About us / Contact

The Classical Music Network

Prades

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L’hommage à Pablo Casals troublé par une invitée surprise

Prades
Eglise Saint-Pierre
08/10/2003 -  

Johann Sebastian Bach : Sonate pour clavier et viole de gambe, BWV 1028
Wolfgang Amadeus Mozart : Trio pour clarinette, alto et piano «Des Quilles», K. 498
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano et violon n° 10, opus 96 (*) – Quintette à cordes, opus 29 (**)


Michel Lethiec (clarinette), Gérard Poulet (*) (violon), Raphaël Oleg, Pierre-Henri Xuereb (**) (alto), Yvan Chiffoleau (violoncelle), Christian Ivaldi, Jean-Claude Vanden-Eynden (*) (piano), Quatuor Artis (**)


Dans cette édition 2003 qui tient fort justement à marquer le trentième anniversaire de la disparition de son fondateur, le Festival Pablo Casals a eu la judicieuse idée de reprendre un programme donné dans les toutes premières années de cette manifestation, voici un peu plus de cinquante ans, le 21 juin 1953. Si l’affiche de l’époque était alléchante (outre Casals, bien sûr, on relève les noms d’Arthur Grumiaux et de Clara Haskil), celle offerte en ce dimanche ne l’était pas moins. Et, une fois n’est pas coutume, en contraste total avec le dépouillement de Saint-Michel de Cuxà, le concert se tenait à Prades même, en l’église Saint-Pierre (XVIIe-XVIIIe), les musiciens étant placés au pied de l’imposant retable baroque (1696-1699) du maître autel, présenté comme le plus grand du pays. La soirée promettait donc, mais c’était hélas sans compter sur une invitée surprise, l’acoustique, qui aura, à des degrés divers, métamorphosé les bonnes intentions des artistes en enfer du spectateur et, accessoirement, répercuté au centuple les craquements et divers bruits intempestifs du public ou des cameramen.


Comme leurs glorieux aînés, Yvan Chiffoleau et Christian Ivaldi montrent, dans la Sonate pour clavier (piano) et viole de gambe (violoncelle) en majeur (ca 1720) de Bach que tout est affaire de style bien plus que d’instruments, et ce bien que l’esthétique droite et sobre du violoncelliste français ait évidemment peu à voir avec celle de Casals. Malheureusement, si le lieu se révèle favorable au piano et, plus généralement, aux sons percussifs (les pizzicati ressortent étonnamment bien ainsi que, dans une moindre mesure, les attaques et notes détachées), il noie le son du violoncelle, un temps réverbéré puis littéralement happé par une sorte de trou noir acoustique, dans un ensemble qui en devient souvent trop confus.


L’alto (Raphaël Oleg), dans le Trio «des Quilles» (1786) de Mozart, donne pareillement l’impression de se débattre en vain, tant il paraît anormalement éloigné. Du coup, l’œuvre se transforme en sonate pour clarinette amplifiée et piano, trahissant la subtilité et le lyrisme épanoui de Michel Lethiec et Christian Ivaldi.


Trop négligée, la Dixième sonate pour piano et violon (1812) de Beethoven rencontre en Jean-Claude Vanden-Eynden et Gérard Poulet de merveilleux interprètes. Compte tenu des contraintes acoustiques, on se réjouit que le pianiste belge ait sans cesse ménagé le violon idéalement fin et distingué de son partenaire, pour offrir ensemble des moments d’une poésie magique, déjà presque schubertienne (Allegro moderato, Poco allegretto à variations) ou annonçant, dans les variations Adagio espressivo du dernier mouvement, les mouvements lents des ultimes partitions (Sonate «Hammerklavier», Neuvième symphonie, quatuors).


Contemporain, pour s’en tenir à la musique de chambre, des cinq sonates pour piano et violon des opus 23, 24 et 30, ou, si l’on préfère, situé entre les quatuors de l’opus 18 et ceux de l’opus 59, le Quintette à deux altos (1801) de Beethoven, seule partition originale qu’il ait destinée à cette formation, fait pourtant figure de rareté. Indéniablement hybride et peu typique du compositeur – sa grâce aimable préfigure, ici ou là, Schubert, voire Rossini, tandis que le violon exécute, dans le dernier mouvement, des traits quasi paganiniens – elle n’en trouve pas moins avec les Artis, associés à Pierre-Henri Xuereb au second alto, des défenseurs convaincus. Mais l’acoustique enveloppe leur jeu incisif et spirituel d’un halo lointain dans la nuance piano et épaississant dans la nuance forte: le développement fugué de l’étrange Presto final (qui, non seulement énonce un motif repris, quatre ans plus tard, dans Léonore, mais est interrompu à deux reprises par un Andante con moto e scherzoso d’un humour quasi rossinien) se perd ainsi dans une consternante opacité.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com