14 août 1924 à Waziers (non loin de Douai), le remercie en lui offrant une lettre originale de Berlioz. Complétant cette soirée entièrement germanique, véritable défi à ceux qui l’ont si souvent présenté comme «chef de la Callas» ou «spécialiste de Poulenc», cantonné de ce fait à la scène ou au répertoire français, il se lance (par cœur) dans ce véritable manifeste autobiographique qu’est Une Vie de héros (1898) de Richard Strauss. Comment en effet ne pas établir, dans le cadre d’un tel hommage, un parallèle entre Georges Prêtre et les six épisodes de l’œuvre: le héros (de la célébration), ses adversaires (sus-évoqués), sa compagne (Gina, qu’il a épousée il y a cinquante-quatre ans), ses combats (en tant que pratiquant des arts martiaux), ses «œuvres de paix» (avec les plus grandes formations) et – à défaut, fort heureusement, de retraite – son accomplissement (une ovation debout)?


On pouvait craindre que l’identification de l’interprète conjuguée au narcissisme du compositeur ne conduisent à un résultat hasardeux. Mais bien loin de laisser libre cours à une inspiration débridée, Prêtre, qui, pour ses débuts à l’Opéra comique en 1956, avait dirigé la création française de Capriccio, maîtrise le flux et le reflux des vagues sonores, notamment dans une bataille à la progression bien ordonnée. Préférant l’ampleur à l’élan (quarante-neuf minutes), il étire le discours avec un hédonisme qu’autorise la splendeur de l’orchestration straussienne, servie par le somptueux instrument qu’est l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, à commencer par le violon tour à tour fin et langoureux, capricieux et capiteux, de Maxime Tholance.


La fin de la fête sera hélas gâchée par le bis, une Première danse hongroise de Brahms noyée sous les effets et défigurée par des variations de tempo, au sens propre de ces deux qualificatifs, insensées et vertigineuses. Mais Georges Prêtre sera dès le 27 novembre prochain au Théâtre des Champs-Elysées pour un gala avec l’Orchestre national de France et, nous promet-on, des «invités surprises».



Simon Corley

 

 

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