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Louise attaque

Paris
Musée d’Orsay
05/06/2004 -  
Louise Farrenc : Sextuor, opus 40 – Quintette avec piano n° 1, opus 30 – Nonette, opus 38

Quintette Moraguès: Michel Moraguès (flûte), David Walter (hautbois), Pascal Moraguès (clarinette), Patrick Vilaire (basson), Pierre Moraguès (cor) – Membres du Quatuor Sine Nomine: Patrick Grenet (violon), Hans Egidi (alto), Marc Jaermann (violoncelle) – Benjamin Berlioz (contrebasse) – Claire Désert (piano)


Dans le cadre d’un cycle consacré jusqu’au 18 mai prochain aux femmes musiciennes et qui couvre près de deux siècles (depuis Fanny Mendelssohn et Clara Schumann jusqu’à Graciane Finzi et Kaija Saariaho, en passant par Cécile Chaminade, Alma Mahler, Nadia Boulanger et Sofia Goubaïdoulina), le Musée d’Orsay avait réservé un programme entier à Louise Farrenc (1804-1875). Redécouverte ces dernières années grâce aux efforts entrepris aussi bien à l’égard des textes mêmes (une édition critique en cours) qu’en matière discographique (notamment une intégrale remarquée de ses trois symphonies), elle se signale tout particulièrement dans l’histoire de la musique française par une riche production de musique de chambre, en outre souvent destinée à des formations inhabituelles, à l’image des trois partitions retenues pour ce concert.


Si elle née quelques mois après Berlioz, Farrenc n’affiche pas la même ambition révolutionnaire. Chez elle, les formes obéissent ainsi aux schémas classiques: allegros avec reprise (dûment respectée par les interprètes, au demeurant) et deux thèmes bien contrastés; mouvements lents de forme lied ou à variations; scherzos avec trio central. De même, les éléments constitutifs de son langage rappellent-ils bon nombre de ses contemporains germaniques, sans que l’on puisse parler pour autant de pâle copie. Car les qualités contrapuntiques, harmoniques, rythmiques et mélodiques de ses meilleures pages, pourtant écrites pour des effectifs assez peu pratiqués et à l’équilibre délicat, s’imposent sans peine. Surtout, le propos s’évade généralement du tout-venant superficiel et décoratif de son époque, comme en témoigne par exemple une prédilection pour les tonalités mineures (deux des trois œuvres programmées commencent et s’achèvent en mineur).


Il n’est pas étonnant que Farrenc, pianiste virtuose, mariée à un flûtiste et formée par Reicha, un maître des instruments à vent, ait composé, bien avant Poulenc, un Sextuor (1852) associant au piano le traditionnel quintette à vents (flûte, hautbois, clarinette, basson et cor). Si la partie de piano est exigeante (gammes, arpèges, ...), il ne s’agit nullement d’un concerto que les vents se limiteraient à accompagner. Difficile toutefois de ne pas s’interroger sur la qualité de l’inspiration tout au long des trois mouvements: en effet, les tournures empruntées à Beethoven ou Weber ne parviennent pas toujours à masquer un manque d’élan, de telle sorte la machine donne le sentiment de tourner à vide, avec ses mélodies sans surprises et un romantisme bien tempéré, un rien académique, si l’on excepte un bel Andante sostenuto, d’esprit mozartien, mais dont la partie centrale (à nouveau en mineur) se révèle d’une noirceur surprenante.


Le Premier quintette (1840) est probablement inspiré, s’agissant de son instrumentarium (violon, alto, violoncelle, contrebasse et piano), par ceux de Hummel et Schubert. Le piano y tient une place encore plus importante que dans le Sextuor, sans toutefois tirer toute la couverture à lui. Mais ce qui frappe dans ce sombre la mineur, c’est un élan intérieur qui faisait davantage défaut au Sextuor, pourtant défendu avec enthousiasme par Claire Désert et le Quintette Moraguès. Dans un geste beethovénien ou brahmsien, le torrent de l’Allegro initial débouche, in extremis et de façon inattendue, sur une envolée en majeur. Quant au répit apporté par l’Adagio non troppo, s’il permet l’épanchement du lyrisme intimiste des cordes (trois membres du Quatuor Sine Nomine et le contrebassiste Benjamin Berlioz), il est contredit, lui aussi, par une partie centrale en mineur. Le bref Scherzo est d’une énergie toute beethovénienne, tandis que l’Allegro final, fiévreux à la manière d’un Schumann, se conclut dans une sorte de résignation marquée, pianissimo, par trois la à l’unisson des cordes en pizzicato et du piano.


Sans doute plus renommé que les deux œuvres proposées en première partie, le Nonette (1849) avait déjà été joué à Radio France voici deux ans (voir ici) par le Quintette Moraguès et le Quatuor Ysaÿe (également dans une série de manifestations autour des femmes compositeurs, comme si celles-ci ne pouvaient exister que dans une sorte de ghetto). Faisant appel à la même nomenclature que celui de Spohr (quintette à vents, violon, alto, violoncelle et contrebasse), ce Nonette fournit ici la belle occasion d’une rencontre entre les Moraguès et les Sine Nomine, deux ensembles qui, nés au début des années 1980, sont aujourd’hui en pleine possession de leurs moyens. D’humeur plus schubertienne que le Premier quintette ou le Sextuor, il comporte toutefois un court Scherzo de tonalité mineure, qui, par ses timbres et son climat farouche, semble appeler l’orchestre. Les mouvements extrêmes sont chacun précédés d’une introduction lente, l’Allegro initial ménageant une cadence au premier violon, partie qui fut d’ailleurs tenue, lors de la création, par le jeune Joseph Joachim. Le mouvement lent consiste en un thème Andante con moto, suivi de cinq variations, la traditionnelle variation mineure venant ici en quatrième position.


L’engagement compensant largement quelques petits défauts de mise en place, les musiciens ont amplement rendu justice à Louise Farrenc, à la grande satisfaction du public, hélas venu bien trop peu nombreux, peut-être rebuté par la perspective d’un concert monographique dédié à un compositeur encore peu connu. Dommage pour les artistes et tant pis pour les absents... qui se verront cependant offrir une seconde chance avec la diffusion de cette soirée le mois prochain sur France Musiques.



Simon Corley

 

 

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