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Carsen et Janacek Gent De Vlaamse Opera 02/25/2004 - et les 28* février et les 2, 5 et 7 mars ; à Antwerpen les 3, 5, 7, 10, 13 et 15 fevriér 2004 Leos Janacek : Katia Kabanova Michaela Kaune (Katia Kabanova), Richard Decker (Boris Grigorjevic), Natascha Petrinsky (Varvara), Alexander Krawetz / Michael Smallwood [25, 28 février] (Vana Kudrjas), Kathryn Harries (Marfa Ignatjevna Kabanova, la Kabanicha), Guy De Mey (Tichon Ivanyc Kabanov), Jan Galla (Savjol Prokofjevic Dikoj), Romain Bischoff (Kuligin), Julie Bailly (Glasa), Beatrijs Desmet (Feklusa)
Robert Carsen (mise en scène), Patrick Kinmonth (décors et costumes), Robert Carsen et Peter Van Praet (lumières), Ian Burton (dramaturgie), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Kurt Bikkembergs (chef des chœurs),
Symfonisch Orkest en Koor van de Vlaamse Opera, Friedmann Layer (direction musicale)
Nouvelle Production du Vlaamse Opera
Il est de ces représentations exceptionnelles où aucun mot ne pourra traduire l’impact émotionnel éprouvé par le spectateur qui prend en pleine figure un choc causé par l’évidente complémentarité d’une réussite à la fois dramatique et musicale. Et ce troisième volet du cycle Janacek offert par Robert Carsen à l’Opéra des Flandres en fait partie, plus encore que les précédentes Jenufa et Petite Renarde Rusée, déjà des productions qui marqueront l’histoire de cette institution.
Carsen réussit une fois de plus à exprimer l’essentiel avec le minimum, ayant parfaitement assimilé le noyau de l’œuvre. L’essentiel c’est la Volga, le point central du décor de Patrick Kinmonth, une Volga obsédante, envahissante mais aussi libératrice à la fin de l’ouvrage. C’est ainsi une scène remplie d’eau qui fait office de décor unique modulée par la disposition de planches sur cette eau pour situer en quelques secondes le contexte de chaque scène. Pendant le prélude d’ouverture, ce sont vingt jeunes femmes en blanc, vingt Katia, celle qui chantera n ‘est donc que l’une de nombreuses femmes à vivre ce drame d’enfermement par la société et la famille, qui se débattent dans les eaux de la Volga puis agencent entre les scènes ces planches sur lesquelles les personnages évolueront. La direction d’acteur de Carsen aura toujours été son point fort et l’équipe dont il dispose le suit sans aucune faille. Il se confirme depuis peu comme un éclairagiste hors-pair en association avec Peter Van Praet, permettant l’alternance de scènes sordides (le parti- pris de beaucoup de mise en scène de cette œuvre) et de moments plus poétiques, d’une réelle beauté.
Michaela Kaune est une révélation comme il y en a peu ; pourtant déjà remarquée à la Monnaie dans une Contessa des Nozze di Figaro subtile, elle laisse cette fois éclater un talent interprétatif sans aucun point faible ; bouleversante actrice, engagée physiquement (elle termine la représentation trempée), elle offre une voix d’une rare palette de nuances, capable de raffinements dans la douceur comme d’éclats dans le désespoir. Le reste de la distribution n’est pas en reste, en particulier son pendant heureux, Varvara, interprétée par Natascha Petrinsky, solide et saine voix. Kathryn Harries utilise au mieux un timbre rauque pour dessiner une monstrueuse Kabanicha sans en faire trop. Richard Decker, Boris torturé, Guy De Mey, inattendu en Tichon et Michael Smallwood, remplaçant d’un soir de l’interprète prévu et Kudrjas inspirant la sympathie s’intègrent avec beaucoup de conviction et de naturel à la production.
Enfin, la direction inspirée de Friedmann Layer nous permet de retrouver un orchestre dans sa meilleure forme, capable des plus subtiles nuances, d’une souplesse remarquable, d’une homogénéité parfaite entre les voix et la fosse.
Christophe Vetter
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