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Barto(k)

Paris
Théâtre Mogador
04/10/2003 -  

Ludwig van Beethoven : Leonore III, op. 72c
Béla Bartok : Concerto pour alto, sz. 120
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 2, op. 18
Frédéric Chopin : Andante spianato et Grande polonaise brillante, op. 22


Tabea Zimmermann (alto), Tzimon Barto (piano)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Présenté comme un «hommage à Arthur Rubinstein», ce concert proposait un programme dont il serait sans doute vain de rechercher non seulement la cohérence mais aussi en quoi il constituait un hommage au pianiste polonais.


Dans ces conditions, pourquoi effectivement ne pas commencer par l’ouverture Leonore III de Beethoven? Christoph Eschenbach réunit un effectif important (soixante cordes), auquel il ne sera d’ailleurs plus fait appel au cours de la suite de la soirée: ses options interprétatives confirment cette volonté de puissance, très «allemande», indéniablement efficace, les contrastes de l’Allegro principal faisant écho aux tensions de l’introduction, prise dans un tempo particulièrement retenu.


Habituée de l’Orchestre de Paris (voir par exemple ici), Tabea Zimmermann montre, dans le Concerto pour alto de Bartok, les qualités qu’on lui connaissait déjà: aisance, puissance, sonorité (quels graves!) et une expression naturelle qui fait merveille dans cette partition à la fois nécessairement imparfaite - trois mouvements de dimensions très différentes et, au-delà, une envie, chez l’auditeur, d’imaginer l’allure que le compositeur hongrois leur aurait donnée s’il avait pu lui-même les mener à bien - et nécessairement émouvante, puisqu’elle constitue en même temps son chant du cygne.


Hormis la maîtrise technique, difficile de concevoir un soliste plus antithétique de l’altiste allemande que Tzimon Barto. D’une subjectivité un tantinet provocatrice mais à tout le moins rafraîchissante, le pianiste américain, après avoir choisi le Deuxième concerto de Prokofiev en janvier dernier (voir ici), s’attaque - également au sens propre, tant le piano ploie parfois sous ses coups de boutoir - cette fois-ci au Deuxième concerto de Rachmaninov. Autant Nikolaï Lugansky, dans le Troisième concerto, le mois dernier (voir ici) avec le même orchestre, avait révélé la dimension intimiste et pudique de cette musique, autant Barto ne craint pas de mettre l’accent sur le spectaculaire, l’énergie et la virtuosité. De fait, si le discours, parfois saccadé, appuyé ou soumis à de fortes fluctuations de tempo, privilégie la poésie de l’instant et une certaine forme d’affectation «romantique», la précision diabolique et la variété des touchers (depuis le martèlement jusqu’à la transparence) contribuent à une réalisation techniquement époustouflante. Eschenbach, à la tête d’un orchestre pleinement engagé et somptueux, s’accorde avec cette trajectoire fantasque, comme en témoigne par exemple le phrasé pour le moins original du fameux premier thème du Moderato initial.


C’est seulement en fin de programme qu’apparaît l’unique référence explicite à Arthur Rubinstein, avec l’Andante spianato et Grande polonaise brillante de Chopin, qui pâtit peut-être d’avoir été placé après - et non avant - Rachmaninov. Du coup, c’est comme si, par une sorte de surenchère, Barto était conduit à en faire encore davantage pour maintenir l’attention. Si la froide perfection de l’Andante spianato rend justice au caractère égal ou aplani que suggère son titre, la Grande polonaise brillante devient un pur exercice de démonstration technique et de séduction sonore. Stylistiquement inappropriée, cette vision nous ramène à l’ère de ces musiciens qui, plutôt que de servir le texte, s’en servaient principalement pour faire étalage de leur bravoure. Ce qu’il est évidemment permis d’aimer, même si, en l’espèce, il ne faudrait pas oublier pour autant que Chopin n’est ni Liszt, ni Chico Marx.


Offrant deux bis, Barto poursuit d’abord avec le Nocturne en ut dièse mineur (opus posthume) de Chopin, celui-là même que Lars Vogt avait joué pour remercier le public de la Cité de la musique le mois dernier (voir ici). Le retour à une certaine modération sera bref, puisque le pianiste conclut par un ragtime (à la Joplin) désarticulé, d’un mauvais goût assumé et d’un humour communicatif.



Simon Corley

 

 

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