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Milan sur Arno Milano Teatro degli Arcimboldi 01/29/2004 - et les 1er, 4, 7, 11 et 13* février 2004 Alexander Zemlinsky: Eine florentinische Tragödie, Giacomo Puccini: Gianni Schicchi Robert Brubaker (Guido Bardi), James Johnson (Simone), Nadia Michael (Bianca)
Andreas Homoki (mise en scène)
Leo Nucci (Gianni Schicchi), Inva Mula (Lauretta), Cinzia de Mola (Zia detta La Vecchia), Giuseppe Filianoti (Rinuccio), Sergio Bertocchi (Gherardo), Daria Masiero (Nella), Nicolò Suppa (Gherardino), Filippo Morace (Betto di Signa), Cesare Lana (Simone), Fabio Capitanucci (Marco), Tiziana Tramonti (La Ciesca), Matteo Peirone (Maestro Spinelloccio), Angelo Romero (Pinellino), Elia Fabbian (Guccio)
Lluis Pasqual (mise en scène)
Orchestre de la Scala de Milan, James Conlon (direction)
Les deux spectacles qui viennent d’être présentés à Milan prouvent que la Scala est encore capable du meilleur, malgré les dissensions internes qui secouent le vénérable théâtre. Au demeurant, la composition tout à fait inhabituelle de l’affiche, voulue par James Conlon, permet de souligner, au-delà des différences de style et de genre, les nombreux points communs des deux partitions, à commencer par la date de leur création (1917-1918) et par le lieu de leur intrigue (Florence). Et quand on sait que Puccini considéra, pendant les six années qui séparent Madama Butterfly de La Fanciulla del West, d’adapter la pièce d’Oscar Wilde dont est tiré l’opéra de Zemlinsky, on comprend mieux le choix du chef d’orchestre.
Pour l’occasion, la Tragédie florentine a fait son entrée au répertoire de la Scala. Et elle n’aurait pas pu être mieux servie que par la baguette experte de James Conlon, qui a une nouvelle fois prouvé toute l’admiration qu’il porte au compositeur. Tirant des musiciens une véritable orgie de sons et de couleurs, il a su capter l’attention de l’auditoire grâce à une progression dramatique époustouflante, jusqu’au revirement final. La production scénique, venue tout droit de la Deutsche Oper de Berlin, est au diapason. Intense, sensuelle et violente, elle épouse parfaitement les intentions du chef. L’action est transposée à notre époque, dans un lieu clos, un décor (Wolfgang Gussmann) fait de grandes boîtes blanches entassées les unes sur les autres jusqu’au sommet de la scène. Dès l’ouverture du rideau, l’érotisme est au rendez-vous dans les relations entre la femme et son amant, avant que la brutalité du mari envers son épouse ne prenne le dessus, pour se terminer dans un duel d’une rare violence entre les deux hommes. En fin de compte, on assiste à un spectacle très physique, gestuel, à l’opposé par exemple de la récente mise en scène de Pierre Strosser à Genève. Des trois interprètes, James Johnson est le plus convaincant. Grâce notamment à sa taille de géant, son marchand vigoureux - physiquement mais aussi vocalement - n’a aucune peine à s’imposer face au prince de Robert Brubaker, plus fragile mais aussi plus nuancé. Nadia Michael campe pour sa part une Bianca particulièrement sensuelle.
Baptême du feu scaligère parfaitement réussi donc. Les trois chanteurs sont chaleureusement applaudis et le chef ovationné. Dommage seulement que de nombreux Milanais ont boudé l’événement.
Après la tragédie, la comédie. La production scénique de Gianni Schicchi est beaucoup plus traditionnelle, rien d’étonnant puisqu’il s’agit d’une reprise d’un spectacle monté à Milan en 1996. Si la période de l’intrigue a été transposée à la fin du XIXe siècle, le reste du spectacle est parfaitement fidèle au livret. Le décor (Ezio Frigerio) est constitué par une immense chambre à coucher, dans laquelle trône un lit à baldaquin. A la fin de l’œuvre, un tableau géant et très kitsch de Florence sert de cadre aux retrouvailles des deux amoureux. James Conlon réussit parfaitement la transition stylistique: tout s’enchaîne parfaitement, de manière légère et finalement convaincante. La grande famille faussement éplorée, de laquelle se détache Cinzia de Mola, est drôle à souhait dans ses attitudes et ses mimiques. Giuseppe Filianoti, jeune ténor qui chante régulièrement à Milan, a une belle voix prometteuse, même si la projection apparaît quelque peu limitée. Inva Mula, espiègle Lauretta, convainc par la douceur de son chant et obtient des applaudissements mérités après le célèbre O mio babbino caro. Mais le clou du spectacle reste l’irrésistible Schicchi de Leo Nucci, un des personnages de prédilection du baryton italien. Il apparaît en sosie de Puccini (grâce notamment à son chapeau caractéristique et à son manteau au col de fourrure) et recueille tous les suffrages tant par la caractérisation humoristique du rôle que par la maîtrise de son chant. Une soirée comme on voudrait en voir plus souvent à Milan.
Claudio Poloni
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