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Perfection et saveur Paris Théâtre du Châtelet 06/07/2004 - Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 16, opus 31 n° 1
Robert Schumann : Fantasiestücke, opus 12
Johannes Brahms : Variations et fugue sur un thème de Haendel, opus 24
Murray Perahia (piano)
Murray Perahia est l’un des rares artistes à pouvoir remplir le Châtelet sur son seul nom, comme le montrait à nouveau ce récital produit par Piano ****, au programme soigneusement construit autour de trois générations de compositeurs allemands. Il y a démontré, une fois de plus, sa capacité à donner une prestation qui, pour approcher autant que faire se peut la perfection, ne fut pourtant nullement dépourvue de saveur.
Dès la Seizième sonate (1802) de Beethoven, la clarté de l’articulation, la précision du jeu, la vivacité bondissante, la subtilité de toucher et l’esprit réjouissant rappellent ce qu’obtenait Horowitz dans Scarlatti. Parcimonieux dans son recours à la pédale, le pianiste américain opte ainsi pour une approche plus haydnienne que romantique, notamment dans un Adagio grazioso aux phrasés et à l’humour miraculeux.
Perahia a ensuite choisi les huit Fantasiestücke de l’opus 12 (1837) de Schumann. Poétique mais dépourvue de folie, son approche très contrôlée ne rend sans doute pas toujours justice à l’ironie ou aux tourments du compositeur. Cela dit, l’éventail technique stupéfiant qui est ici déployé, associé à un piano qui sait être beau sans se faire seulement joli, suffit déjà à susciter l’admiration, qu’il s’agisse de l’agilité et de la légèreté, certes plus mendelssohniennes que schumaniennes, de Fabel et Traumeswirren) ou de la plénitude sonore de Ende vom Lied.
De Schumann à Brahms, la filiation est à la fois manifeste et consciente. Sans être l’un des champions d’athlétisme dans sa catégorie, Perahia possède évidemment les moyens requis pour s’attaquer aux redoutables Variations et fugue sur un thème de Haendel (1861). Dans cet hommage à la musique baroque, son expérience de ce répertoire, plus particulièrement au travers de Bach, apporte manifestement une plus-value à son discours, mais il ne renonce pas pour autant à offrir un formidable kaléidoscope pianistique, d’une virtuosité jubilatoire et pétillante.
En bis, le Deuxième impromptu (1827) de l’opus 90 (D. 899) de Schubert nous ramène à un autre compositeur d’élection de Perahia: effleuré à une vitesse vertigineuse, le célèbre chapelet de triolets de croches contraste avec les sections centrale et conclusive, d’une violence à laquelle il ne nous avait pas habitués.
Il faut enfin signaler que dans un mois de juin d’une richesse et d’une densité impressionnantes, Piano **** accueillera, toujours au Châtelet, Alfred Brendel (le 15) puis Maurizio Pollini (le 23).
Simon Corley
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