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Opus tardifs transfigurés

Montreal
Pollack Hall
09/19/2004 -  

Joseph Haydn : Sonate en mi bémol majeur, Hob. XVI : 52
Ludwig van Beethoven : Sonate no. 32 en do mineur, op. 111; Variations sur “God Save the King” en do majeur, WoO 78
Johannes Brahms : Klavierstucke, op. 118



Dejan Lazic (piano)



Menant une carrière passablement active en Europe, le jeune pianiste Dejan Lazic est beaucoup moins connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Il s’était cependant produit à quelques reprises au Québec de par le passé, mais cette fois c’est le Ladies’ Morning Musical Club, plus ancienne institution musicale montréalaise, qui lui faisait l’honneur d’ouvrir sa saison annuelle de dix récitals. Le programme est superbement construit, puisant au répertoire tardif de trois grands maîtres germaniques, et interpolant entre les offrandes sublimes de deux des trois «B», un rare groupe de variations rendu avec beaucoup d’humour.


Humour, c’est peut-être là un des mots d’ordre de ce très beau concert, en ce qui concerne Haydn et Beethoven du moins. Le pianiste fait montre, dès les premières mesures de la grande sonate en mi bémol, d’un jeu superbement organique, plastique, pianistique dans le sens essentiellement instrumental du terme, et qui semble tendre à rejoindre jusqu’à un certain point les préoccupations parfois stupéfiantes d’un Brendel pour ce traitement burlesque et spirituel du «second degré d’abstraction» musical. C’est Stravinsky qui écrivait que la musique pour piano de Haydn, de par la nature même de sa facture, «ontologiquement musicale», et en laquelle il ne voyait pas d’éléments extérieurs, littéraires ou autres, était (malheureusement) demeurée dans l’ombre de celle de Mozart. Cette audition nous donne bien le goût d’acquiescer, et il faut entendre ces incroyables appels de cor dans le premier mouvement, qui prennent sous les doigts de Monsieur Lazic de véritables airs de noble moquerie.


Humour dans l’opus 111 de Beethoven ? On pourrait être perplexe, mais ici l’envers du sublime prend la place d’un sel exquis, d’un merveilleux apaisement consommé à la fin d’un grand voyage intérieur. L’interprétation du visiteur force la réflexion, et au final c’est dans un état de transfiguration extatique que l’on se laisse glisser. Humour chez Brahms ? Tout de même pas. Le pénultième cycle de miniatures pour piano que constitue l’opus 118 contient des pages appelant à un recueillement, une introspection et une véritable cristallisation dans le temps et l’espace du monologue intime de son géniteur, lesquels attributs ne firent ici aucunement défaut. Globalement, on eût pu être dérangé par l’investissement physique très remarquable du pianiste, par ses mimiques souvent élaborées, par sa manipulation occasionnellement questionnable, d’un point de vue strictement textuel, de certains tempi, mais en regard de tant de bienfaits purement musicaux, ces récriminations sont de la dernière importance. On ne peut que souhaiter l’entendre à nouveau.



Renaud Loranger

 

 

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