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Et si elles savaient déjà tout?

Salzburg
Grosses Festspielhaus
04/03/2004 -  et le 12* avril 2004
Wolfgang Amadeus Mozart: Così fan tutte
Cecilia Bartoli (Fiordiligi), Magdalena Kozena (Dorabella), Barbara Bonney (Despina), Kurt Streit (Ferrando), Gerald Finley (Guglielmo), Thomas Allen (Don Alfonso)
European Voices (Simon Halsey, préparation), Orchestre Philharmonique de Berlin, Simon Rattle (direction musicale), Ursel et Karl-Ernst Herrmann (mise en scène)

Dans la nouvelle mise en scène de Cosi fan tutte du festival de Pâques de Salzbourg, signée Ursel et Karl-Ernst Herrmann, tout commence par un rassemblement du chœur, qui est instruit par Don Alfonso des événements allant se dérouler sur scène et qui sera donc en quelque sorte spectateur de l’opéra. Théâtre dans le théâtre, mais les Herrmann, c’est bien connu, ont plus d’une idée dans leur sac: Guglielmo et Ferrando sont des amis qui aiment rivaliser, que ce soit en sport (au cours de parties de badminton et de combats d’escrime) ou en amour. Quoi de plus naturel alors, qu’à l’instigation de leur maître d’armes, ils parient sur la fidélité de leurs fiancées? Mais voilà, celles-ci surprennent leur conversation et savent donc tout dès le début. Cette conception de l’œuvre paraît à priori fondée - elle est en tout cas systématiquement développée de bout en bout du spectacle -, mais elle se trouve bien souvent en contradiction avec le livret. Pourquoi en effet, pour ne prendre qu’un seul exemple, les deux sœurs se concerteraient-elles pour savoir sur qui chacune d’entre elles jettera son dévolu (Prenderò quel brunettino…)? Quoi qu’il en soit, à défaut d’être totalement crédible, l’idée est intéressante puisque Fiordiligi et Dorabella ne sont plus des victimes, mais participent pleinement au jeu de l’échange.

Un échange qui, pour la première fois à Salzbourg, a lieu sur l’immense scène du Grosses Festspielhaus. Qui plus est, sur un plateau totalement vide, à l’exception d’un gros caillou en forme d’œuf, d’un parasol et de quelques paravents. Un décor unique donc, qui fait tour à tour office de lieu de promenade, de chambre, de plage et de parc, au gré de subtils jeux de lumières. Ce minimalisme permet aussi au public de se concentrer pleinement sur le jeu des personnages. Et à aucun moment ne se vérifie la crainte que tout aurait pu être noyé dans le gigantisme des dimensions. Les Herrmann n’ont peut-être pas convaincu tout le monde par leurs idées (les huées ont été nombreuses le soir de la première), mais force est de leur reconnaître un très grand professionnalisme.

Sur le plan vocal, cette production était très attendue en raison surtout de la présence de deux stars qui se retrouvaient pour la première fois réunies sur une même scène: Cecilia Bartoli et Magdalena Kozena. Comme à son habitude, la première a parfois tendance à en faire trop, mais il faut bien avouer qu’elle possède un sacré tempérament, en rien diminué malgré un pied fracturé lors d’une répétition. Parfaitement à son aise dans les vocalises et la tessiture de Fiordiligi, elle fait littéralement délirer les spectateurs grâce à des pianissimi ensorcelants. La seconde séduit par la sensualité de son timbre et les nuances chatoyantes de son grave. Scéniquement, sa Dorabella apparaît plus intériorisée que sa sœur. Bonheur suprême cependant, malgré deux caractères opposés, les voix se marient à merveille! Thomas Allen vient compléter idéalement ce duo de choc. Son expérience du rôle, alliée à une voix toujours aussi claire et percutante, fait de lui un Don Alfonso cynique à souhait, gardant toujours une distance avec les événements qu’il a contribué à provoquer. Les deux amoureux sont eux un peu en retrait. Le Guglielmo de Gerald Finley convainc par la profondeur et la vaillance de sa basse, mais le personnage semble peu présent. Kurt Streit malmène malheureusement le célèbre air de Ferrando en raison de problèmes d’intonation dans les aigus. Quant à Barbara Bonney en Despina, elle est tout simplement indigne de Salzbourg: les quelques bribes perçues ça et là de son chant (d’accord, les distances sont énormes, on l’a dit, mais cela n’excuse pas tout!) sont rendues incompréhensibles par un italien épouvantable.

Dans la fosse, Simon Rattle officie à la tête d’un Philharmonique de Berlin en effectif réduit. S’il apparaît d’emblée évident que Mozart n’est pas le compositeur le plus souvent joué par les musiciens (des décalages gênants entre les pupitres viennent nous le rappeler), la direction tendue et vive du chef britannique séduit, d’autant qu’elle s’accompagne d’un souci du détail et de la transparence, où chaque intervention musicale est clairement mise en évidence. D’aucuns ont regretté la rutilance sonore de la Philharmonie de Vienne. Le spectacle sera proposé en version concertante pour deux soirs à Berlin, avant d’être repris cet été à Salzbourg, avec une distribution entièrement différente, sous la baguette cette fois de Philippe Jordan.



Claudio Poloni

 

 

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