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Les Troyens enfin à Paris (et à la télé !)

Paris
Théâtre du Châtelet
10/11/2003 -  et 14, 18, 22, 26, 29 octobre 2003
Hector Berlioz : Les Troyens
Susan Graham (Didon), Anna Caterina Antonacci (Cassandre), Renata Pokupic (Anna), Ludovic Tézier (Chorèbe), Nicolas Testé (Panthée), Laurent Naouri (Narbal, Le Grand Prêtre), Mark Padmore (Iopas), Stéphanie d'Oustrac (Ascagne), Topi Lehtipuu (Hylas, Hélénus), Fernand Bernadi (Le Fantôme d'Hector), René Schirrer (Priam, Mercure), Danielle Bouthillon (Hécube)
Monteverdi Choir, Choeur du Théâtre du Châtelet
Orchestre Révolutionnaire et Romantique, John Eliot Gardiner (direction)
Yannis Kokkos (mise en scène)


Ce 11 octobre 2003 restera comme une date historique pour l'art lyrique et Hector Berlioz puisqu'il voit, tout simplement, la création parisienne de la version complète des Troyens. L'Opéra de Paris en effet ne créa, en 1863, que la seconde partie, Les Troyens à Carthage et c'est en Allemagne, sous la baguette de Felix Mottl en 1890, que l'opéra fut donné pour la première fois en entier. Après de nombreuses reprises en Allemagne jusqu'en 1933, c'est l'Angleterre, après la guerre, qui reprend le flambeau (avec Thomas Beecham, Adrian Boult, Colin Davis). Les années 70 et 80 voient plusieurs productions aux Etats-Unis, en Europe et, finalement, la création française en 1987 à Lyon lors du Festival Berlioz. La Bastille ne présentant, en 1990, qu'une version tronquée, c'est le Théâtre du Châtelet qui offre à Berlioz, pour le bicentenaire de sa naissance, ce formidable cadeau d'anniversaire.


Il est vrai que les moyens à mettre en œuvre sont tels et sa durée si atypique (quatre heures de musique, une distribution pléthorique) que l'on se demande si tout cela est bien compatible avec notre droit social et nos syndicats... Admettons aussi, après le choc des deux premiers actes, une chute de tension dans les deux suivants, en fait surtout un changement complet d'atmosphère qu'il s'agit, par une production de qualité, de bien négocier.


A la hauteur de l'événement, le Théâtre du Châtelet à touché à la perfection par un plateau, une mise en scène et un orchestre exceptionnels. Les Troyens ce sont d'abord deux héroïnes sur qui tout repose : Cassandre, prophétesse de la disparition de Troie et Didon, femme bafouée par l'abandon d'Enée. Les deux se donnent la mort après avoir jeté à la face du monde leur douleur insondable. Peu de chanteuses sont capables d'incarner des rôles si exigeants, à l'égal de Brunnhilde ou d'Elektra, et cela souligne l'exploit de Anna Caterina Antonacci, grand oiseau blanc blessé en Cassandre et de Susan Graham, bloc de rage et de colère dans le dernier acte, après une composition plus aisée de reine comblée et aimante dans les troisième et quatrième actes. Toutes deux impressionnent également par une diction parfaite qui dispense de la lecture du surtitrage. Mais il faut aussi féliciter les autres rôles cruciaux que réclame cet opéra, comme Ludovic Tézier en Chorèbe ou Laurent Naouri en Grand Prêtre - deux des plus grands chanteurs français d'aujourd'hui - Gregory Kunde en Enée, Renata Pokupic, touchante Anna ou Stéphanie d'Oustrac qui confirme tout son talent. Satisfecit également pour le chœur, en place, compréhensible, dynamique.


Mais avec Berlioz, évidemment, l'orchestre figure aussi parmi les personnages principaux ! John Eliot Gardiner a cherché à lui redonner toute sa jeunesse avec un orchestre "d'époque" (comprenant notamment des instruments originaux d'Aldolphe Sax) aux sonorités plus "vertes" et clairement dessinées. On gagne en netteté et en force pure ce que l'on perd en ampleur (cf Colin Davis chez LSO Live) mais, quoi qu'il en soit, la direction du chef anglais emporte sans conteste la décision par son lyrisme, sa tension et son urgence dramatique.


La mise en scène de Yannis Kokkos se révèle tout aussi convaincante. Pour les deux premiers actes (la prise de Troie), dans la pénombre, un vaste miroir posé au fond de la scène et incliné à 45° reflète le sol orné d'une image de ville antique (Troie n'est déjà plus qu'un souvenir), sol qui se sépare en deux pour découvrir un large escalier d'où arrivent des protagonistes que l'on voit donc par en haut. Changement complet de décor pour les actes suivants avec des couleurs claires et une lumière méditerranéenne, il s'agit ici de célébrer une ville florissante réunie autour de sa reine. Le retour de la tragédie au cinquième et dernier acte voit la réapparition du miroir incliné, avec un escalier, montant au dessus du plateau cette fois, sur lequel Didon se donnera la mort. Caractéristique du metteur en scène grec, des projections vidéo (forêt, mer, visage d'Hector) apportent une touche onirique raffinée. Le travail de Yannis Kokkos est sobre, juste, visuellement superbe et, surtout, il laisse sa part au spectateur dans la mesure où il recherche l'évocation plutôt que le parti pris. "Je m'efforce toujours d'éviter tout esthétisme, mais je crois à la beauté" affirme-t-il dans le programme. Une parole sage.


Le spectacle peut être le plus somptueux depuis que Jean-Pierre Brossmann dirige le théâtre donnera lieu à un autre événement historique, sa diffusion en direct sur France Télévision un dimanche après midi ! Profitez en, le prochain opéra de Berlioz diffusé sur une chaîne publique aura lieu pour le tricentenaire de sa naissance.




Diffusion en direct sur France 2 et France 3 en simultané sur France Musique le 26 octobre à partir de 14 heures.




Philippe Herlin

 

 

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