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Ponctuations sonores

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
01/11/2004 -  et 13 janvier (Caen), 1er février (Nantes)
Felix Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été, opus 21 et 61

Agnès Jaoui (récitante), Iane Roulleau (soprano), Elsa Maurus (mezzo)
Chœur régional Vittoria d’Ile-de-France, Michel Piquemal (direction), Orchestre Lamoureux, Yutaka Sado (direction)


Trois jours après le Songe d’un matin d’été – sous-titre que porta un temps la Troisième symphonie de Mahler (voir ici) – c’était le tour du Songe d’une nuit d’été (1826/1843) de Mendelssohn. L’Orchestre Lamoureux et son chef principal, Yutaka Sado, n’avaient pas seulement choisi l’ouverture ou même quelques morceaux, mais l’intégralité de la musique de scène, assez rarement interprétée, même si Masur et l’Orchestre national l’avaient incluse dans leur cycle Mendelssohn en février dernier (voir ici). Nullement rebuté par la perspective d’un programme exclusivement consacré à cette œuvre, qui, outre l’ouverture, renferme en effet quelques «tubes» (Nocturne, Marche nuptiale), le public avait répondu massivement présent. Cela étant, quel est l’apport d’une telle intégrale?


Il est d’abord extramusical, puisque le texte de Shakespeare est dit, en complément ou en parallèle à la musique, en français il est vrai, alors que les mélodies sont chantées en allemand, ce qui est quelque peu déroutant pour une pièce anglaise. La tâche dévolue au récitant est colossale: non seulement déclamer un texte long (à savoir les passages de la représentation au cours desquels l’orchestre intervient), mais aussi interpréter les nombreux rôles différents qui se succèdent, tout en rendant intelligible une action dont une grande partie est escamotée.


De ce point de vue, la prestation d’Agnès Jaoui ne convainc pas pleinement. Handicapée par un microphone sans fil placé trop près de la bouche, qui lui confère une allure de commentateur sportif et qui n’améliore en rien une prosodie souvent hachée et une diction parfois confuse ou hésitante, elle entrecoupe son propos de divers souffles, claquements de langue et interjections («bon», «voilà»). En outre, lorsqu’elle emprunte un ton volontairement grasseyant et vulgaire pour jouer les artisans, on se croirait plutôt chez Marcel Carné (Hôtel du Nord) que chez Shakespeare. Le manque de souplesse, ici ou là, de la coordination entre dialogues et musique donne par ailleurs l’impression d’assister à la générale d’un spectacle qui voyagera ensuite à Caen et à Nantes (à l’occasion des Folles journées dédiées à la «génération 1810»).


Pour s’en tenir à l’aspect musical, les treize morceaux de la partition n’ajoutent quantitativement pas grand-chose aux cinq ou six extraits généralement proposés en concert, sinon les deux duos avec chœur et les mélodrames (récitation accompagnée ou entrecoupée de musique). Mais face à une telle qualité, la quantité importe peu: les deux lieder avec chœur, correctement restitués par Iane Roulleau, Elsa Maurus et le Chœur régional Vittoria d’Ile-de-France, relèvent de la pure féerie, tandis que les courts fragments subtils et délicats destinés à accompagner le texte, souvent constitués de «chutes» provenant de l’ouverture ou des autres morceaux, révèlent une extraordinaire aptitude à caractériser une atmosphère ou une situation, parfois en une ou deux mesures, cultivant un sens du fantastique à la fois bien allemand et bien romantique, dans la lignée du Freischütz de Weber.


Dans ces difficiles ponctuations, au climat sans cesse changeant, les musiciens se tirent remarquablement d’affaire. Les pièces plus développées, hormis un Scherzo un peu trop statique, bénéficient également d’une lecture satisfaisante: Ouverture très... théâtrale, faisant contraster un enthousiasme juvénile bien dans la manière de Sado avec une rêverie tendre, voire pensive, Intermezzo inquiétant comme du Schumann, Nocturne aux timbres chauds et profonds, Marche nuptiale pesante mais ne manquant pas d’allure.



Simon Corley

 

 

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