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Un anniversaire dignement fêté! Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/18/2003 - Oeuvres de Haydn, Mozart, Bizet, Messager… Youri Bashmet (alto), Victor Tretiakov (violon), Michel Dalberto (piano), Felicity Lott (soprano), François-René Duchâble (piano)
Ensemble orchestral de Paris
John Nelson (direction) Fondé en 1978 par Marcel Landowski, l’Ensemble orchestral de Paris a vu se succéder à sa tête des chefs prestigieux tels que Jean-Pierre Wallez ou Armin Jordan. En 1999, John Nelson en prend la direction et tente d’élargir le répertoire de cet orchestre en interprétant, notamment, du Bach ou du Haendel. Pour ce 25ème anniversaire, le chef et ses musiciens ont composé un programme résolument éclectique puisque Ravel voisine avec Mozart, Messager avec Haydn…sans oublier les deux oeuvres écrites spécialement pour cette occasion. Grande variété aussi dans les genres musicaux et dans les interventions des solistes car on peut entendre successivement un violoniste, un altiste, un pianiste et une soprano.
Après l’Intrada de Nicolas Bacri, sur laquelle nous reviendrons, l’Ensemble orchestral de Paris interprète deux oeuvres classiques, la Symphonie n°86 de Haydn et La Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart. Haydn permet à l’orchestre de montrer l’excellence et la musicalité des différents pupitres et si les vents se détachent particulièrement dans le troisième mouvement, les violons créent une ambiance lourde, voire tragique, avec les notes répétées au début de l’adagio. Tout l’ensemble est enlevé par un John Nelson énergique mais également soucieux des nuances et des crescendo, comme dans l’allegro spirituoso où il illumine certaines notes.
Deux solistes entrent en scène pour la Symphonie de Mozart, Victor Tretiakov pour le violon et Youri Bashmet pour l’alto. Ces deux artistes ne sont plus à présenter et tout comme leur virtuosité et leur souci de servir une page musicale. Une légère préférence irait à Youri Bashmet, au niveau musical. Mozart oblige le spectateur non pas à comparer mais à dresser un parallèle entre les deux solistes car, constamment, les deux instruments se répondent en écho et l’altiste se montre plus doux, plus subtil dans ses attaques. Son legato est également plus poignant et il confère aux notes une profondeur assez remarquable. Victor Tretiakov, en revanche, se montre particulièrement habile dans les parties rapides et dans l’emploi du vibrato. Les deux musiciens se complètent parfaitement et leurs deux instruments, aux sons très beaux, s’accordent à merveille.
L’Ensemble orchestral de Paris quitte ensuite l’univers allemand pour se concentrer sur notre patrimoine musical avec le fameux Concerto pour piano de Ravel. Cette oeuvre est magnifiquement servie par un Michel Dalberto déchaîné, virtuose mais aussi musical, ce qui est assez difficile dans cette oeuvre. Ils adoptent un tempo rapide pour le premier mouvement mais font ressortir, dans quelques ralentis, des couleurs proches de celles de L’Enfant et les Sortilèges. Mais c’est surtout dans le deuxième mouvement que orchestre et pianiste atteignent un niveau remarquable et Michel Dalberto choisit un touché léger notamment avec les notes aiguës qui sont comparables à des sortes de gouttes qui tomberaient avec légèreté. Tout est retenu et on sent un crescendo souterrain dans le parfait esprit du compositeur. Un grand moment!
Felicity Lott propose un programme uniquement français avec des oeuvres emblématiques d’Offenbach et de Messager. La soprano anglaise est véritablement l’une des interprètes les plus subtiles pour ce répertoire et elle ne tombe jamais ni dans le ridicule ni dans la mièvrerie. Après la création de Régis Campo, elle chante La Dame de Monte-Carlo de Poulenc. Même s’il s’agit, vocalement, de sa moins bonne prestation, elle dispense une émotion assez rare surtout dans les multiples reprises du nom “Monte-Carlo” où après avoir ouvert fortement sur le “a”, elle termine sur un pianissimo en decrescendo sur le “o” de Carlo. Le fameux “Dites-lui” de La Grande-Duchesse est chanté avec douceur mais aussi intelligence malgré un tempo assez rapide. Enfin dans L’Amour masqué, elle prouve qu’elle n’a aucune rivale pour dire le texte, le chanter et surtout le jouer. Avec Felicity Lott, une scène se met en place, elle n’a pas besoin d’en faire beaucoup pour créer une atmosphère, seules quelques œillades et surtout cette voix chaude, malléable et parfaitement projetée qui rend justice à des oeuvres parfois délaissées. A noter également la perfection de sa diction, tout le texte est compréhensible ce qui rend son interprétation encore plus remarquable et crédible.
Pour terminer ce concert anniversaire, les musiciens offrent un pot-pourri de Carmen avec les suites de la garde montante, de l’Aragonaise… Ils semblent heureux de jouer cette musique et se ”lâchent” complètement. Ils jouent fort, très fort mais avec une énergie qui explose à la fin de la danse bohémienne de Carmen “Les tringles des sistres”. Explosion aussi de la part du public qui ne cache pas son enthousiasme.
Pour fêter encore plus dignement cet anniversaire, les musiciens ont fait appel aux deux jeunes compositeurs, anciens pensionnaires de la Villa Médicis, pour leur demander de composer une oeuvre courte mais qui servirait de transition entre les deux parties du concert. L’ouverture de la soirée a été confiée à Nicolas Bacri qui choisit de montrer différents petits morceaux, petits moments dans des formes musicales différentes. On remarque également des allusions à d’autres compositeurs, comme Bernstein. Le Happy Birthday to you de Régis Campo est davantage en relation avec le thème du concert et est composé essentiellement d’une répétition très rapide sur le mot “happy”.
En guise de bis, John Nelson annonce deux cadeaux, un de l’orchestre l’Arlésienne de Bizet, et un d’un pianiste qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois: François-René Duchâble vient interpréter un extrait d’un concerto de Beethoven. Accueilli par une ovation, il montre une fois de plus que cet univers romantique lui convient parfaitement et conclue cet anniversaire luxueusement cet anniversaire.
Ce beau concert a permis de rassembler des solistes et des musiciens heureux d’être là, heureux de jouer avec et pour l’Ensemble orchestral de Paris et John Nelson. Cette alchimie a produit un moment de pure musique où tous les compositeurs ont aussi été les rois de la fête car servis comme ils le méritent.
A noter:
- Felicity Lott reprendra la chemise de nuit d’Hélène du 7 décembre 2003 au 4 janvier 2004 dans La Belle-Hélène, sous la direction de Marc Minkowski et dans la mise en scène de Laurent Pelly avant de de se transformer en Grande-Duchesse à la fin de l’année 2004, toujours en compagnie de ce duo. Au châtelet.
- Le 3 avril 2004, l’Ensemble orchestral de Paris donnera L’Amour masqué d’André Messager sur un livret de Sacha Guitry à l’Opéra-Comique. Manon Ardouin
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