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Quand Rameau déchaîne la tempête Lyon
Opéra National
05/09/2004 - et les 9, 11, 13, 15, 17 et 19 mai 2004
Jean-Philippe Rameau : les Boréades
Mireille Delunsch (Alphise), Paul Agnew (Abaris), Tom Allen (Calisis), Marcel Boone (Borilée), Stéphane Degout (Adamas), Magali Léger (Sémire, la Nymphe), François Lis (Borée), Thomas Dolié (Apollon), Malia bendi Merad (Polymnie, l'Amour). Musiciens du Louvre-Grenoble, Orchestre et Choeurs de l'Opéra de Lyon, dir. Marc Minkowski. Danseurs du Nouveau Studio de l'Opéra de Lyon. Décors : Chantal Thomas. Mise en scène et costumes : Laurent Pelly. Il a fallu attendre cent ans pour que le dernier opéra de Rameau, qui n’a jamais été si inventif, soit enfin offert au public... en concert, la création scénique devant attendre 1982, notamment à cause de problèmes liés à l’édition de la partition. En 1763, un an avant la mort de Rameau, l’œuvre avait été répétée deux fois, puis retirée de l’affiche. Les Boréades, il est vrai, avait de quoi déplaire. Car ce n’est pas seulement une histoire d’amour et de flèche magique où le redoutable Borée déchaîne ses tempêtes. Le vent qui y souffle est aussi celui de ce « bien suprême » qu’est la liberté : l’héroïne, Alphise, préfère renoncer au trône, quitte à affronter la torture, plutôt que d’aller contre la voix de l’amour. Un opéra politique ? Probablement. Mais aussi une fête, où règnent « les jeux, l’amour et le plaisir ».
A Lyon, Marc Minkowski est le maître des vents. Vivante et précise, sa direction témoigne d’un travail en profondeur sur la partition, qu’il prend à bras le corps, galvanisant un ensemble où ses Musiciens du Louvre-Grenoble ont fini par faire bon ménage avec leurs collègues de l’Opéra de Lyon. Rien d’empesé, bien au contraire, dans ces Boréades où l’on ne voit guère le temps passer. On regrette seulement que l’acoustique de la salle, une fois de plus, assèche désagréablement les timbres de l’orchestre et ne rende guère justice à l’instrumentation de Rameau.
Globalement, la distribution satisfait, sans toujours combler les attentes. Egale à elle-même dans le rôle assez virtuose d’Alphise, c’est-à-dire exemplaire de musicalité et de raffinement, Mireille Delunsch nous avait pourtant habitués à une articulation plus précise et plus égale. Pour un peu, on lui préférerait Magali Léger, qui pourrait fort bien passer de Sémire à Alphise. Déception, en revanche, du côté de l’Abaris de Paul Agnew, très subtilement nuancé, mais desservi par une voix trop blanche et une émission trop en arrière. Il doit donc s’incliner devant l’autre haute-contre de l’opéra, le Calisis de Tom Allen, aussi remarquable dans l’élégie que dans l’invitation débridée au plaisir. Du côté des voix graves, c’est surtout l’Adamas de Stéphane Degout qu’on retiendra, d’une grandeur en tout point conforme à l’esprit de la tragédie lyrique, notamment par la noblesse de la déclamation.
Si l’on est donc plutôt satisfait de ce qu’on entend, ce que l’on voit est un total ratage, tant Laurent Pelly s’est ici fourvoyé. Le décor et les costumes sont tristes à mourir, avec ces panneaux tournant mollement ou, au dernier acte, ce ventilateur géant qui ressemble à une hélice et nous ferait croire qu’on se trouve dans un chantier naval. La chorégraphie aurait plutôt sa place dans une salle de gymnastique et les danseurs du Nouveau Studio de l’Opéra de Lyon ont parfois du mal à coordonner leurs mouvements. Quant à la mise en scène proprement dite, on la cherche en vain, au-delà de ces gestes d’une grandiloquence artificielle – pour faire baroque ? - dont on se lasse très vite. La dimension festive, la dimension politique, tout semble échapper au metteur en scène, qui avait pourtant si bien réussi Platée. Sans doute est-il plus à l’aise dans les œuvres légères. Le dernier chef d’oeuvre de Rameau, en tout cas, méritait autre chose.
Didier van Moere
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