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Un grand moment d'émotion

Bruxelles
La Monnaie
03/07/2004 -  et les 2, 4, 5, 9, 11, 12, 14, 16 mars 2004
Benjamin Britten:Peter Grimes
Michael Myers/Albert Bonnema [4,11,16] (Peter Grimes), Solveig Kringelborn/Hélène Bernardy [4,11] (Ellen Orford), Terje Stensvold (Captain Balstrode), Anne Collins (Auntie), Mary Hagerty (First Niece), Sophie Karthäuser (Second Niece), Ian Caley (Bob Boles), Davis Wilson-Johnson (Swallow), Sarah Walker (Mrs. Sedley), Arild Helleland (Rev. Horace Adams), Daniel Broad (Ned Keene), Brian Bannatyne-Scott (Hobson), Stéphane Oertli (Dr.Crabbe), Alex Schiphorst (John, the boy), Bernard Giovani (1st & 4th Burgess), Marc Coulon (3rd & 5th Burgess), Bernard Villiers (2nd & 6th Burgess), René Laryea ( A Fisherman), Marta Beretta (A Fisherwoman), André Grégoire (A Lawyer), Maryvonne Deprez (soprano solo)
Willy Decker (mise en scène), François DeCarpentries (reprise de la mise en scène), John Macfarlane (décors et costumes) Max Keller (éclairages originaux), Robert Brasseur (reprise des éclairages), Stefan Poprawka (dramaturgie), Athol Farmer (chorégraphie), Renato Balsadonna (chef des chœurs),
Orchestre Symphonique et Chœurs de la Monnaie, Kazushi Ono (direction musicale)
Production du Théâtre Royal de la Monnaie. Reprise (1994)

Cette production du chef d’œuvre de Benjamin Britten est désormais un pilier du répertoire du Théâtre de la Monnaie où elle est reprise ici pour la deuxième fois après avoir voyagé dans d’autres théâtres (Bilbao la reçoit juste après et elle clôturera la saison du Covent Garden de Londres). La Monnaie est une maison qui sait créer l’événement (par exemple la reprise prochaine de l’Eliogabalo de Cavalli par les forces de René Jacobs) mais elle se caractérise aussi par le soin très sérieux avec lequel les reprises sont assurées. En l’absence de Willy Decker le metteur en scène qui avait réussi une caractérisation bouleversante du drame de Peter, c’est François DeCarpentries qui est lui-même un metteur en scène ayant une certaine expérience qui s’est chargé de la reprise. Le résultat est remarquable : dans ces décors inoubliables de John MacFarlane évocateurs du sordide, de l’enfermement, de l’espoir parfois possible, dans des couleurs le plus souvent sombres mais parfois ouvertes sur des teintes plus vives, la direction des acteurs-chanteurs n’a rien perdu de sa force et vise à l’essentiel comme une évidence ; cette mise en scène se fait oublier tant elle colle à la trame de l’œuvre qu’elle illustre par une caractérisation idéalement concordante avec les intentions de Britten.
Les interprètes n’y sont pas étrangers : à commencer par le sombre et torturé Peter de Michael Myers (remplaçant Richard Margison), absolument parfait de présence et de voix. Solveig Kringelborn est une Ellen particulièrement touchante, très insistante sur son ambivalence dans sa relation avec Peter. On goutte par ailleurs à cette voix corsée, au médium d’une rare consistante. Terje Stensvold est une grande révélation dans le rôle clef du Captain Balstrode, surtout à la fin de l’œuvre où l’importance de ce rôle se révèle. Tous les rôles secondaires sans exception sont tenus avec évidence ; on notera le moment magique du quatuor des femmes (Ellen, Auntie, les Nièces).
Les Chœurs de la Monnaie sont irréprochables, maîtrisant au fil des reprises cette œuvre aussi bien sur un plan musical que dans les mouvements demandés par le metteur en scène.
Enfin la direction de Kazushi Ono nous permet de constater l’affinité du directeur musical de la Monnaie avec ce répertoire : il trouve à chaque instant le ton juste, la souplesse et un sens des nuances exceptionnel traverse sa vision de la partition de la première à la dernière note d’une œuvre dont on ne se lasse pas.
Si un surplus d’émotion nous étreint durant cette représentation, c’est aussi par la force du souvenir de Susan Chilcott, à qui cette série est dédiée ; elle nous a quittés il y a quelques mois à quarante ans et son Ellen avait marqué profondément cette production lors de la création il y a dix ans puis à la reprise de 1997. Elle devait participer de nouveau à cette reprise et être présente aussi aux représentations données à Covent Garden. Le destin en aura décidé autrement. Cette grande artiste fauchée en pleine ascension artistique et qui aura marqué tant de rôles à la Monnaie nous manque cruellement.



Christophe Vetter

 

 

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