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Voyage dans les Indes Ramistes…

Paris
Palais Garnier
09/13/2003 -  et les 15, 17*, 18, 20, 21, 22, 24, 25 et 27 septembre 2003.
Jean-Philippe Rameau : Les Indes Galantes
Danielle de Niese (Hébé), Joao Fernandes (Bellone), Valérie Gabail (Amour), Nicolas Cavallier (Osman), Anna-Maria Panzarella (Emilie), Paul Agnew (Valère), Nathan Berg (Huascar / Ali), Jaël Azzaretti (Phani), François Piolino (Don Carlos), Richard Croft (Tacmas), Gaële Le Roi (Zaïre), Malin Hartelius (Fatime), Nicolas Rivenq (Adario), Cristoph Strehl (Damon), Christophe Fel (Don Alvar), Patricia Petibon (Zima)
Marina Draghici (décors et costumes), Blanca Li (chorégraphie), Robert Wierzel (lumières), Andréi Serban (mise en scène)
Choeur et orchestre des Arts Florissants
William Christie (direction)

Pour cette seconde reprise, la production des Indes Galantes dans la mise en scène d’Andréi Serban et sous la direction de William Christie requiert toujours le même enthousiasme de la part du public. Les trois heures et demie de spectacle passent très vite tant la mise en scène est inventive, lumineuse et remplie de petits détails difficiles à apprécier en une seule représentation. Parallèlement, les Arts Florissants et les chanteurs soutiennent ce projet ambitieux sans démériter et avec grande classe.



Cette mise en scène, comme la plupart de celles d’Andréi Serban que ce soit au théâtre ou à l’opéra, est très colorée. Pour l’épisode du Turc Généreux, il place évidemment l’action sur une sorte de plage et Emilie apparaît allongée sur une coquille bleue. Au fond de la scène des tubes bleus plus clairs tournent de manière à évoquer une mer et des vagues agitées, vagues dans lesquelles des sirènes et autres poissons batifolent. L’illusion serait complète si Andréi Serban n’avait pas décidé, à la fin de l’épisode, de dévoiler toute la machinerie utilisée, brisant quelque peu le rêve. Pour les Incas du Pérou, les couleurs rouge et oranger sont privilégiées pour les décors et les lumières, conférant ainsi une atmosphère assez irréelle et sacrée. Des sortes d’éponges sont employées pour représenter la fausse explosion du volcan. La troisième entrée est sûrement la plus réussie scéniquement. La deuxième partie est composée essentiellement de ballets et Blanca Li n’hésite pas à habiller ses danseurs avec des feuilles, des fleurs et à les placer dans des pots dont ils sortent pour exécuter des figures chorégraphiques. Enfin pour les Sauvages, chanteurs et choristes sont habillés avec des plumes et de longs vêtements, tandis que les deux amoureux occidentaux de Zima redoublent d’excentricité dans leur toilette (rubans, …). De nombreuses idées intéressantes jalonnent cette production: pour annoncer le titre des entrées, le metteur en scène crée une nouvelle forme de surtitrage en confiant à certains personnages un carton en forme de nuage sur lequel est inscrit le titre. Une certaine cohérence s’installe dans la mesure où les accessoires du prologue sont presque tous des coussins en forme de nuage. Andréi Serban tente de faire des Indes Galantes une vaste illustration des différentes formes que revêt l’amour et met particulièrement en relief le rôle d’Hébé, sorte de guide préposée au bon déroulement des histoires amoureuses. Pendant l’ouverture, au milieu de la scène, un panneau, sorte de uolumen, se déplie et plusieurs éléments du décor utilisés au cours de la représentation traversent la scène (bateaux du Turc, le feu des Sauvages…). A la fin de l’opéra ce même panneau se plie alors et donne une unité à tout l’opéra. Une très large place est laissée, dans cette oeuvre, aux ballets et Blanca Li exploite au maximum les ressources de la danse. Même si les figures chorégraphiques ou du moins les idées illustrées font penser de manière très précise aux ballets de Platée dans la production de Laurent Pelly, elle utilise à merveille les intermèdes musicaux pour créer une petite histoire: pour cela elle utilise cinq couples de danseurs qui vont tour à tour simuler l’amour, la bonne entente puis la dispute, l’adultère, la jalousie…


La distribution, composée de spécialistes de longue date du baroque et d’une nouvelle génération, s’avère assez hétérogène. Si la production scénique n’a rien à envier à celle quasi-légendaire d’Alfredo Arias montée à Aix-en-Provence il y a dix ans, les chanteurs ne possèdent pas tous la même fraîcheur, le même engagement et la même perfection que des gens comme Jérôme Corréas, Sandrine Piau, Bernard Delétré, pour ne citer qu’eux…
Parmi la distribution féminine, c’est Anna-Maria Panzarella qui semble la plus à sa place. Elle campe une Emilie à la fois tendre dans les duos avec Valère mais également déterminée dans son air “Vaste Empire des mers”, qui est peut-être le plus beau passage de toute la représentation: la voix est ronde, pleine, stable et, de plus, son timbre particuliers donne du piquant au caractère de la jeune fille. Se pliant à toutes les exigences du metteur en scène, elle arrive à ne pas tourner en ridicule le ballet dans lequel elle et Paul Agnew sont dans de petites barques et font semblant de naviguer sur la mer.
Parmi les nouvelles chanteuses baroques, on retrouve avec plaisir Jaël Azzaretti qui, après avoir assuré les petits rôles dans de nombreuses productions de l’Opéra de Paris, a trouvé en William Christie, et en la musique baroque, un terrain favorable pour développer les qualités évidentes de sa voix. Même si elle manque encore un peu de puissance, la musicienne sait donner des accents particulièrement expressifs à son personnage et la salle reste suspendue à son air “Viens Hymen”. Malheureusement, sa diction reste assez approximative et on perd à ne pas distinguer les mots. Quant aux multiples vocalises qui composent son rôle, elles sont époustouflantes de virtuosité.
Daniele de Niese, dont la carrière évolue également vers le répertoire baroque, tient le rôle d’Hébé avec beaucoup de conviction et s’engage sans réserve scéniquement. Vocalement la voix est belle, légère, souple mais pas très puissante: elle privilégie également le son à la diction et son texte est parfois incompréhensible. La chanteuse confirme la justesse et la beauté de sa voix dans une tessiture qui lui correspond mieux que celle de Cléopâtre dans Jules César donné dans ce même théâtre l’année dernière.
Malin Hartelius, déjà présente lors des précédentes représentations, se tourne de plus en plus vers le répertoire baroque avec un certain succès. Son interprétation de Fatime est douce, légère. Le fameux air “papillon inconstant” est bien mené, même si elle a tendance à mettre trop de pression dans les aigus.
Valérie Gabail se montre très drôle dans le rôle de Cupidon, habillée de rouge et lançant sur Bellone des flèches dorées. Ancienne choriste de multiples ensembles baroques, elle se plie aux exigences stylistiques mais ses vocalises restent assez inexactes.
Gaële Le Roi se montre charmante en Zaïre et elle semble avoir une voix qui se prête admirablement au répertoire baroque. Espérons que cette expérience lui donnera envie de continuer sur cette voie.
Enfin, Patricia Petibon, comme toujours, en fait trop et beaucoup trop au détriment et de sa voix et de son jeu. La mise en scène, certes, favorise ses déhanchements, mais peut-être pas à ce point-là! Son air “régnez, plaisirs et jeux” est bien chanté mais il serait peut-être préférable qu’elle ne donne pas la dernière note qui ressemble davantage à un cri qu’à une note tenue. En revanche elle emmène tous les choristes dans la fameuse danse des sauvages et, étant très sensible au rythme, elle donne un élan et un souffle impressionnants à cette scène.
Chez les chanteurs, la distribution est bien plus homogène.
En fidèle de William Christie, Paul Agnew est égal à lui-même et présente un Valère assez niais, assez naïf. Il est sûr que la mise en scène ne l’avantage pas mais il donne des accents à sa voix, confirmant ainsi cette lecture. Le chanteur se montre particulièrement à l’aise dans les passages vifs “Hâtez-vous de vous embarquer” qu’il donne en pleine voix. Il dévoile alors une puissance vocale qui lui permettra d’aborder des rôles plus lourds en dehors du cercle baroque.
En revanche François Piolino, qui fait figure de nouveau ténor baroque, est assez décevant. Son interprétation de Don Carlos est assez terne et on l’a déjà entendu plus inspiré.
Le ténor Richard Croft se sert de l’élégance de sa voix pour Tacmas, mais elle manque peut-être de légèreté que seul un haute-contre, comme Jean-Paul Fouchécourt à Aix, peut apporter. En revanche il est impayable lorsqu’il se travestie en bohémienne et ajoute quelques “couacs” pour simuler sa difficulté à transformer sa voix.
Nicolas Cavallier, familier de ce rôle, se taille un franc succès et se montre un Osman imposant et en même temps sensible. Le changement d’attitude du personnage n’en est alors que plus logique. Le chanteur s’appuie également sur une diction parfaite pour transmettre des émotions.
Nathan Berg est le seul chanteur de cette production à interpréter deux rôles: celui de Huascar dans les Incas et celui d’Ali dans les fleurs. C’est dans ce dernier qu’il parvient à son maximum et qu’il est le plus convaincant: il est drôle et il trouve de doux accents pour prouver son amour.
Nicolas Rivenq est, comme toujours, excellent. Après avoir chanté dans la production d’Alfredo Arias (à la fois Osman et Adario) et dans les diverses reprises de celle d’Andréi Serban, le rôle du sauvage n’a plus de secret pour lui. D’une grande prestance scénique, il remplit également la salle de sa voix forte et modulée. Il est peut-être le seul à être aussi à l’aise et à communiquer son enthousiasme à interpréter cette partition. Au moment où il apparaît, la musique semble enfin s’épanouir. Du grand art!!
Enfin, Joao Fernandes, remarqué dans le Jardin des Voix, impressionne par sa voix stable, bien placée et souple mais aussi par son engagement scénique. Il pousse au plus loin les demandes du metteur en scène et campe une Bellone infernale à souhait. Ce jeune chanteur est un nom à retenir!
A noter également la participation excellente de Christoph Strehl dans le rôle de Damon et celle toute aussi exemplaire de Christophe Fel dans celui de Don Alvar. Il confère à ce personnage assez ridicule un certain humour et rend l’attitude Zima encore plus détestable.
Comme toujours le choeur des Arts Florissants préparé par François Bazola fait merveille et une attention particulière est portée à la diction. Les choristes arrivent parfaitement à se mouler dans la mise en scène et ils s’en donnent à coeur joie dans la danse des Sauvages.
La direction de William Christie se veut ferme, énergique mais manque peut-être de douceur ça et là. On préférera se souvenir de l’excellente intégrale enregistrée à l’issue des représentations d’Aix-en-Provence.



Au moment des applaudissements, les artistes reprennent en choeur la fameuse danse des sauvages, emmenés par un William Christie déchaîné qui n’hésite pas à jouer lui-même aux indiens et à se plier aux exigences de la mise en scène. Ce petit jeu achève de déclencher le délire du public, à juste titre.



A noter:
- Erato vient de publier récemment l’oratorio Theodora avec, entre autres, Richard Croft et Nathan Berg sous la direction de William Christie
- Patricia Petibon change de répertoire et propose un panorama de la musique française (opéra et opérette) du 19ème dans un disque intitulé “French Touch” sous la direction de Y. Abel et avec l’orchestre de Lyon (Decca).


Manon Ardouin

 

 

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