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Un inédit pour clôturer l’année Ravel Paris Philharmonie 12/17/2025 - et 18 décembre 2025 Maurice Ravel : Sémiramis – Daphnis et Chloé
Camille Saint-Saëns : Concerto pour violoncelle n° 1, opus 33 Julia Hagen (violoncelle)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Richard Wilberforce (chef de chœur), Orchestre de Paris, Alain Altinoglu (direction)
 A. Altinoglu (© Marco Borggreve)
L’année Ravel se clôt avec l’exécution d’un inédit, la cantate Sémiramis, imposée pour le prix de Rome 1900 – alors que le compositeur était déjà bien connu. Eliminé d’emblée, il s’attela néanmoins à l’exercice, en 1902, indépendamment du concours, après qu’il eut, l’année précédente, gagné le second grand prix. Cette Sémiramis fut ainsi présentée au Conservatoire, mais en privé, si bien que personne n’en fit mention. A la faveur d’une vente aux enchères, la Bibliothèque nationale acquit le début de la cantate en 2000. A Gustavo Dudamel revint l’honneur de la créer, à New York, en mars dernier. Alain Altinoglu lui‑même vient de la révéler à Bruxelles.
Les premières mesures signalent un maître des timbres de l’orchestre, marqué par Rimski‑Korsakov, héritier de l’école française de la fin du siècle aussi, avant que des touches orientalisantes ne trahissent un goût jamais renié pour l’exotisme – s’annoncent ici les futures partitions « espagnoles ». Alain Altinoglu, justement familier de Rimski, restitue, en un geste souple et précis, ses saveurs subtilement épicées, mais Léo Vermot‑Desroches, si sa ligne rend justice à l’air de Manassès, accuse un certain excès de tension dans la quinte aiguë, qui déséquilibre la tessiture.
Formée à bonne école, à commencer par celle de son père Clemens, la jeune violoncelliste Julia Hagen empoigne ensuite le Premier Concerto de Saint‑Saëns avec une irrésistible énergie, séduisant par la densité, la profondeur, la chaleur de sa sonorité. On peut certes ici ou là souhaiter traits plus brillants, mais le galbe et la beauté du phrasé, la concentration du jeu sont d’une grande, qui font merveille dans le lyrisme de l’Allegretto con moto central. Et dans la Sarabande de la Première Suite de Bach donné en bis.
Retour à Ravel pour finir... en beauté. Alain Altinoglu rend à l’intégrale de Daphnis et Chloé sa dimension narrative, qu’un Esa‑Pekka Salonen estompait un peu, privilégiant plutôt la magie sensuelle des sonorités. Il nous raconte une histoire, en chef de théâtre, nous donnant à « voir » la « Danse grotesque » de Dorcon ou la « Danse suppliante » de Chloé, alors qu’il déchaîne toute la sauvagerie de la « Danse guerrière ». De l’Introduction à la dionysiaque « Danse générale », à la fois orgiaque et tenue, l’arc est remarquablement tendu, sans temps mort, avec un art des transitions, au détriment parfois de l’éventail dynamique, qui pourrait gagner en étendue – les pianissimi du début du « Lever du jour » seraient ainsi plus arachnéens. La direction, très attentive aux timbres, ressuscite aussi les couleurs purement françaises de l’orchestre – on pense ici à un André Cluytens, pour l’art du récit également. Un orchestre superbe, avec de magnifiques solos – peut‑on rêver plus belle flûte ? Le chœur n’est pas en reste, notamment dans l’a cappella de l’Interlude préludant au deuxième tableau – où « Tout s’éteint » vraiment, l’obscurité enveloppant la salle.
Didier van Moere
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