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Trois visages du destin Paris Théâtre Mogador 03/06/2004 - Ludwig van Beethoven : Coriolan (ouverture), opus 62 – Symphonie n° 5, opus 67
Gustav Mahler : Kindertotenlieder
Nora Gubisch (mezzo)
Orchestre Pasdeloup, Wolfgang Doerner (direction)
Dernier d’un cycle Beethoven de trois concerts (voir par ailleurs ici) donnés par l’Orchestre Pasdeloup, ce programme, construit autour de la Cinquième symphonie, avait une thématique toute trouvée: le destin, qui, selon le mot fameux de Beethoven, «frappe à la porte» dès les premières mesures de sa symphonie.
De ce point de vue, les deux autres partitions de cette fin d’après-midi étaient opportunément choisies, offrant deux autres facettes de ce combat avec la vie. L’ouverture pour Coriolan (1807), contemporaine de la symphonie et dans la même tonalité d’ut mineur, trouve en Wolfgang Doerner un interprète plus imposant et marmoréen que dramatique ou vindicatif, dans une vision classique, assez monumentale, magnifiquement servie par la belle sonorité d’ensemble de l’orchestre.
Avec les Kindertotenlieder (1904) de Mahler, le propos du poète (Rückert) rejoint de façon troublante le passé du compositeur (la disparition précoce de certains de ses frères et sœurs), mais aussi la prémonition de la mort de Maria, sa fille aînée, en 1907. Si le recueil est destiné à l’origine à un baryton, l’usage a également imposé, déjà du vivant de Mahler, le recours à une voix de femme, permettant successivement à Kathleen Ferrier, Kirsten Flagstad, Christa Ludwig ou Janet Baker d’en laisser des témoignages inoubliables. La mezzo Nora Gubisch, qui vient de tenir le rôle d’Isadora dans Le Fou de Marcel Landowski à Mogador (voir ici), dessine, de sa voix ample et charnue, des phrasés aux courbes superbes. Sans en rajouter dans la lamentation, elle privilégie la narration, un rien distante, grâce à une bonne diction, dans un esprit parfois plus expressionniste qu’immédiatement expressif.
Si ces lieder se concluent dans un climat apaisé, la véritable victoire sur le destin, ce sera celle de la Cinquième symphonie (1808) de Beethoven. A la tête d’une formation relativement restreinte (quarante cordes), Doerner va de l’avant, sans se poser trop de questions ni s’appesantir excessivement sur les célèbres points d’orgue initiaux. Hargneux, voire bousculé, dramatiquement efficace, l’Allegro con brio laisse la place à un Andante con moto assez enlevé. Les accents bien marqués du Scherzo et de son Trio débouchent enfin sur un Allegro final remarquablement conduit, d’un esprit conquérant, montrant à nouveau l’orchestre sous son meilleur jour, avec des attaques bien nettes et une puissance impressionnante. On en regrette d’autant plus que la reprise n’ait pas été observée, alors que la durée du programme était déjà légèrement trop courte, pour une thématique qui pouvait être aisément étendue à d’autres œuvres, à commencer par l’ouverture de La Force du destin du Verdi.
Simon Corley
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