Back
Violoncelle vérité Paris Théâtre Mogador 02/11/2004 - et 12* février 2004 Ludwig van Beethoven : «Egmont» (Ouverture), opus 84
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n° 2, opus 126
Alexander von Zemlinsky : Symphonie lyrique, opus 18
Truls Mork (violoncelle), Melanie Diener (soprano), Matthias Goerne (baryton)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)
A nouveau, et au risque de se répéter, le triptyque ouverture/concerto/symphonie a frappé. Cette fois-ci, c’est l’Orchestre de Paris qui s’y conformait, avec l’une des plus consensuelles entrées en matière qui soient, l’ouverture de la musique de scène pour Egmont (1810) de Beethoven. Bien moins consensuelle, fort heureusement, l’approche d’Eschenbach, parfois un rien raide et extérieure, cultivant les contrastes, avec des attaques vigoureuses. Mais après ce début on ne peut plus classique, tant le concerto que la symphonie bifurquaient fort opportunément vers des terres moins fréquentées
La vie musicale parisienne est décidément à l’heure norvégienne: après la toute récente apparition de trois œuvres de Grieg en trois jours, après la venue de Leif Ove Andsnes, également à l’Orchestre de Paris (voir ici), et le même soir que l’Orchestre philharmonique de Bergen (dans le cadre d’un festival Présences 2004 consacré pour partie aux pays scandinaves), c’est Truls Mork qui est venu présenter une partition dans laquelle il excelle, le Second concerto pour violoncelle (1966) de Chostakovitch. Dédié à Rostropovitch, comme tant d’autres au XXe siècle, ce concerto, s’il est typique du style à la fois grave et ironique du compositeur, ne s’en distingue pas moi du célèbre Premier, notamment par son caractère de méditation énigmatique et rhapsodique ainsi que par sa forme atypique. Deux Allegrettos enchaînés succèdent ainsi à un Largo, annonçant déjà le climat des deux dernières symphonies, par exemple la conclusion, qui rappelle le cliquetis final de la Quinzième symphonie. La manière du violoncelliste norvégien n’est sans doute pas celle, plus exubérante, de «Slava», mais son autorité et sa hauteur de vues maintiennent tout au long de ces trente-cinq minutes une tension et une densité admirables, sans aucun étalage de virtuosité ou de pathos. Une vérité de l’interprétation servie par une exceptionnelle pureté de son, comme le confirme un bis fort judicieusement choisi, un extrait de l’une des trois Suites de Britten, pièces également destinées à Rostropovitch, qu’il avait rencontré à l’occasion de la création à Londres… du Premier concerto de Chostakovitch.
Contraste total, en seconde partie, avec l’opulente Symphonie lyrique (1922) de Zemlinsky, revenue sur le devant de la scène depuis le superbe enregistrement qu’en réalisèrent, voici plus de vingt ans, Maazel, Varady et Fischer-Dieskau. L’orchestre, à l’effectif immense (renforcé par quelques élèves des conservatoires parisiens, dans le cadre de la «Première académie de l’Orchestre de Paris») emmené par soixante-dix cordes, se montre très à son avantage. Plus âpre que ronde, l’approche d’Eschenbach, qui tend cependant à étirer le tempo de façon particulièrement langoureuse, n’est pas servie par l’acoustique du Théâtre Mogador, qui noie les détails instrumentaux et pose de sérieux problèmes aux voix, dont on ne profite réellement que dans Sprich zu mir, pour l’une, et dans Friede, mein Herz, pour l’autre. Melanie Diener, dont il avait été annoncé, un temps, qu’elle n’assurerait pas le second de ces deux concerts, ne semble effectivement pas au mieux, parfois trop affectée ou manquant de précision. Matthias Goerne, quant à lui, fait valoir un timbre délicat et une prosodie soignée, quelque peu entravés par une émission contrainte.
Simon Corley
|