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Melting notes Paris Théâtre Pépinière Opéra 02/26/2004 - - jusqu'en juin 2004 Peter Hens (ténor, violoncelle, piano, guitare), Bart van Caenegem (piano, voix, saxophone)
La Framboise frivole est de retour! Après Allegro con fituro et Con moto – deux spectacles présentés successivement au Théâtre de la Ville (décembre 1993), au Théâtre Mouffetard (novembre-décembre 1998) et au Théâtre Tristan Bernard (janvier-avril 2000) – le duo belge récidive au Théâtre Pépinière Opéra depuis le début de l’année, avec Pomposo. La recette est inchangée, mais elle fonctionne toujours aussi bien, avec des numéros entièrement nouveaux: près de deux heures de pur délire, au cours desquelles textes et musiques naviguent entre absurde et calembour, entre ironie et burlesque.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, et sans tenter de décrire l’indescriptible, cet improbable attelage s’inscrit dans la droite ligne de ceux qui, depuis Hoffnung et P.D.Q. Bach jusqu’à, plus près de nous, «Le Quatuor», tentent de faire rire avec ce que l’on appelle encore parfois la «grande musique». L’approche est certes «grand public», mais chacun peut donc s’y retrouver et reconnaître, à défaut d’avoir toujours le temps de les identifier, les airs qui défilent au cours de la soirée. Car tout y passe: «tubes» classiques (Danse du sabre), chansons populaires (Il était une bergère), variété française (Brel) ou internationale (New York, New York), comédies musicales (Sound of music), films (Les Schtroumpfs), séries télévisées (Mission impossible) et publicités (Kanterbrau).
C’est Peter Hens, né à Anvers il y a près d’un demi-siècle, qui a fondé La Framboise frivole voici vingt ans. A la fois ténor, violoncelliste, guitariste et pianiste, il en est l’âme et la vedette, d’autant qu’il a «usé» quatre comparses depuis dix ans qu’il fréquente les scènes parisiennes: en 1993, ce fut Dirk Joris, puis Rudy Minnaert en 1998 et David Laisne en 2000; c’est désormais le Gantois Bart van Caenegem, également nanti d’une solide formation classique et jazz, qui tient le rôle de l’accompagnateur souffre-douleur, quittant, à l’occasion, le piano pour le saxophone.
Outre la traditionnelle mise en boîte du rituel du concert (placement précautionneux du siège du pianiste) et des découvertes de la musicologie (des mélodies inédites de Schubert), le spectacle fonctionne sur deux ressorts plus originaux: la confusion entre plusieurs fils conducteurs narratifs et musicaux (Pierre et le loup, Ne pleure pas Jeannette et Carmina burana), qui s’enchevêtrent progressivement au mépris de toute cohérence, et les coq-à-l’âne mélodiques qui font fi du cloisonnement entre les genres (Adamo ou Fugain ne sont jamais loin de Schubert ou Puccini, tandis que le Canon de Pachelbel ne tarde pas à déraper vers l’Adagio d’Albinoni, la Farandole de L’Arlésienne ou Guillaume Tell).
Le tout, servi par un excellent travail de J. Durnez sur les lumières, est emballé dans un joyeux festival d’approximations («L’Avion rose» de Piaf, Boris Carlorff fils de Boris Ravel et François Dolto, Ah, le loup est là de Haendel), qui feraient presque croire que La Cinquantaine de Gabriel-Marie constitue un canular – d’autant qu’elle s’enchaîne sur… la Quarantième symphonie de Mozart –, alors que le compositeur français (1852-1928) a bel et bien écrit en 1884 ce délicieux «air dans le style ancien». Et on se lassera jamais d’entendre le violoncelle de Peter Hens imiter à la perfection, mimiques à l’appui, les moindres inflexions de la voix humaine, ou d’observer l’impeccable mise en place d’un quatre mains tournant où les deux pianistes se succèdent… sur le même clavier et sur le même tabouret.
Salle comble, et ce n’est que justice, pour les deux artistes qui relèvent ainsi avec panache le défi de faire rire sans jamais verser dans la facilité ni dans la vulgarité.
Simon Corley
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