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L’âme russe

Toulouse
Halle aux Grains
03/18/2003 -  
Serge Prokofiev : Concerto pour violon n°2, opus 63
Piotr Illitch Tchaïkovski : Symphonie n°4, opus 36

Sayaka Shoji (violon)
Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, Yuri Temirkanov (direction)

Programme 100% russe pour ce concert des Grands Interprètes, dont l’excellente programmation de cette année nous est encore démontrée ce soir. La Halle aux Grains accueille l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, fondé voici plus de 200 ans et qui rayonne actuellement en France dans une série de concerts dédiés à l’âme russe. Et, depuis 1988, c'est Yuri Temirkanov qui est le directeur musical et chef principal de ce qui se révèle comme l’un des plus beaux orchestres au monde.

La première partie de soirée est consacrée à Serge Prokofiev. « J’ai horreur de l’imitation et j’ai horreur des choses déjà connues » affirma-t-il ainsi alors que la presse jugeait sévèrement ce créateur visionnaire, arrogant et présomptueux. Sa force de caractère, son audace et son talent de pianiste eurent raison de son succès, malheureusement ternis par la censure du totalitarisme stalinien.

Le Second concerto fut composé en 1935 à l’intention du violoniste Robert Soetens. Ce soir, l’interprétation est confiée à Sayaka Shoji, une jeune Japonaise de dix-neuf ans qui a fait son apparition l’an dernier et qui reste donc encore assez méconnue en France. Pourtant, cette artiste possède un don inné pour le violon qui n’aura pas de mal à s’imposer sur les scènes musicales européennes, à en juger par sa sublime prestation de ce soir.

La complexité mélodique des œuvres de Prokofiev fut mal accueillie par le public. Ce concerto renoue avec des thèmes plus lyriques mais aussi moins complexes. Le mouvement d’ouverture en est un bon exemple: les phrasés sont longs et romantiques; Sayaka Shoji énonce ces quelques premières mesures en toute simplicité, avec délicatesse, dans un son d’une transparence remarquable. Cette mélodie est ensuite imitée par l’orchestre, dont l’effectif minimaliste met en valeur le violon solo. Mais ce tableau idyllique est entrecoupé d’envolées rythmiques, sonores et mystérieuses, autant d’effets de « surprises » mis en valeur par de superbes contrastes de la soliste et de l’orchestre. Le romantisme et la transparence du violon solo s’expriment à nouveau dans l’andante assai, où de nouveaux thèmes élégants se succèdent. La finesse et la légèreté de l’orchestre donnent toute la dimension attendue de ce mouvement parfois comparable à une douce berceuse. L’œuvre se termine sur une invitation au voyage : rythmes énergiques andalous, castagnettes, gaieté des thèmes exposés, caractéristiques du style de Prokofiev.

Les regards, la sensibilité et la complicité entre Sayaka Shoji et Yuri Temirkanov en dirent long sur le plaisir éprouvé par chacun ! La fluidité de la direction, sans brutalité, a donné de belles couleurs à l’orchestre, laissant apparaître de superbes instants d’émotion. La justesse et la sonorité grinçante de quelques notes, voilà les bien maigres réserves que l’on pourrait évoquer sur le jeu de Sayaja Shoji. Le public a salué cette œuvre avec retenue, à en juger par le tonnerre d’applaudissements qui suivit le bis, autre exemple de complexité mais dans un tout autre style, un caprice de Paganini.

Si Prokofiev était résolument tourné vers l’avenir, il n’en affectionnait pas moins Wagner, Grieg et … Tchaïkovski. La Quatrième symphonie fut achevée en 1878, et dédiée à sa bienfaitrice, Madame Von Meck.

« C’est le fatum, cette force fatale qui empêche l’aboutissement de l’élan vers le bonheur » écrivit Tchaïkovski pour résumer le premier mouvement, où le thème du destin et la puissance orchestrale n’est pas sans rappeler Mahler. Quelle ardeur dans l’interprétation ! Yuri Temirkanov impose des rythmes effrénés, très - voire trop - contrastés, et insuffle une force et une densité à son orchestre, saisissant ainsi toute la gravité de ce thème. Les cuivres manquent par contre de « graisse », les sonorités sont dures et l’acoustique sèche de la Halle aux Grains n’arrange pas les choses.

C’est un des plus beaux thèmes romantiques jamais écrit qui suit l’apothéose du premier mouvement. La nostalgie, les souvenirs d’un passé heureux regretté envahissent notre esprit, laissons nous porter par cette mélodie interprétée avec clarté et émotion par le hautbois, dans des nuances sublimes de l’orchestre. Le chef prend le temps de laisser s’exprimer la plainte de chaque note et les tempi sont plutôt lents.

La disposition des musiciens « à la russe » donne une dimension extraordinaire au troisième mouvement, ce fameux scherzo exécuté sans archets. Les pizzicati traversent à toute vitesse l’orchestre, par vagues ou désordonnés, les rendant insaisissables. Difficile de ne pas rester en admiration devant ce spectacle aussi agréable à regarder qu’à écouter. Seul petit bémol, les contrebasses couvent parfois cette mélodie si délicate.

Le thème du fatum revient en force pour conclure cette symphonie. Les tempi du chef sont ici aussi très rapides et même si l’on devine la détresse des flûtes à s’accrocher au rythme, rien n’y paraît, le résultat est impeccable, riche, dense, enflammé, tout simplement de toute beauté.

L’âme russe résonnera encore quelques instants avec l’ouverture de l’opéra La légende de la ville invisible de Kitej de Rimski-Korsakov et un extrait de l’incontournable Casse-Noisette, également de Tchaïkovski. Que du bonheur !




Fabrice Candia

 

 

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