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La Monnaie
12/09/2025 -  et 11, 13, 16, 18, 21*, 23, 28, 31 décembre 2025
Vincenzo Bellini : Norma
Enea Scala (Pollione), Alexander Vinogradov (Oroveso), Sally Matthews (Norma), Raffaella Lupinacci (Adalgisa), Lisa Willems (Clotilde), Alexander Marev (Flavio)
Chœurs et Académie des chœurs de la Monnaie, Emmanuel Trenque (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, George Petrou (direction musicale)
Christophe Coppens, I.S.M. architecten (mise en scène, costumes, décors), Peter Van Praet (lumières), Supersauce - Georgie Pinn (vidéo)


(© Simon Van Rompay)


Seulement quelques représentations devant un public parsemé : en décembre 2021, cette Norma (1831) figure parmi les victimes collatérales de la pandémie et des mesures prises afin d’en limiter la propagation. Quelle époque, décidément, tellement irréelle, avec le recul, à la fois si proche et si lointaine. La Monnaie reprend cette production quatre ans plus tard, avec une distribution partiellement identique et un autre chef.


Mais fallait-il la remonter ? Cette Norma semble se dérouler aujourd’hui, ou dans un futur proche, et dans un lieu indéterminé et isolé. Christophe Coppens situe plus exactement l’action dans une communauté refermée sur elle‑même, dans laquelle règnent le fanatisme identitaire, la haine et la vengeance. Les costumes sont d’une telle banalité que vous les retrouveriez à l’extérieur, portés par des passants dans la rue. Et l’opéra se déroule dans un cadre froid et bétonné, dans une palette de couleurs limitée, le plus souvent dépouillé, malgré la présence, à un moment, respectivement au premier et au second acte, d’un restaurant à l’américaine et d’une rame de train, sans réel souci de réalisme. Et, surtout, une des idées principales, les voitures, sur roues, suspendues, réduites à des carcasses, l’une d’entre elles surgissant de l’eau, recouverte par de la végétation aquatique, preuve d’un séjour prolongé dans les flots. Norma et Pollione, à la fin, s’enferment, d’ailleurs, dans une vieille Volvo à laquelle des fanatiques mettent le feu. Le metteur en scène, en tout cas, explique le choix métaphorique de l’automobile. Et de nature, il n’en est évidemment presque pas question, bien qu’elle tente de se frayer un chemin, plus forte que tout. La bataille et le bonhomme de neige apportent à peine de la légèreté, la haine finissant aussi par s’y exprimer.


Ce spectacle laisse sceptique, déçoit un peu, et ne comptera probablement pas parmi les plus mémorables de la décennie écoulée. L’intention de Christophe Coppens de rapprocher l’opéra de Bellini de notre époque et de ses tourments a bien évidemment du sens, et qui aurait sincèrement préféré voir des Gaulois sur le plateau ? Mais cette sinistre mise en scène peine à nous intéresser, nonobstant l’intelligence des intentions, encore moins à nous surprendre et à nous émouvoir. La direction d’acteur, le plus souvent banale, ni rédhibitoire, ni transcendante, alterne entre le bon et le moins bon. Cette mise en scène constitue avant tout l’œuvre d’un artiste plasticien.


La distribution parait d’emblée solide et rodée : tout le monde chante avec intensité et fermeté, avec suffisamment de style, avec ce qu’il faut de soin quant au phrasé et à l’intonation, bien que le raffinement ne constitue pas une priorité, au contraire de la densité et de la vérité dramatique, les spectateurs en quête de pure beauté et d’émotion risquant de ressentir quelque déception. Considérons ces chanteurs tels qu’ils sont, de fiables et compétents interprètes, pleinement investis. Raffaella Lupinacci atteint toutefois l’idéal en Adalgisa, conciliant beauté du timbre, pureté du chant et justesse de l’expression. Sally Matthews incarne intensément le rôle‑titre sans parvenir à réellement à nous toucher, ni nous à émouvoir, la palette expressive demeurant trop uniforme, du moins restreinte. La soprano varie suffisamment les accents, trouve plus d’une fois le ton juste, mais il manque à cette interprétation cette aura, cette épaisseur, cette ineffable alliage de pure beauté vocale et de sentiments tragiques qui distingue les Norma d’exception, celles qui restent dans les mémoires. Et « Casta diva », trop incertain, trop imprécis, laisse sur notre faim. La soprano accomplira toutefois de bien meilleures choses par la suite.


Alexandre Vinogradov soigne son Oroveso, voix de granit, port droit et austère, tandis qu’en Pollione, Enea Scala met une fois de plus en avant un métier de haut vol, la voix se démarquant avant tout par sa puissance et son endurance : un ténor avant tout en quête d’expressivité. Notons Alexander Marev, qui a trop peu à chanter en Flavio, et Lise Willems, délicate en Clotilde.


George Petrou, davantage encore que les chanteurs, à la tête d’un orchestre affichant son niveau habituel, attire notre attention, en ce compris dans les détails, sur l’intérêt musical et dramatique de cet ouvrage. La prestation des musiciens confère de la densité, de la puissance, bref de la consistance, à cette partition admirablement mise en valeur, dans une approche plutôt traditionnelle, mais cohérente et pertinente, sans vouloir retourner aux sources, quant à la sonorité, l’orchestre adoptant le plus souvent la fougue et la fermeté d’un opéra des années de galère de Verdi. Mais cette formation possède assurément les ressources pour apporter à cette musique si contrastée suffisamment de nuances et d’éclat, à défaut de finesse et de souplesse. Les choristes, enfin, rappellent par leur engagement et leur préparation que cet ouvrage comporte de bien belles pages pour eux et qu’ils exercent une fonction dramatique essentielle.


En dépit de ses qualités, il s’agit, en somme, d’un spectacle déprimant, ce qui n’arrange rien avec cette actualité. Nous aurions préféré que la Monnaie termine l’année avec le Falstaff de la rentrée et, comme elle y tient tellement, qu’elle programme cette Norma en début de saison.



Sébastien Foucart

 

 

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